La France et l'Allemagne revendiquent chacune le poste d'économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), laissé vacant par l'Allemand Jürgen Stark et qui semblait promis à son compatriote Jörg Asmussen, a indiqué, hier, une source proche du dossier. Selon cette source, la France voudrait voir confier ce poste au numéro deux du Trésor, Benoît Coeuré. Elle confirmait des informations du quotidien économique allemand Handelsblatt. "Benoît Coeuré a clairement les compétences et le profil pour le poste de chef économiste. Il faudrait échanger les portefeuilles avec Asmussen qui pourrait par exemple prendre l'international, mais c'est au board (directoire) de la BCE de décider", selon cette source. M. Coeuré, économiste brillant, a été désigné par Paris la semaine dernière pour entrer au directoire de la BCE, c'est-à-dire l'organe exécutif de la banque, en remplacement de l'Italien Lorenzo Bini Smaghi, chargé des affaires internationales et du service juridique de la BCE, démissionnaire. Cette nomination a relancé la course pour succéder au chef économiste de la BCE Jürgen Stark, qui avait annoncé sa démission surprise en septembre, en raison de divergences avec la ligne suivie par l'institution, pas assez orthodoxe à ses yeux. Berlin avait immédiatement avancé la candidature de M. Asmussen, qui était jusqu'ici sans rival. Depuis la création de la BCE, le poste de chef économiste a toujours été occupé par un Allemand mais la distribution des responsabilités au sein du comité exécutif n'est pas gravée dans le marbre. "Il y a une tradition mais il serait possible d'avoir une redistribution radicale des responsabilités", selon une autre source proche du dossier, d'autant que tous les autres postes du directoire (cinq au total, plus le président) ont été occupés pas des nationalités différentes. Le chef économiste n'a pas davantage de pouvoirs que les autres membres du directoire mais il soumet chaque mois au conseil des gouverneurs une proposition sur l'évolution des taux directeurs (la décision est au final collégiale). C'est également lui qui valide les prévisions économiques très suivies de la BCE ainsi que les rapports de convergence. Tout ceci fait de son poste une position influente et très en vue. Or en cette période de crise de la dette, où l'Allemagne et la France s'opposent sur le rôle que doit jouer la BCE face à la crise, cette nomination peut s'avérer d'autant plus stratégique. Berlin estime que l'institution en fait assez et doit rester avant tout un rempart contre l'inflation tandis que Paris voudrait voir la BCE intervenir massivement pour tenter d'endiguer la propagation de la crise de la dette, notamment par l'intermédiaire de son programme de rachats d'obligations publiques. La désignation de M. Coeuré au directoire de la BCE doit toutefois encore être approuvée par les ministres des Finances de la zone euro qui se sont réunis, hier, à Bruxelles. Il doit ensuite être entendu par la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, ce qui pourrait intervenir rapidement afin qu'il puisse être nommé officiellement lors du sommet européen du 9 décembre. M. Asmussen, actuellement secrétaire d'Etat aux Finances et personnage clé du gouvernement allemand dans la lutte contre la crise, doit lui prendre ses fonctions à la BCE le 1er janvier tandis que les postes de MM. Bini Smaghi et Stark se libèrent aussi à cette date.