Le groupe audiovisuel beIN du Qatar a réclamé un milliard de dollars pour un "piratage massif" imputé à l'Arabie saoudite, par ailleurs poursuivie par Doha devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour "violations de la propriété intellectuelle". Il s'agit du dernier épisode en date d'une dispute acrimonieuse sur un piratage télévisuel, elle-même alimentée par la crise entre l'Arabie saoudite et le Qatar qui n'entretiennent plus de relations diplomatiques depuis plus d'un an. Les annonces de lundi ont été faites dans des communiqués distincts de beIN et du ministère qatari de l'Économie et du Commerce. BeIN n'a pas précisé devant quel tribunal la demande de compensations serait examinée. Géant mondial du sport et du divertissement, BeIN détient les droits particulièrement onéreux de retransmission de nombreux évènements sportifs, dont des championnats de football européens, des compétitions de basketball et de Formule 1. En août, beIN avait déclaré avoir des "preuves irréfutables" sur l'implication de l'opérateur satellitaire Arabsat basé à Ryad dans des actes de piratage, également commis par une chaîne "soutenue par des Saoudiens" et se faisant appeler "beoutQ" pour ridiculiser la marque beIN. L'Arabie saoudite et Arabsat ont nié tout lien avec "beoutQ". Dans son communiqué, beIN a justifié sa plainte et sa demande de compensation d'un milliard de dollars en affirmant être "soumis au piratage le plus répandu que le monde ait jamais connu en matière de retransmission sportive". "Résultat des mesures arbitraires et discriminatoires mises en oeuvre par l'Arabie saoudite", beIN "a subi des préjudices excédant le milliard de dollars qui continuent d'augmenter chaque jour", a déclaré le bouquet de chaînes sportives et de divertissement. BeIN a réaffirmé que des décodeurs "beoutQ" avaient été vendus ouvertement et à grande échelle à travers l'Arabie saoudite, bien que Ryad ait affirmé avoir mené des efforts "sans relâche" pour combattre le piratage.
"Impact dévastateur" Parallèlement à beIN, dont le siège est à Doha, l'Etat du Qatar a saisi lundi l'OMC d'une nouvelle plainte contre l'Arabie saoudite pour "violations de droits de la propriété intellectuelle", en liaison notamment avec le préjudice subi par beIN, a précisé le ministère qatari de l'Économie et du Commerce. A Genève, un responsable de l'OMC a de son côté déclaré: "nous pouvons confirmer que le secrétariat a reçu une demande du Qatar pour des consultations avec l'Arabie saoudite concernant la protection des droits de la propriété intellectuelle". Commentant la procédure initiée par beIN, Sophie Jordan, directrice juridique du groupe, a affirmé que l'Arabie saoudite avait "créé un fléau de piratage". "Si l'ensemble de l'industrie du sport et du divertissement ne prend pas position, l'impact sera dévastateur et irréversible", a-t-elle estimé. En mai, à l'approche du Mondial-2018 de football en Russie, beIN avait déjà demandé à la Fédération internationale de football (Fifa) de prendre des mesures juridiques fortes, alors que le groupe qatari signalait que le phénomène "beoutQ" avait fait sa première apparition en octobre et qu'il s'étendait au Maroc, en Jordanie et en Syrie, indépendamment de l'Arabie saoudite. BeIN s'était inquiété d'une propagation à l'Asie et au sud de l'Europe, sans préciser le nombre d'abonnés déjà perdus. Le 5 juin 2017, une grave crise diplomatique a éclaté dans le Golfe. Ryad et ses principaux alliés --Emirats arabes unis, Egypte et Bahreïn-- ont coupé tous leurs liens avec le Qatar, accusé de soutenir des groupes islamistes radicaux et de se rapprocher de l'Iran. Doha a nié les accusations, affirmant que ses adversaires cherchaient à mettre sa politique étrangère sous tutelle, voire à alimenter un changement de régime. Le Qatar est le prochain organisateur de la Coupe du monde de football en 2022. Grâce à beIN, au club du Paris SG et à la chaîne d'informations en continu Al-Jazeera, le petit mais richissime émirat gazier parvient à rayonner au-delà du Golfe, au grand dam de ses adversaires.