Le géant énergétique russe Gazprom a augmenté sa part dans le marché européen du gaz pour atteindre 34% en 2017 et entend développer son leadership. Quels facteurs déterminent les avantages concurrentiels du gaz russe en Europe? La semaine dernière, le vice-président du géant gazier russe Gazprom, Alexandre Medvedev, a communiqué sur le niveau record des livraisons de gaz russe en Europe en 2017 qui s'élevaient à 194 milliards de mètres cubes soit 34% du marché et a annoncé un objectif de croissance pour atteindre la barre des 40%. Afin de comprendre cette tendance, il est nécessaire de comprendre les avantages concurrentiels du gaz russe.
Réserves et production Les plus importantes réserves prouvées au monde, 50 trillions de mètres cubes soit près du quart du total mondial, et sa production de 642 milliards de mètres cubes par an permettent à Moscou de répondre à long terme à la demande des consommateurs européens. Cela étant, selon Alexandre Medvedev, les exportations grandissantes de gaz à destination de pays asiatiques n'empêchent pas Gazprom d'assurer la sécurité énergétique européenne. "Nous pouvons fournir autant de gaz que nécessaire à l'Europe, même si nous entrons dans un nouveau marché en Chine", a déclaré M. Medvedev. Ce qui n'est pas le cas du Qatar, compétiteur traditionnel de la Russie en Europe et des Etats-Unis, "grande puissance gazière autoproclamée", qui disposent de réserves de 24 et 9 trillions de mètres cubes de gaz naturel respectivement pour une production de 181 et 751 milliards de mètres cubes. Les producteurs qatariens et américains de cette ressource préfèreraient les marchés gaziers asiatiques qui se développent plus dynamiquement que ceux des pays européens et absorberaient la majorité des exportations de ces pays, estime le vice-président de Gazprom.
Prix Selon des chercheurs de l'Académie des sciences de Russie et de l'Ecole des hautes études en sciences économiques de Moscou (EHESE), pour la décennie 2020, le gaz russe, dont le prix serait de près de 160 euros les 1.000 mètres cubes, semble être plus attractif que celui des Etats-Unis à 200 euros, mais plus cher que le gaz du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, dont le prix ne dépasserait pas les 120 euros les 1.000 mètres cubes. Deux facteurs principaux déterminent le prix du gaz: le coût de production et celui de l'acheminement. Gazprom évalue son coût de production comme le plus bas du monde, à 20 dollars les 1.000 mètres cubes. Quant au transport, la plus grande partie du gaz russe est transférée par gazoducs. Contrairement au transport du gaz naturel liquéfié (GNL) exporté du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, le gaz russe ne demande pas une infrastructure chère de regazéification et n'engendre pas des coûts d'acheminement exorbitant.
Stabilité et sécurité des livraisons Un gazoduc favorise la conclusion de contrats à longue terme qui assurent la fiabilité des livraisons et renforcent les liens entre l'exportateur et le consommateur. Le marché du GNL est toutefois plus flexible, mais moins stable. Sa dynamique est déterminée par l'équilibre entre l'offre et la demande qui n'est pas très favorable à l'Europe dans un contexte de plus forte croissance économique en Asie. Si l'idée présentée ci-dessus est plutôt théorique et globale, il y a des facteurs de nature non-économique qui font de la Russie un partenaire plus durable et sûr dans ce domaine. Il s'agit de risques politiques dans les pays exportateurs de gaz et sur les voies d'acheminement. Depuis 2011, le Proche-Orient et l'Afrique du Nord sont secoués par des conflits et des crises d'intensité variable. En conséquence, la Russie semble être un des fournisseurs de gaz les plus fiables. De plus, la construction du gazoduc Nord Stream 2 au fond de la mer Baltique, de la Russie vers l'Allemagne, doit diminuer les risques liés à la situation en Ukraine, point faible du transit du gaz russe en Europe, estime le professeur de l'Université d'Etat du pétrole et du gaz de Moscou, Andreï Konoplyanik. Par ailleurs, le transport du gaz par pipelines ne dépend pas des conditions météorologiques, de la piraterie et d'autres risques auxquels les cargaisons de GNL peuvent être confrontées. Toutefois, un point clé reste à souligner. Tous ces facteurs seraient vérifiés si le dialogue entre la Russie et l'Europe était libre de préjugés politiques qui font souvent prendre des décisions irrationnelles et contre-productives.
Exportations en hausse de 30% Les exportations du géant russe Gazprom ont augmenté de plus de 30% en trois ans, permettant à la Russie d'occuper une part de marché record en Europe, a déclaré le patron de Gazprom Alexeï Miller. Le géant gazier "détient actuellement une part record du marché gazier européen, 34,7%", s'est félicité M. Miller lors d'un entretien avec le président Vladimir Poutine, à l'occasion des 25 ans du groupe. Depuis la création du groupe en 1993, ses exportations ont presque doublé, multipliées par 1,9, dont une augmentation de plus de 30% au cours des trois dernières années, a souligné Alexeï Miller. Selon lui, Gazprom a exporté un volume record vers l'Europe et la Turquie de 194,4 milliards de mètres cube de gaz en 2017. Héritier du ministère soviétique de l'industrie gazière, le géant russe Gazprom est devenu une entreprise par actions le 17 février 1993 et fête ce week-end ses 25 ans. Assis sur 17% des réserves mondiales de gaz et détenant le monopole des gazoducs en Russie, le groupe Gazprom est contrôlé à 50,23% par l'Etat russe souvent présenté comme une puissante arme géopolitique du Kremlin. Aujourd'hui, le groupe cherche à développer de nouveaux gazoducs, avec le soutien capitalistique des grands groupes européens, pour maintenir sa part de marché, bien que l'UE traîne des pieds. Bruxelles a bloqué le projet russe South Stream vers le sud européen et se montre réticente face aux projets lancés depuis: TurkStream, via la Turquie, et Nord Stream 2, via la Baltique, que Gazprom justifie par la croissance attendue de la demande européenne ans les années à venir. En janvier, Gazprom a annoncé que le gazoduc TurkStream serait mis en fonction d'ici fin 2019 suite à l'obtention par Gazprom d'une autorisation de la Turquie pour construire la deuxième ligne du projet dans ses eaux. Début février, le groupe a annoncé avoir terminé les deux tiers du projet "Force de Sibérie", destiné à transporter du gaz vers l'Asie et notamment la Chine à partir de décembre 2019. L'Asie, marché gigantesque où les prix sont relativement élevés, fait figure de nouvelle cible de Gazprom.