Polémique n A peine formé, ce gouvernement au profil libéral et conservateur suscitait de nombreuses critiques. Ses 24 membres sont tous des hommes blancs, pour la première fois depuis le retour du Brésil à la démocratie en 1985. Ils sont conservateurs, et beaucoup ont des ennuis avec la justice. Choisis par le président intérimaire Michel Temer, monté au pouvoir après la suspension jeudi dernier, de Dilma Rousseff, ils affichent un profil quasi-identique, qui tranche avec la diversité d'un pays de 204 millions d'habitants. Personne ne sait s'ils seront efficaces, mais le Brésil peut compter sur des ministres appréciés des marchés. Sur le front de l'honnêteté, la tâche s'annonce plus difficile : au moins trois membres du gouvernement sont cités dans l'enquête Petrobras, dont Romero Juca, ministre-clé en charge de la Planification. Trois autres font l'objet d'une enquête, selon le site spécialisé Congresso em Foco, tandis que deux ministres sont les fils d'hommes politiques cités dans le scandale Petrobras. Et après un gouvernement mené par la première femme présidente du Brésil, l'équipe de Temer donne une étrange impression de retour en arrière : pas de femme, pas de Noir, pas de profil proche des classes pauvres. Certains ministres semblent même avoir été choisis pour insister sur le virage conservateur : c'est le cas de celui de l'Agriculture, Blairo Maggi, surnommé «le roi du soja» et critiqué par Greenpeace comme l'un des plus grands responsables de la déforestation en Amazonie. Le titulaire de l'Industrie, Marcos Pereira, est un pasteur évangélique qui avait même été envisagé pour les Sciences, une perspective qui avait suscité les protestations de la communauté scientifique. Que dire, enfin, du ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, jusqu'à présent chef de la sécurité à Sao Paulo. Sous ses ordres, la police est accusée de fréquentes violations de droits de l'Homme, dont l'usage d'«escadrons de la mort» pour affronter les gangs. Surnommé «le pitbull de Temer» par un journal brésilien, il aura également sous sa responsabilité les droits de la femme et l'égalité raciale. Ce n'est pas fini. L'équipe gouvernementale compte de nombreux anciens parlementaires, alors même que cette institution, dont 60% des membres ont ou ont eu des ennuis avec la justice, est largement discréditée aux yeux des Brésiliens. Le nouveau ministre de la Ville, Bruno Arauja, était le député dont le vote a permis de franchir la barrière des deux tiers à l'Assemblée, pour faire avancer la procédure au Sénat. A la chambre haute, c'est le désormais le ministre de l'Agriculture Blairo Maggi qui a lui aussi apporté le vote décisif. Derrière ce casting, il y a une stratégie de la part de M. Temer : les ministres proviennent de 11 partis différents, assurant un large soutien parlementaire aux mesures d'austérité économique qu'il compte mettre en place. «C'est très pragmatique», observe Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas, qui estime même que l'exclusion des femmes et des minorités de son gouvernement est également calculée, pour refléter un Brésil majoritairement conservateur et sous influence religieuse.