Michel Temer, devenu jeudi le nouveau président du Brésil, a donné des briefings sur la situation politique brésilienne à des diplomates américains, en 2006 alors qu'il était député, selon des documents publiés vendredi par Wikileaks. Ces documents, des télégrammes diplomatiques diffusés vendredi via Twitter, datent de janvier et juin 2006. Ils contiennent des informations qualifiées de sensibles mais non classifiées: en fait, des conversations entre Michel Temer, alors député du parti centriste PMDB, et des représentants américains. Un des documents identifie l'interlocuteur de Temer comme le consul général des Etats-Unis au Brésil de l'époque, Christopher McMullen. Dans son message publié sur le réseau social, le site de lanceurs d'alertes Wikileaks qualifie M. Temer d'informateur de l'ambassade pour les renseignements américains. Mais les documents diplomatiques eux-mêmes ne donnent pas de précisions sur le statut de Michel Temer ou la nature de ses relations avec les diplomates américains. M. Temer estime dans ces télégrammes que l'élection de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, en 2002, avait créé un énorme espoir au sein de la population tout en jugeant que sa présidence avait été décevante. C'est pourquoi sa formation politique évaluait alors la possibilité de présenter son propre candidat en 2006 lors de l'élection à venir. Une alliance avec le Parti des Travailleurs (PT-gauche) de l'ancien président Lula et de Dilma Rousseff, n'était cependant pas exclue, en fonction des circonstances. Le vrai problème du PMDB c'est qu'il n'a pas d'idéologie ou de structure politique qui lui permette d'élaborer et de mettre en place un programme politique cohérent, écrit Christopher McMullen dans un des télégrammes. Il y qualifie ce parti, faiseur de majorité au Brésil et ancien allié de Dilma Rousseff, de coalition de caciques régionaux opportunistes. Michel Temer, 75 ans, assume depuis jeudi la présidence d'un Brésil divisé et en crise après un vote historique du Sénat qui a suspendu du pouvoir la présidente de gauche Dilma Rousseff pour 180 jours maximum.
Premier jour de l'ère Tremer Le nouveau gouvernement brésilien présidé par Michel Temer s'est mis au travail dès vendredi matin pour essayer de redresser le pays, englué dans une profonde crise économique. Ses premières mesures d'urgence étaient attendues dans la foulée. "Nous avons peu de temps", a prévenu Michel Temer, du grand parti de centre-droit PMDB, lors de sa prise de fonction jeudi au palais présidentiel de Planalto. "Mais nous nous efforcerons de mettre en place les réformes dont le Brésil a besoin", a assuré l'ancien vice-président de Dilma Rousseff devenu son principal rival. Son gouvernement était réuni pour la première fois vendredi matin, a annoncé sur Twitter Michel Temer en publiant une série de photos. Dans la foulée, une conférence de presse du nouveau ministre des Finances Henrique Meirelles était attendue à 16h30. Il doit dévoiler des mesures choc pour tenter de sortir l'économie brésilienne de la pire récession depuis les années 1930.
Des ministres riches, blancs et en délicatesse avec la justice Les 24 ministres du nouveau gouvernement brésilien auront sûrement bien des choses à se dire, compte tenu de leurs points communs : ils sont tous des hommes, blancs, conservateurs, et beaucoup ont des ennuis avec la justice. Choisis par le président intérimaire Michel Temer, ils affichent un profil quasi-identique, qui tranche avec la diversité d'un pays continent de 204 millions d'habitants. Alors que la population brésilienne s'est indignée ces derniers mois face à l'énorme scandale de corruption Petrobras, qui éclabousse une grande partie de l'élite politique, la nouvelle équipe gouvernementale a promis un changement d'ère. Dehors la corruption et bienvenue à l'efficacité, a assuré vendredi le chef de cabinet (quasi Premier ministre) de Michel Temer, Eliseu Padilha, à l'issue du premier Conseil des ministres. Personne ne sait s'ils seront efficaces, mais le Brésil peut compter sur des ministres appréciés des marchés. Sur le front de l'honnêteté, la tâche s'annonce plus difficile : au moins trois membres du gouvernement sont cités dans l'enquête Petrobras, dont Romero Juca, ministre-clé en charge de la Planification. Trois autres font l'objet d'une enquête, selon le site spécialisé Congresso em Foco, tandis que deux ministres sont les fils d'hommes politiques cités dans le scandale Petrobras. Et après un gouvernement mené par la première femme présidente du Brésil, l'équipe de Temer donne une étrange impression de retour en arrière : pas de femme, pas de Noir, pas de profil proche des classes pauvres. Certains ministres semblent même avoir été choisis pour insister sur le virage conservateur : c'est le cas de celui de l'Agriculture, Blairo Maggi, surnommé le roi du soja et critiqué par Greenpeace comme l'un des plus grands responsables de la déforestation en Amazonie. Le titulaire de l'Industrie, Marcos Pereira, est un pasteur évangélique qui avait même été envisagé pour les Sciences, une perspective qui avait suscité les protestations de la communauté scientifique.
Le pitbull de Temer Que dire, enfin, du ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, jusqu'à présent chef de la sécurité à Sao Paulo. Sous ses ordres, la police est accusée de fréquentes violations de droits de l'homme, dont l'usage d'escadrons de la mort pour affronter les gangs. Surnommé le pitbull de Temer par un journal brésilien, il aura également sous sa responsabilité les droits de la femme et l'égalité raciale. La suppression du ministère de la Culture a elle été dénoncée par des artistes comme le musicien Chico Buarque et l'acteur Wagner Moura. Mais le gouvernement ne semble guère s'émouvoir des réactions outrées suscitées par sa composition. Interrogé sur l'absence de femmes, Eliseu Padilha a simplement rétorqué : Nous avons essayé de trouver des femmes mais, en raison du calendrier resserré, ça n'a pas été possible. Il a juste promis la nomination de femmes secrétaires d'Etat, qui auront des attributions de ministres. L'équipe gouvernementale compte de nombreux anciens parlementaires, alors même que cette institution, dont 60% des membres ont ou ont eu des ennuis avec la justice, est largement discréditée aux yeux des Brésiliens. Mais c'est sûrement de bonne guerre : ce sont justement les députés puis les sénateurs qui ont permis, avec leur vote, d'écarter du pouvoir Dilma Rousseff pour la remplacer par Michel Temer, alors vice-président, qui a dû se sentir redevable. Le nouveau ministre de la Ville, Bruno Arauja, était le député dont le vote a permis de franchir la barrière des deux tiers à l'Assemblée, pour faire avancer la procédure au Sénat. A la Chambre haute, c'est le désormais ministre de l'Agriculture Blairo Maggi qui a lui aussi apporté le vote décisif. Derrière ce casting, il y a une stratégie de la part de M. Temer : les ministres proviennent de 11 partis différents, assurant un large soutien parlementaire aux mesures d'austérité économique qu'il compte mettre en place. C'est très pragmatique, observe Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas, qui estime même que l'exclusion des femmes et des minorités de son gouvernement est également calculée, pour refléter un Brésil majoritairement conservateur et sous influence religieuse.Pas sûr que les habitants approuvent un tel manque de diversité : ils pourraient faire connaître leur sentiment dans les prochains mois, prévient-il.