Une nouvelle race de rouille noire menace la production mondiale de blé. Le nouvel agent pathogène a été baptisé Ug99. Il est apparu pour la première fois en Ouganda en 1999. Comme prévu, cette race du champignon Ug99 (ou plus scientifiquement TTKS), a rapidement été observée au Kenya, puis en 2003 en Ethiopie. Elle s'est répandue ensuite vers le Yemen et la péninsule arabique. Elle se trouve aujourd'hui au seuil de l'Egypte, du Moyen-Orient et de l'Asie. En plus de cette propagation naturelle, une dissémination accidentelle par des voyageurs ne peut être exclue sur les autres continents. A titre préventif, le niveau de résistance des variétés du programme de sélection du blé et de la collection de la Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW est testé. La résistance particulièrement élevée de variétés locales d'orges, déjà mise en évidence, pourra servir de matériel pour les programmes d'amélioration des plantes. La rouille noire est une maladie des céréales qui se traduit par l'apparition de pustules qui brisent l'épiderme de la tige des plantes. Elle peut provoquer des pertes de rendement conséquentes. Dans les années cinquante, une épidémie de rouille noire avait détruit 40% des récoltes de blés de printemps en Amérique du Nord. Depuis cette époque, la rouille noire n'a plus provoqué d'épidémies en Europe et n'est observée que sporadiquement en Suisse, où elle est toutefois toujours présente. Par ailleurs, suite à l'analyse de milliers de variétés de blé et d'orge, il s'est avéré qu'une très grande partie des variétés cultivées actuellement en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et près de 80% de celles cultivées en Afrique et sur le continent Indien ne résistent pas au nouveau pathogène. Un moyen de lutte préventive consisterait à remplacer les variétés de blés et d'orges actuelles par des variétés résistantes. Dans le but de participer à l'effort international de recherche de gènes de résistance, une série de nos variétés de blés de printemps, de nos blés d'automne et des variétés locales d'orge a déjà été testée en 2006 et en 2007 aux Etats-Unis ou au Kenya. En attente des résultats des blés d'automne, on peut toutefois déjà observer que parmi les 17 variétés de blés de printemps testées, toutes sont sensibles, seules deux d'entre elles ayant, au mieux, une sensibilité modérée. Par contre, 57% des orges locales suisses de la collection testées ont un niveau de résistance élevé et pourraient servir de sources de résistances pour les programmes d'amélioration des orges. ACW, en partenariat avec les sélectionneurs des céréales, a anticipé ce nouveau risque et se prépare à la lutte. Les travaux de sélection pour la résistance à la rouille noire sont en cours. Environ cinquante gènes de résistance sont actuellement connus. Ce sont, à l'exception du gène Sr2, tous des gènes de résistance spécifique à une race du champignon. Parmi ces gènes, une trentaine sont contournés par Ug99 qui est, de plus, la seule race virulente contre le gène Sr31, très largement répandu dans les blés actuels. Le gène Sr2, s'il est associé à d'autres gènes mineurs, assure une protection durable mais la fréquence de cette combinaison est relativement faible. La stratégie proposée par les spécialistes est de reconstituer, dans les variétés actuelles, le "complexe Sr2". Il est déconseillé de baser la lutte uniquement sur des résistances spécifiques à la race Ug99, car les barrières de résistance de ces gênes risquent de tomber les unes après les autres avec le temps.Dans une situation où la production mondiale de blé est sous tension (sécheresses en Australie, germination sur pied en Europe, augmentation de la demande, etc.) cette nouvelle menace est prise très au sérieux. Une initiative internationale, à savoir The Global Rust Initiative ( www.globalrust.org) suit de près l'évolution de la situation, évalue les variétés de céréales et recherche des solutions.