Les cours du pétrole ont reculé mardi après l'officialisation, largement anticipée, du rétablissement de sanctions américaines contre l'Iran mais celles-ci augmentent les risques de perturbations du marché et de hausse des prix, selon des analystes. L'Iran est un important exportateur de pétrole qui fait partie de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Celle-ci et la Russie ont décidé de limiter leur production alors que la croissance économique mondiale a relancé la demande pour le brut. Les réserves de pétrole, qui avaient gonflé entre 2014 et 2016, se sont donc en grande partie résorbées. Le cours du baril de Brent coté à Londres est du coup passé en un an d'environ 50 dollars à 75 dollars actuellement alors que le WTI coté aux Etats-Unis a franchi lundi le cap des 70 dollars, qu'il n'avait pas atteint depuis 2014, avant de retomber à 69,06 dollars mardi. "Il n'y a plus beaucoup de marge de manœuvre", remarque John Kilduff, d'Again Capital, un fonds d'investissement spécialisé dans les matières premières. "Les Etats-Unis pompent à fond, l'Arabie saoudite ne semble pas vouloir intervenir pour compenser une éventuelle pénurie, la Chine n'a jamais autant importé de brut, et la production au Venezuela est en chute libre", détaille-t-il. Par ailleurs, "on a eu un véritable manque d'investissement dans l'industrie pétrolière et gazière depuis le milieu de la décennie", estime Matt Smith, de ClipperData, qui redoute "un déficit d'offre dans un, deux ou trois ans". Certes l'exploitation des bassins de schiste aux Etats-Unis est en pleine expansion, mais le pétrole léger qui en est tiré ne convient pas à tous les marchés et les infrastructures pour le transporter ne progressent pas forcément à la même vitesse. Les prix sont dans ce contexte devenus plus sensibles au moindre problème pouvant réduire l'offre de pétrole sur le marché mondial. Ils ont ainsi accéléré leur montée ces dernières semaines face aux menaces de sanctions contre l'Iran brandies par Donald Trump.
Venezuela, Libye, Yémen ... L'impact du retrait américain de l'accord nucléaire iranien est à court terme encore incertain, leurs conséquences dépendant notamment de la réaction des autres pays ou du calendrier de leur mise en œuvre. Mais de façon générale, la politique étrangère de Donald Trump "continue d'aviver les tensions dans la région qui exporte le plus de pétrole au monde et, en tant que tel, soutient les prix", affirment les analystes de Barclays. Les investisseurs surveillent notamment de près la rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, qui se répercute par conflits interposés en Syrie, au Yémen et en Irak. La situation en Libye est aussi source de préoccupation: la production du pays est revenue autour d'un million de barils par jour, contre 1,6 million avant la chute du régime du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011. Mais elle est régulièrement perturbée par des blocages imposés par des milices. La chute de la production vénézuélienne est également scrutée par les acteurs du marché. Minée par la corruption, la mauvaise gestion et la baisse des cours du brut, elle a chuté en mars à 1,5 million de barils par jour, son niveau le plus bas depuis 30 ans. Alors que se prépare une élection présidentielle le 20 mai, "un coup d'Etat ou une guerre civile pourrait très bien faire bondir les prix à 85 dollars", estime James Williams du cabinet WTRG Economics. Toutefois, préviennent plusieurs analystes, les cours du pétrole pourraient tout aussi bien redescendre rapidement si se profile une récession économique ou si l'Arabie saoudite en décidait ainsi. Chef de file de l'Opep, Ryad n'a pas intérêt à voir les prix du brut redescendre tant que n'est pas finalisée l'introduction en Bourse de l'entreprise publique qui gère le pétrole du pays, Aramco. Mais "tout est possible une fois que leur introduction en Bourse sera passée ou qu'ils estiment ne plus avoir besoin de limiter leur offre sur le marché mondial", remarque Matt Smith.
Recul en Asie Les cours du pétrole reculaient mardi en Asie sous l'effet de prises de bénéfices avant l'annonce du président américain Donald Trump sur l'Iran. Vers 03H15 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en juin, perdait 75 cents à 69,98 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour livraison en juillet, reculait de 64 cents à 75,53 dollars. Les cours avaient atteint la veille leurs plus hauts niveaux depuis fin 2014, le WTI franchissant le seuil psychologique des 70 dollars en raison en particulier des inquiétudes sur le rétablissement éventuel de sanctions américaines contre l'Iran. Le président américain, qui menace de "démanteler" l'accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 avec les grandes puissances mondiales, va annoncer mardi à 18h00 GMT s'il réimpose des sanctions contre Téhéran. Un retour des sanctions contre le troisième producteur de pétrole de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) aurait pour effet de perturber l'offre mondiale. "Les cours du pétrole ont grimpé récemment, les investisseurs s'inquiétant d'une sortie du président Trump de l'accord sur le nucléaire, ce qui aggraverait encore la situation au Moyen-Orient sans parler des perturbations de l'offre", a déclaré Greg McKenna, analyste chez AxiTrader. "Les circonstances étaient parfaites pour des cours plus élevés" en raison de la crise au Venezuela, a-t-il ajouté. Mais Stephen Innes, analyste chez Oanda, a mis en garde contre "une réaction réflexe (qui ferait baisser les cours) si le président recule sur les aspects les plus durs de sa rhétorique sur l'Iran".