Synthèse de Saïd B. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, a insisté dans une allocution lors de l'installation de Sid-Ahmed Merrad en qualité de Procureur général près la Cour d'Alger, sur la nécessité d'approfondir les enquêtes préliminaires pour identifier les auteurs de ces crimes de corruption et déterminer et localiser les montants détournés afin de les saisir ou de les geler jusqu'à ce que les auteurs soient présentés devant les juridictions compétentes qui trancheront conformément à la loi. Plus direct d'ailleurs, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a indiqué que la lutte contre la corruption n'atteindra ses objectifs qu'après la récupération des avoirs criminels que représentent les fonds détournés et qui constituent une pierre angulaire aux niveaux national et international avant d'ajouter que les expériences d'autres Etats en la matière ayant montré que rien ne contribue aussi efficacement à la lutte contre ce type de crime que la poursuite de ses auteurs pour la récupération des fonds détournés". Soulignant que la corruption était un crime international avec des ramifications dans de nombreux Etats, M. Zeghmati a rappelé que l'Organisation des Nations unies avait adopté en 2003 un instrument intitulé "Convention des Nations unies contre la corruption" pour venir en aide aux Etats qui ont du mal à lutter seuls contre ce fléaux et renforcer les domaines de coopérations avec les autres Etats. Ces déclarions sont d'une très grande importance dans la mesure où elles sont faites alors que des procédures de poursuite judiciaire enclenchées par la justice, depuis plus de trois mois, concernant plusieurs dossiers de corruption impliquant d'anciens membres du gouvernement, de hauts responsables et des hommes d'affaires, dont certains ont été placés en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, et d'autres mis en liberté, se poursuivent à ce jour.
Mais comment récupérer l'argent détourné ? Il est utile de rappeler que depuis l'ouverture, début avril, par le Parquet général près la Cour d'Alger d'enquêtes préliminaires sur les affaires de corruption et de détournement de devises, la plupart des décisions prononcées par les différentes juridictions, en tête desquelles la Cour suprême, concernent le placement en détention provisoire. Dans ce sillage, le Conseiller instructeur près la Cour suprême a ordonné la mise en détention provisoire de l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, après l'avoir auditionné dans le cadre d'enquêtes anti-corruption concernant plusieurs affaires, dont celles de Mahieddine Tahkout (CIMA motors), Oulmi Mourad (Sovac), Hacène Arbaoui (Kia) et Mazouz Ahmed (Groupe Mazouz). Ahmed Ouyahia est poursuivi pour "octroi d'indus avantages à autrui lors de passation d'un marché en violation des dispositions législatives et règlementaires, abus de fonction, conflit d'intérêts, corruption lors de passation de marchés publics". La même juridiction avait aussi ordonné le placement de l'ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal en détention provisoire, pour octroi d'indus avantages au titre de l'octroi de marchés publics et de contrats, dilapidation de deniers publics, abus de fonction, conflit d'intérêts, blanchiment d'argent et participation au financement occulte de la campagne électorale concernant l'affaire Mazouz Ahmed. Les deux anciens ministres de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès et Said Barkat, auditionnés dans le cadre d'affaires liées à la dilapidation de deniers publics, passation de marchés en violation des dispositions législatives et règlementaires et faux en écritures publiques, avaient été placés eux aussi en détention provisoire. Le Conseiller instructeur près la Cour suprême a ordonné en outre la mise en détention provisoire de l'ancien ministre de l'Industrie et des Mines, Youcef Yousfi après son audition dans le cadre de l'affaire Tahkout. De son côté, l'ancien vice-président de Sonatrach, Abdehafidh Feghouli, est poursuivi pour passation de marché contraire à la réglementation en vue de l'octroi de privilèges injustifiés à autrui, dilapidation de deniers publics, et abus de fonction. En marge de ces enquêtes préliminaires sur les affaires de corruption et de détournement de devises, certains spécialistes estiment qu'il est très difficile de récupérer l'argent détourné à un tel niveau sinon, cela nécessiterait beaucoup de temps pour ce faire. Et à ce propos, justement, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, a fait savoir que l'Algérie "dispose des mécanismes juridiques nécessaires pour récupérer les fonds détournés vers l'étranger". Il affirme en outre que la justice est aujourd'hui déterminée à lutter contre la corruption par l'application rigoureuse de la loi "en toute transparence, indépendance et neutralité et dans le strict respect des règles d'un procès équitable", et ce, tout au long de l'action publique sans que personne ne soit lésé et tout en respectant la présomption d'innocence et les droits de la défense dans le cadre du principe d'égalité garanti par la Constitution. "Notre pays traverse une période sans précédent au cours de laquelle le peuple algérien a fait montre d'une maturité qui a impressionné le monde entier et une prise de conscience quant aux dangers de la corruption et à la nécessité de lutter contre ce fléau et d'en poursuivre les auteurs, ce qui a amené la magistrature à être à l'avant-garde et à se hisser, dans l'accomplissement des ses missions constitutionnelles, au niveau des revendications légitimes du peuple et de ses aspirations à une vie décente et un meilleur lendemain", a ajouté M. Zeghmati.
Respect des lois Et pour plus de clarté sur la poursuite de ces enquêtes préliminaires sur les affaires de corruption et de détournement de devises, le garde des Sceaux a, par ailleurs, souligné que l'institution judiciaire "s'acquitte de ses missions constitutionnelles dans le respect des lois de la République en tant que garante des libertés et droits fondamentaux de tout un chacun sans aucune exclusive ni considération conjoncturelle ou personnelle, car notre magistrature nationale n'a d'autre objectif, dans l'Etat de droit, que de consacrer la justice et le droit". Pour le ministre, la lutte contre ce dangereux fléau "n'est pas la mission de la magistrature à elle seule mais l'affaire de tous". Enfin, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, a affirmé que les préjudices causés par la corruption aux systèmes économique et financier et au développement "sont des facteurs qui nécessitent la conjugaison des efforts de toutes les institutions de l'Etat pour prévenir et endiguer ce phénomène".