Du 11 au 14 juin 2019, la Guinée équatoriale accueillera la 54e Assemblée annuelle du Conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement et la 45e Assemblée annuelle du Conseil des gouverneurs du Fonds africain de développement. Au menu: le renforcement de l'intégration économique régionale du continent africain. Décryptage. "Le gouvernement et le peuple de Guinée équatoriale sont prêts et attendent avec impatience d'accueillir l'événement phare de la Banque africaine de développement en 2019. Nous sommes déterminés à faire des assemblées annuelles dans notre pays un succès retentissant qui renforcera notre prestige national, car ce n'est pas une mince affaire", a déclaré au micro de Sputnik, le coordonnateur général de ces assises, Bernardo Abaga Ndong. Très attendues par les autorités équato-guinéennes, qui veulent redorer leur blason à l'international et par les populations, qui espèrent de subséquentes retombées sur l'économie locale, les assemblées annuelles de la première banque de développement du continent suscitent également de nombreuses inquiétudes. Chaque année, la BAD se déplace dans l'un de ses États membres régionaux ou non régionaux pour ses assemblées générales, l'occasion d'organiser des séminaires et des rencontres de haut niveau autour d'une ou plusieurs thématiques choisies d'avance, permettant de réunir les plus éminents experts africains et internationaux. Malgré les opportunités d'affaires accrues qu'elles représentent localement grâce, notamment, à l'accueil des délégations officielles venant de toute l'Afrique et de l'étranger, ces manifestations représentent un véritable défi pour la logistique locale, dont se plaignent déjà les habitants de Malabo. "Notre attente est mitigée, même s'il est vrai que ce sommet aura des répercussions positives sur le plan économique. En revanche, dès l'arrivée des délégations, nous nous attendons à rencontrer beaucoup de difficultés de circulation à cause des embouteillages. Les voies principales risquent d'être coupées pour laisser passer les cortèges officiels. Il va donc falloir faire de longs détours et nous aurons moins de recettes. Malabo est une petite ville", déplore Rudy Ndong, un chauffeur de taxi interrogé par Sputnik. Depuis plusieurs semaines, la capitale équato-guinéenne est en pleine métamorphose. Les avenues sont nettoyées, les bâtiments repeints, les commerçants ont momentanément vidé les lieux. Alejandro Ebele, un vendeur de pièces détachées, s'indigne: "Avec les temps difficiles que nous traversons en ce moment, fermer encore ma boutique pendant quatre jours, ce n'est pas évident. Comment est-ce que je vais pouvoir subvenir aux besoins de première nécessité de ma famille?", déclare-t-il au micro de Sputnik. Pour Chicho Melaka, propriétaire d'un salon d'esthétique, ces Assemblées annuelles n'ont aucune utilité pour les citoyens: "Les revêtements d'asphalte sont apposés sur des rues quasi neuves, mais c'est juste un miroir aux alouettes pour aveugler les gens et là est le vrai problème", confie-t-il à notre micro. Les attentes sont également divergentes en ce qui concerne la présence d'importantes délégations de chefs d'entreprises, prévues pour être également de la partie. Si pour certains, ces assises ne relèvent que de la pure distraction, d'autres y voient par contre un intérêt capital. C'est le cas d'Andrés Zue Ela, propriétaire d'une maroquinerie: "La réunion de la BAD chez nous représente un grand avantage pour les Équato-Guinéens. Moi je m'attends à beaucoup de nouveaux clients, surtout des étrangers qui vont découvrir l'artisanat équato-guinéen. C'est très intéressant." Depuis 2010, la Guinée équatoriale bénéficie d'un soutien de la BAD, qui finance plusieurs projets dont, notamment, le projet d'appui au développement du Système de Santé dans les villes de Mongomo, Nsork, Akonibe, Nsok-Nsomo, Malabo, Evinayong, Annobon, Kogo, Luba, et Ebebiyin, ainsi que le projet de construction de dix centres de santé intégrés (CSI) avec logements et le projet d'adduction en eau potable. Ce soutien s'illustre aussi par la récente déclaration à la presse locale du président de la BAD, le Nigerian Akinwumi Adesina, au sortir d'un entretien avec le Président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo: "Nous allons mettre une enveloppe de 700 millions de dollars à la disposition de la Guinée équatoriale pour la réalisation de ses projets agricoles. Un secteur qui a besoin d'être boosté", avait annoncé Akinwumi Adesina le 18 mai dernier à l'issue de sa visite à Malabo. Depuis que le pays est en récession, la filière agricole équatoriale guinéenne recherche désespérément des investisseurs pour se relancer. "Lors de ses rencontres avec les partenaires au développement qui seront présents à Malabo à cette occasion, la Guinée équatoriale va présenter des projets prioritaires en recherche de financement. Un accent sera mis sur l'agriculture et le transport routier. Deux composantes transversales seront aussi abordées, à savoir l'environnement et le renforcement des capacités", explique au micro de Sputnik Eleme Asumu, un analyste équato-guinéen membre de la société civile et spécialiste des questions africaines. "Ces Assemblées annuelles de la BAD arrivent au moment où la zone continentale de libre-échange entre en vigueur. Il s'agit donc d'une opportunité unique pour la Guinée équatoriale d'aborder les défis auxquels elle est confrontée depuis 2015, année où le pays est entré en récession. Malabo pourra, pendant ces Assemblées, proposer des moyens pour avancer dans l'intégration régionale de l'Afrique", ajoute-t-il. Eleme Asumu précise que la Guinée équatoriale, qui a elle-même été opposée à la libre-circulation en zone CEMAC pendant plusieurs années, a fini par ouvrir ses frontières depuis avril 2017 aux ressortissants de cette zone. Après l'Inde et la Corée du Sud, qui ont accueilli ces deux dernières années les Assemblées annuelles de la BAD, le continent africain retrouve, cette année, sa prééminence. Pendant quatre jours, Malabo sera donc l'épicentre de la finance africaine. La Guinée équatoriale est régulièrement accusée de violations des droits de l'homme par les ONG, de fermeture de l'espace politique, d'entraves à l'action de la société civile et d'insuffisances de ses services sociaux. Mais le pays a toujours démenti et assuré que les droits de l'homme étaient respectés. À la mi-avril, le Président Obiang Nguema Mbasogo a annoncé l'abolition prochaine de la peine de mort, après l'ultimatum des pays membres de la communauté des pays ayant en commun le portugais (CPLP).