Les nuages se sont accumulés vendredi sur l'horizon économique des Etats-Unis avec la publication de plusieurs indicateurs traduisant un ralentissement brutal de l'activité, déjà ressenti par les consommateurs.Ces mauvaises nouvelles, à même de nourrir les spéculations sur la possibilité d'une récession de la première économie mondiale, inquiètent les investisseurs, faisant baisser Wall Street et le dollar. L'indice de confiance du consommateur Reuters-Université du Michigan est tombé en février à son plus bas niveau depuis 16 ans, à 69,6 selon la première estimation, alors que le marché anticipait une baisse bien plus limitée à 76,3 contre 78,4 en janvier. "L'indice n'a été aussi bas que pendant les récessions du milieu des années 1970, du début des années 1980 et du début des années 1990", souligne Richard Curtin, le responsable de l'enquête, dans un communiqué. La moitié des personnes interrogées ont dit craindre une baisse de leur revenu disponible et une montée du chômage au cours de l'année à venir. De plus, le pourcentage de consommateurs jugeant que l'économie se dégrade atteint 86%, le chiffre le plus élevé enregistré depuis 1982. Ces chiffres provisoires - les résultats définitifs de l'enquête "Michigan" seront publiés dans deux semaines, n'ont fait que confirmer l'évolution déjà perceptible dans l'enquête mensuelle sur l'activité industrielle dans la région de New York. L'indice d'activité "Empire State" a en effet subi la plus forte baisse en un mois de son histoire, tombant à -11,72 soit son plus bas niveau depuis avril 2003. Le marché anticipait un chiffre de +6,00 après +9,03 en janvier. Autre mauvais signe: le taux d'utilisation des capacités de production manufacturière a reculé en janvier à 79,7%, revenant ainsi sous son niveau moyen des 35 dernières années. La production industrielle globale, qui inclut aussi le secteur minier, l'énergie et les services aux collectivités, affiche toutefois un taux d'utilisation de 81,5% et une hausse de 0,1% le mois dernier. A ces indicateurs traduisant une tendance à la stagnation de l'activité est venu s'ajouter un nouveau signe de résurgence de l'inflation: les prix à l'importation ont augmenté de 1,7% entre décembre et janvier, en raison notamment de l'envolée des cours du pétrole et des produits alimentaires. En rythme annuel, la hausse des prix à l'importation atteint 13,7%, la plus forte progression enregistrée depuis 1982. Croissance en berne, accélération de l'inflation: cette conjonction correspond à la définition de la "stagflation", une évolution redoutée par les investisseurs car elle érode la valeur des actifs cotés tout en réduisant la croissance des profits. "C'est tout simplement horrible", résume Ian Shepherdson, chef économiste du cabinet High Frequency Economics. "La volatilité soutenue des marchés, la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation et, bien sûr, la situation catastrophique de l'immobilier plongent les consommateurs dans un marasme extraordinaire." Ces indicateurs ont nourri vendredi les anticipations de nouvelles baisses des taux d'intérêt de la Réserve fédérale, qui a déjà réduit de 225 points de base le taux des fonds fédéraux depuis septembre, dont 125 points sur le seul mois de janvier. Mais les décisions de la Fed - dont la prochaine réunion aura lieu en mars - pourraient dépendre de l'évolution du marché de l'emploi, qui a détruit des emplois en janvier pour la première fois depuis quatre ans et demi. "Si l'on continue à enregistrer des chiffres de créations d'emplois positifs, le consommateur pourrait encaisser le choc", estime Richard Dekaser, chef économiste de la banque National City Corp. "Mais une dégradation de la confiance de cette ampleur est toujours préoccupante." D'autant plus préoccupante que les entreprises constatent déjà les effets de cette dégradation dans leurs livres de comptes: Best Buy, l'une des principales enseignes de distribution d'électronique grand public aux Etats-Unis, a revu à la baisse ses prévisions de résultats vendredi pour prendre en compte des ventes inférieures aux prévisions en janvier.