La Banque centrale européenne (BCE) établira sans doute un diagnostic un peu moins réservé sur la situation économique, lors de sa réunion du 8 juin, et ira même jusqu'à évoquer la possibilité de revenir en partie sur son engagement d'être encore plus accommodante si la situation le justifiait, ont dit mardi à Reuters quatre sources proches du dossier. Les banquiers centraux sont tout disposés à admettre qu'il existe des signes évidents d'accélération de la croissance économique en renonçant à faire figurer dans la déclaration introductive publiée à l'issue de leur réunion de politique monétaire toute référence aux risques orientés à la baisse, estimant au contraire que les risques sont dorénavant largement équilibrés, ont expliqué les sources. "Après l'élection (présidentielle) en France, le risque politique s'est à l'évidence atténué et les indicateurs économiques sont globalement positifs; il est donc temps d'en prendre acte", a dit l'un des membres du Conseil des gouverneurs. Après avoir combattu la déflation des années durant par des mesures massives de stimulation économique, l'heure est venue pour la BCE de penser à la normalisation de sa politique monétaire et le débat oppose ceux qui prônent un resserrement progressif et ceux qui craignent qu'elle loupe le coche et soit obligée de la durcir encore plus radicalement par la suite. "L'environnement positif est relativement récent, si l'on songe à la longue période de crise qu'on a vécue", a dit une autre source. "Ce serait irresponsable de prononcer un changement de cap radical sur ce seul constat". Il est probable que la réunion du 8 juin donnera lieu à un débat sur l'hypothèse du dénouement intégral ou partiel de son biais accommodant, c'est-à-dire de l'engagement de l'institut d'émission à garder des taux d'intérêt à leur niveau actuel ou à un niveau encore plus bas pendant une période prolongée et à augmenter ses rachats d'actifs si la conjoncture venait à empirer. Beaucoup d'investisseurs attendent quelque chose de ce côté-là mais rien n'est moins sûr, d'après les sources. "Ce sera la première fois qu'on en parlera et je ne m'attends pas forcément à une décision", a observé une autre source. De fait, le président Mario Draghi s'est montré prudent mardi, jugeant qu'au vu d'une inflation de fonds qui reste faible, un "volume exceptionnel" de soutien monétaire s'imposait encore. La statistique de l'inflation de la zone euro qui sera publiée mercredi devrait ainsi attester d'un tassement de l'inflation, tant brute que sous-jacente, ce qui impliquerait que pour la BCE il est urgent d'attendre. Une tendance préfigurée par l'inflation de l'Allemagne parue ce mardi, qui a ralenti plus fortement que prévue. La BCE s'est abstenue de tout commentaire.
Trop de progressivité? Toute décision de la banque centrale requiert une majorité simple mais le Conseil des gouverneurs ne passe pas toujours au vote dans la mesure où les décisions sont habituellement appuyées par un consensus total ou quasiment. Les opinions partagées du Conseil des gouverneurs se retrouvent également au sein de l'organe plus restreint qu'est le directoire. Peter Praet, le chef économiste de la BCE, a fait valoir que des changements même progressifs dans la communication peuvent être source de signaux forts, alors que le vice-président Vitor Constancio juge qu'être un peu en retard dans le processus de durcissement monétaire vaut mieux qu'être trop en avance. Benoît Coeuré estime que trop de progressivité induirait un risque de forte correction du marché, mettant en avant le risque que les anticipations de ce dernier ne cessent de diverger d'avec le pilotage que la BCE tente d'exercer sur elles. "Tout le monde sait qu'on ne baissera pas les taux; donc, en prendre acte officiellement ne devrait pas faire de vagues", a noté l'une des sources. "Il y a un problème de crédibilité lorsque vos signaux sont très différents de ce que le marché attend; ce n'est pas le cas mais le risque existe". Abandonner toute référence à une baisse des taux risque de renforcer l'euro, ce qui serait préoccupant car la monnaie unique a déjà gagné plus de 5% contre le dollar depuis la mi-avril. Même si la BCE n'a pas d'objectif de taux de change, une hausse continue de l'euro serait préjudiciable aux exportateurs et affaiblirait les anticipations inflationnistes. Renoncer à toute mention sur l'éventualité de racheter encore plus d'actifs pourrait pousser les rendements obligataires à la hausse, ce qui serait là encore préoccupants car la BCE a déjà souligné qu'il y avait un problème de gestion de la dette sur la durée.