L'horizon s'est dégagé in extremis samedi pour qu'un accord historique sur le Brexit soit approuvé lors d'un sommet dimanche à Bruxelles, après que l'Espagne a obtenu les "garanties" qu'elle exigeait de Londres sur l'avenir du territoire de Gibraltar. Quelques heures après l'annonce de ce compromis, la Première ministre britannique Theresa May a été reçue à Bruxelles par le président de la Commission Jean-Claude Juncker. Elle a ensuite rencontré celui du Conseil européen, Donald Tusk. "Les amis resteront des amis, jusqu'à la fin", a tweeté avant cette rencontre M. Tusk, citant le chanteur Freddie Mercury, décédé il y a tout juste 27 ans. "C'est une ultime visite de réglage, pour caler ensemble les messages politiques qui seront délivrés publiquement dimanche", a expliqué une source diplomatique, assurant qu'il n'était "plus question de négocier quoi que ce soit". La détermination de Madrid avait fait planer le doute jusqu'au dernier moment sur la tenue même de ce Conseil européen, qui doit sceller un accord global pour organiser le divorce entre l'UE et le Royaume-Uni, prévu le 29 mars 2019. "Je viens d'annoncer au roi d'Espagne que l'Espagne est parvenue à un accord sur Gibraltar", a finalement annoncé samedi après-midi le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, dans une déclaration en direct à la télévision. Madrid "a levé son veto et votera en faveur du Brexit", a-t-il ajouté, après avoir estimé la veille que le sommet n'aurait "probablement pas" lieu s'il n'obtenait pas satisfaction.
"Test de l'unité" L'Espagne a reçu des garanties écrites de la part de l'UE qu'elle disposerait d'un droit de veto sur tout futur accord entre l'UE et le Royaume-Uni concernant Gibraltar, un territoire britannique situé à l'extrême sud de la péninsule ibérique, et dont l'Espagne revendique la souveraineté. Et Madrid estime aussi avoir reçu une assurance suffisante par les autorités britanniques, noir sur blanc, que de futurs accords de Londres avec l'UE n'engloberaient pas de manière automatique Gibraltar. "Je suis fière que Gibraltar soit Britannique, je resterai toujours au côté de Gibraltar", a déclaré Mme May devant des journalistes à Bruxelles, assurant que la position du Royaume-Uni sur la souveraineté du territoire "n'a pas changé et ne changera pas". L'Espagne ne disposait pas formellement du pouvoir de s'opposer à l'approbation d'un accord dimanche. "Il s'agit d'une question politique, pas juridique: ce serait un vrai problème pour les 27 qu'un grand pays comme l'Espagne se désolidarise dimanche de l'approbation de l'accord de divorce", avait commenté une source européenne. Dès le compromis annoncé sur Gibraltar, Donald Tusk, maître de cérémonie du sommet de dimanche, a envoyé sa lettre d'invitation aux dirigeants européens, généralement transmise bien plus en amont. "Je recommanderai que nous approuvions dimanche le résultat des négociations du Brexit", a-t-il écrit dans cette lettre adressée aux 27 pays qui resteront dans l'UE. "Au cours de ces négociations, personne n'a voulu vaincre personne. Nous étions tous à la recherche d'un accord juste et équitable. Et je crois que nous avons enfin trouvé le meilleur compromis possible", a-t-il ajouté, jugeant que les 27 avaient "passé le test de l'unité et de la solidarité".
"L'iceberg devant nous" Outre Gibraltar, l'un des autres points qui continuaient à poser problème ces derniers jours, celui des futurs droits de pêche des Européens dans les eaux territoriales britanniques, a "été résolu", avait indiqué une source diplomatique à l'issue d'une réunion à haut niveau de représentants des dirigeants européens vendredi. Cette question de la pêche, qui n'a pas été réglée dans le traité de retrait, devrait ainsi faire l'objet d'une déclaration "dans le procès-verbal" du sommet de dimanche, selon un diplomate. Ce texte abordera aussi d'autres questions sur lesquelles les 27 s'engagent à faire preuve de "vigilance" vis-à-vis de Londres dans la mise en œuvre de leurs accords. Au terme de 17 mois de négociations tendues, l'UE et le Royaume-Uni ont réussi à se mettre d'accord jeudi sur la "déclaration politique" qui fixe le cadre de leurs relations post-Brexit, notamment sur le plan commercial. La semaine passée, ils avaient déjà conclu un accord sur le "traité de retrait" du Royaume-Uni, un document de près de 600 pages. Ce texte règle notamment la question de la facture que devra payer Londres à l'UE, sans la chiffrer, et prévoit une solution controversée pour éviter en dernier recours le retour d'une frontière physique entre l'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord. Cela va faire de l'Irlande du Nord "une colonie économique de l'UE", a une nouvelle fois fustigé depuis Belfast samedi l'ex-ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, jugeant qu'il était temps "de signaler l'iceberg devant nous", dans une référence explicite au naufrage du Titanic. Si le sommet permet d'entériner dimanche un accord global, tout ne sera pas terminé pour autant: l'accord de divorce devra encore être ratifié par le Parlement européen et surtout le parlement britannique avant le 29 mars 2019, date prévue du départ du Royaume-Uni. Nawal Z.