Le nombre de pathologies mentales gagne du terrain. Et lorsqu'on se risque à quantifier les moyens, on s'aperçoit très vite que la psychiatrie est " l'orpheline " du secteur de la santé. Aucune infrastructure n'existe, excepté un cabinet d'auscultation au niveau d'une polyclinique à Médéa, alors que les normes internationales admises sont de 1 lit d'urgence pour 10 000 habitants, et de 1 lit pour 1000 habitants. S'y greffe également le déficit chronique en spécialistes puisque l'on dénombre 4 à 5 psychiatres pour une population de 900 000 habitants. Une voie royale pour beaucoup de charlatans, de plus en plus sollicités pour " traiter " les psychopathes, névrosés et sujets perturbés. Au prix de beaucoup de difficultés, nous avons réussi à assister à une séance de rokia. Le taleb, après avoir plongé le malade dans une sorte d'hypnose, en récitant des versets coraniques précis, se met en communication avec un djin pour l'obliger à quitter le corps malade. Si ce dernier se réveille soulagé, on attribue le résultat à la science du taleb. Si au contraire le mal persiste, le taleb prépare des amulettes, recommande le sacrifice d'une volaille, voire d'un bouc, car le sang provenant de cette offrande est considéré comme devant être bu par le "djin" qui s'éloigne par la suite du malade. De l'avis d'un psychiatre "le taleb connaît le discours populaire et comprend la symbolique qu'il véhicule, surtout lorsqu'il s'agit de dépression nerveuse. Il donne un sens à l'inquiétude du malade en le déculpabilisant par le djin. Mais lorsqu'il s'agit de pathologie névrotique comme la schizophrénie, le taleb est totalement désarmé". Même si la " rokia " est recommandée dans des situations bien précises, il n'en demeure pas moins que beaucoup de talebs ont amassé des fortunes colossales à l'ombre d'un pur charlatanisme.La misère (au temporel et au spirituel), les traumatismes de la longue nuit terroriste, les horizons plombés, le déficit en communication. Voilà les " djins " à exorciser...