" Bébé câliné, bébé rassuré ". C'est un slogan clamé par une affiche à l'hôpital de Lillebonne en Normandie qui rappelle combien le contact physique avec un bébé est indispensable. La tendresse plus pressante que la nourriture Si des expériences de privation de contact humain sur des bébés sont impensables aujourd'hui, des études menées dans les années 1970 sur des singes peuvent être extrapolées aux humains. Harry Harlow, un psychologue américain isole des bébés macaques de leur mère. Résultat, quand les singes adultes retrouvent leurs congénères, ils ne savent pas interagir avec eux. Plus impressionnant encore, lorsque le chercheur laisse dans leur cage une poupée poilue et un biberon, le bébé singe se dirige d'abord vers l'objet censé représenter la mère affectueuse… " Le câlin est donc un besoin primaire plus important que la nourriture ! ", conclut Céline Rivière, psychologue et auteure de La Câlinothérapie*. D'autres observations viennent corroborer ce besoin vital de contact physique pour les humains. " On a découvert que les bébés dans des orphelinats qui manquaient de contact corporel risquaient de se laisser mourir ou de développer des problèmes surtout psychiques, souligne Claire Laurent, médecin généraliste en PMI, aujourd'hui à la retraite.
La méthode peau à peau, c'est quoi ? Ce besoin vital de câlins dès la naissance n'est plus un secret ; portage, massages, peau à peau sont aujourd'hui encouragés. En 1983, en Colombie, dans un service de néonatologie de Bogota en manque de couveuses naît cette technique du " peau à peau ", qui consiste à poser le prématuré sur le ventre de la mère pendant au moins une heure. On se rend alors compte que les prématurés survivent davantage et prennent plus facilement du poids. Une méthode qui s'est peu à peu imposée dans les maternités de France et dont les bénéfices sont impressionnants, pour tous les nouveau-nés. Claire Laurent aide l'association Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB), qui propose un label pour un meilleur accueil des nouveau-nés et plaide notamment en faveur du peau à peau systématique et prolongé. Elle témoigne d'une vraie révolution : " Pendant des années, j'ai entendu des parents qui s'inquiétaient de donner trop de câlins ("ça va le rendre capricieux", "il va vouloir les bras jusqu'à deux ans"). Aujourd'hui, au lieu de laisser un prématuré en couveuse par peur des microbes, on encourage de plus en plus les parents a faire du peau à peau. "
Une mère faisant un câlin avec son bébé Une maternité lance un label "Naître enchanté" pour apprendre à accoucher en vibrant
Quels en sont les effets ? " Grâce au peau à peau, le bébé va mieux respirer, stabiliser sa température, mieux structurer son sommeil et son éveil ", reprend la généraliste.Bonne nouvelle, un câlin, quand il est fait avec une intention bienveillante, est aussi profitable à celui qui le donne ! La mère en bénéficie ainsi puisque le peau à peau stimule la lactation. Ce premier contact corporel est d'autant plus indispensable que le nouveau-né ne voit qu'à 60 centimètres maximum : posé sur le torse de sa mère ou son père, il peut réellement interagir. " Ses yeux sont reliés aux aires cérébrales des sentiments, donc il peut déjà exprimer une émotion ", assure la médecin. " Le sens le plus important pour lui, c'est le toucher ", complète la psychologue.
Que se passe-t-il dans le cerveau ? Les neurosciences se sont penchées sur les réactions de nos cerveaux aux câlins. " Un câlin va libérer de l'ocytocine, cette hormone de l'amour qui est sécrétée également quand vous méditez, pendant un bain de soleil, résume Céline Rivière. Comme il procure du bien-être, il abaisse également l'hormone du stress, le cortisol. C'est plus magique qu'un antidépresseur, et sans effet secondaire ! " Un puissant remède donc. Pour preuve : aujourd'hui aux Etats-Unis, certains bénévoles viennent cajoler des bébés de mères toxicomanes. Une façon d'alléger leur sevrage. " Grâce à cette hormone du bien-être, on supporte davantage la douleur ", avance Céline Rivière.
Des bienfaits durables Avec des effets sur le long terme. Ces câlins augmentent les défenses immunitaires, attaquées par le stress et renforcées par bien-être. " Une étude anglaise montre que les enfants qui ont beaucoup de câlins les premiers mois développent une confiance en eux, lorsqu'on les retrouve entre l'âge de 1 et 2 ans, ils s'affolent moins quand un parent s'éloigne ", ajoute Claire Laurent. En Israël des chercheurs vont plus loin: chez des enfants de dix ans, ceux qui avait testé ce peau à peau présentaient une facilité d'apprentissage, un meilleur sommeil et une meilleure réponse au stress. Rien d'étonnant pour Céline Rivière. " Dans la mesure où il est dans un climat serein, il peut utiliser son cerveau pour apprendre et non pour survivre. " Au cas où vous auriez encore des doutes, les deux spécialistes l'assènent : mieux vaut trop de câlins que pas assez… à condition de respecter le désir de l'enfant.