Le boisseau à 10.09 dollars. Le prix affiché par le blé sur le marché à terme de Chicago a de quoi laisser songeur plus d'un trader. En avril dernier, le prix du même boisseau était de 4.25 $, soit des prix plus que doublés en huit mois. Comme de nombreuses matières premières, le blé n'a cure de la crise du subprime et de ses éventuelles conséquences sur l'économie mondiale. Les graines de soja ont elles aussi atteint des plus hauts depuis 34 ans, à 11.57 dollars. Le dernier rapport du Département américain à l'Agriculture (USDA) a ,sans conteste, été au centre de ce mouvement haussier sur les céréales. Celui-ci a fait état de faibles stocks de soja et de blé, et d'une baisse de ceux de maïs. Egalement au banc des accusés dans cette hausse, le développement des biocarburants, avec un objectif fixé par le législateur américain de 9 milliards de gallons de biocarburants en 2008. En d'autres termes , le monde mange actuellement plus qu'il ne produit, ce qui se reflète dans la baisse des réserves depuis cinq ou six ans. Cela ne peut pas continuer, car on arrivera bientôt à l'épuisement des stocks, a averti Joachim von Braun, directeur de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), lors d'une conférence de presse à Pékin. " En 2006, les stocks mondiaux de céréales, en particulier ceux de blé, étaient à leur plus bas niveau depuis le début des années 1980. Ceux de la Chine, qui constituent environ 40 % du stock mondial, ont chuté significativement entre 2000 et 2004 et ne se sont pas reconstitués depuis", indique le rapport qu'il a rendu public . Le symptôme d'un début de pénurie mondiale commence à provoquer des troubles sociaux dans les pays les plus pauvres. Le Mexique a ainsi connu des émeutes de la faim consécutives à une envolée des prix du maïs, produit de base de l'alimentation dans ce pays. L'Afrique est le continent le plus vulnérable. Elle connaît des tensions, notamment au Maroc, en Mauritanie et désormais au Sénégal. Même en Côte d'Ivoire, de nombreux habitants se contentent, aujourd'hui, d'un seul repas par jour. En moyenne, les populations pauvres ont encaissé depuis 2000 un triplement du prix du blé et un quasi-doublement du prix du riz, estime le rapport. "Le changement climatique va aggraver l'insécurité alimentaire dans les prochaines décennies pour les pays à faibles revenus", ajoute le rapport. L'Afrique est particulièrement vulnérable. "Le nombre de personnes victimes de malnutrition en Afrique subsaharienne pourrait tripler d'ici 2080", ajoute-t-il. Parmi les solutions, le rapport préconise une plus grande ouverture des marchés de produits alimentaires de manière à mieux allouer les ressources en fonction des besoins. Cette inflation a gagné également la Chine d'une manière dramatique. Il y a une dizaine de jours, trois personnes sont mortes piétinées lors d'une bousculade dans un supermarché Carrefour qui faisait une opération promotionnelle sur l'huile de friture ! Et les prévisions de l'institut ne sont guère optimistes. Avec la flambée du prix du pétrole, les agriculteurs auront davantage intérêt à vendre leurs récoltes aux fabricants d'éthanol. À partir de deux hypothèses (basse et haute) de l'utilisation énergétique des denrées alimentaires, le rapport teste deux scénarios de prix à l'horizon 2020. Une croissance "basse" du marché de l'éthanol conclut à une hausse de 26 % du prix du maïs, de 18 % pour l'huile alimentaire et de 8,3 % pour le blé. Dans le scénario "haut", les prix pourraient augmenter de 72 % pour le maïs, de 44 % pour l'huile et de 20 % pour le blé. Même l'Europe n'est pas épargnée. Considérée comme un des greniers à grains du monde, elle est devenue importatrice nette de céréales. Ironie du sort. Au point que Bruxelles envisage de suspendre les droits de douanes sur leurs importations ! Cette baisse de récolte combinée à celle de l'Australie, dévastée par la sécheresse, prive le marché mondial d'une partie de sa ration de blé et de riz. L'Inde vient ainsi de suspendre ses exportations de riz, ce qui oblige les pays consommateurs à puiser dans leurs stocks.