L'ONG Amnesty international (AI) a dénoncé dans un rapport, les graves irrégularités de procédure judiciaire commises par le tribunal de première instance de Casablanca au Maroc, à l'encontre des journalistes et militants appréhendés en lien avec les manifestations pacifiques du Mouvement Hirak dans la région du Rif, appelant à leur rendre justice, dans un rapport rendu public lundi. Des dizaines de manifestants se sont vus en juin dernier, privés de leur droit à un procès équitable par le tribunal de première instance de Casablanca, qui a déclaré 54 personnes liées aux protestations en faveur de la justice sociale du mouvement du Rif, coupables d'infractions liées à la sécurité et les a condamnées à des peines de prison allant jusqu'à 20 ans en lien avec les manifestations qui se sont déroulées à Al Hoceïma en 2016 et 2017. Pas moins de 43 personnes sont désormais rejugées par la cour d'appel de Casablanca. La cour a reporté la première audience au 17 décembre. L'analyse du procès effectuée par Amnesty International a dévoilé plusieurs violations du droit à un procès équitable, notamment des condamnations fondées sur des "aveux" extorqués sous la torture. Elle répertorie les noms des détenus, les chefs d'inculpation retenus à leur encontre et les peines prononcées. "La procédure en première instance s'est soldée par une erreur judiciaire flagrante. Le gouvernement marocain a utilisé cette procédure légale entachée d'irrégularités pour sanctionner et réduire au silence d'éminents manifestants pacifiques qui réclament plus de justice sociale et pour dissuader les citoyens de s'exprimer", a déclaré Heba Morayef, directrice Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty international. Mme Morayef, a exhorté les autorités judiciaires du Maroc à veiller à ce que le procès en appel "ne se résume pas à un nouveau simulacre de justice" émaillé de plaintes pour torture et autres violations du droit à un procès équitable. "Elles doivent montrer qu'elles sont déterminées à rendre justice et prendre des mesures concrètes afin d'écarter tous les aveux obtenus sous la torture ou la menace de torture et veiller à ce que tous les droits à un procès équitable soient respectés au cours de la procédure d'appel", a-t-elle martelé.
Manifestations pacifiques transformées en chefs d'accusation graves Alors que le procès était lié aux manifestations pacifiques, le parquet a introduit des chefs d'accusation graves et souvent disproportionnés, ajoute le rapport D'AI, passibles des peines parmi les plus lourdes du Code pénal marocain, notamment "complot visant à porter atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat ", passible de la peine de mort. Selon l'enquête menée par l'ONG, le procès est entaché de "graves irrégularités et des dossiers sont montés à partir d'éléments douteux, ne respectant pas les conditions relatives aux enquêtes judiciaires", qualifiant leurs conditions de détention d'"inhumaines". Le leader du mouvement Hirak, Nasser Zefzafi, a déclaré à la cour d'appel de Casablanca que des policiers l'ont frappé lors de son arrestation le 29 mai 2017 et a été placé à l'isolement plus de 15 mois dans des "conditions s'apparentant à de la torture menaçant de s'attaquer à sa mère âgée", a écrit AI. "Le journaliste Rabie Lablak a rapporté que des policiers l'ont asphyxié en lui fourrant un tissu imbibé d'un liquide nauséabond dans la bouche, lui ont ôté ses vêtements et ont fait venir des hommes masqués qui ont menacé de le violer collectivement", a rappelé l'ONG. Les manifestations du mouvement Hirak dans le Rif ont débuté à Al Hoceïma, ville du nord du pays, et aux alentours en octobre 2016, après que Mouhcine Fikri, un poissonnier, est mort broyé par un camion de ramassage des ordures alors qu'il tentait de récupérer sa marchandise confisquée par les autorités locales. Les manifestants demandent la fin de la marginalisation de leurs communautés et revendiquent une meilleure justice sociale. Entre mai et juillet 2017, les forces de sécurité marocaines ont arrêté des centaines de manifestants du mouvement Hirak, notamment les manifestants pacifiques, El Mortada Iamrachen et Nawal Benaissa, ainsi que des dizaines de mineurs. Le tribunal d'Al Hoceïma continue de déclarer coupables des centaines de manifestants, journalistes et défenseurs des droits humains dans le cadre de procès qui sont loin de respecter les normes internationales d'équité.