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«Il faut penser à nos aînées, ces pionnières de la chanson kabyle»
Djidda Tamechtouht au Midi Libre :
Publié dans Le Midi Libre le 21 - 09 - 2011

A la voir se battre quotidiennement pour garder intacte la mémoire de nos aînées, celles qui ont ouvert les ondes de la Chaîne 2, on a l'impression que Djidda Tamechtouht est la dernière des Mohicans. Elle a vécu parmi ces grandes dames qui lui on transmis l'amour de la chanson et de l'art. il est regrettable de constater aujourd'hui que Lla Yamina, Lla Ounissa, Lla Zina sont presque oubliées.
A la voir se battre quotidiennement pour garder intacte la mémoire de nos aînées, celles qui ont ouvert les ondes de la Chaîne 2, on a l'impression que Djidda Tamechtouht est la dernière des Mohicans. Elle a vécu parmi ces grandes dames qui lui on transmis l'amour de la chanson et de l'art. il est regrettable de constater aujourd'hui que Lla Yamina, Lla Ounissa, Lla Zina sont presque oubliées.
Midi Libre : vous avez côtoyé les pionnières de la chanson kabyle dont malheureusement certaines sont tombées dans l'oubli. Pouvez-vous Nna Djidda, nous citer celles que vous avez connues et qui ont ouverts les ondes de la chaîne II de la Radio nationale ?
Djidda Thamechtouht :
Parmi les femmes qui ont ouvert les portes de la radio Chaîne 2, on peut citer trois d'entre elles, en l'occurrence, Lla Ounissa, rappelée à Dieu, Lla Yamina et Lla Zina. Ce sont les trois pionnières qui ont commencé à chanter dès les années 30. D'autres par la suite ont intégré la radio grâce à Lla Yamina telle que Djidda Thamoqrant, Cherifa, Hanifa, Khedoudja, Ourida et toutes celles qui ont formé la chorale féminine.
Comment ont-elles débuté ?
Toutes au début fredonnaient des "achewiq" sans orchestration. Elles animaient une émission d'une demi-heure par semaine, Lla Ounissa était percussionniste au bendir. Elles ont fondé ce qui est devenue la chorale féminine. Au fur et à mesure que l'émission prenait forme, d'autres sont venues rejoindre le groupe. Vers les années 40, grâce à Cheikh Nourdine, la chorale a évolué en se faisant accompagner par un vrai orchestre.
Comment ces femmes sont-elles arrivées à la chanson, alors qu'à l'époque c'était un «déshonneur» de chanter et cela même pour un homme ?
Il faut dire que la vie de ces femmes n'a pas été de tout repos ni un long fleuve tranquille. Elles ont connu les affres de la misère, l'oppression, la douleur… Il est utile de le rappeler, car faire de la chanson pour une femme dans les années 30 était du domaine de l'impossible. Elles avaient la passion de la chanson dans le sang, c'était leur unique moyen d'exprimer cette souffrance qui les étreignait. Elles chantaient l'amour, la trahison, l'exil…
En quelle année avez-vous intégré les émissions ELAK. ?
C'est dans les années 50, je sortais à peine du giron maternel, j'avais 4 ans lorsque j'ai fait mes premiers pas dans l'émission infantile. C'est ma tante Lla Yamina qui m'a amené à la chanson. A l'époque, Madame Lafarge, cherchait des enfants pour son émission enfantine, avec tout ce que cela comportait comme petits sketches, comptines, chansons et voila je suis encore là.
Avez-vous subi les mêmes contraintes que vos aînées ?
Etant issue d'une famille d'artistes, mon intégration se passa sans trop de problème. Il faut dire que nous avons toutes un lien de parenté avec Cherifa, Ourida, les sœurs Nabti, Zahia Khalfa… Mon père ne voyait pas d'inconvénient à ce que je suive une carrière artistique. Lorsque j'ai atteint l'âge de fonder un foyer, il n'était pas facile de trouver un mari qui accepte mon statut d'artiste. Chanter pour une femme, et même pour un homme, était tabou. Ce déshonneur entachait la famille toute entière, y compris les morts et ceux qui n'étaient pas encore nés.
Etant donné que ces pionnières de la chanson kabyle nous ont quittés, vous êtes maintenant leur mémoire, le porte-parole de ces défricheuses de la chanson. Pouvez-vous nous relater leurs parcours?
Les anciennes ont beaucoup souffert, elles étaient marginalisées, lorsqu'elles passaient on leur jetait des pierres, elles ont été traitées de tous les qualificatifs, que je n'ose pas, par pudeur, prononcer. La plupart d'entre elles ne sont jamais retourné dans leur village natal où elles étaient bannies. Cela a vraiment fait souffrir ces bâtisseuses. Au crépuscule de leurs vies elles n'ont eu ni satisfaction ni reconnaissance, tant matérielles que morales. Lla Yamina par exemple, qui a travaillé durant 70 ans, se retrouve démunie, handicapée matériellement : elle est sans pension de retraite, sans ressource, sans enfants ni aucun soutien. Il en est de même de Lla Zina. Durant toute votre vie, vous donnez le meilleur de vous-même à la chanson et vous vous retrouvez au soir de votre vie, dans l'anonymat, seule, isolée et loin de tout. C'est très dur la vie d'artiste, surtout quand elle se conjugue au féminin. C'est très douloureux. Lla Zohra est morte toute seule, Khalti Aïcha également. A un moment où elles ne pouvaient plus rien donner, ou plutôt quand elles avaient tout donné et pressées comme des citrons, elles ont quitté la radio, sans un au revoir et sans remerciements. Ces femmes-là pourtant ont donné le meilleur d'elles-mêmes. Elles ont participé dans les chorales avec les plus grands chanteurs, comme Mohamed Abdelwahab, Farid El Atrache. A l'époque, elles étaient très sollicitées pour leurs voix, les femmes artistes se trouvant pratiquement rares. Il faut ajouter que ces femmes ont touché à tous les domaines de l'activité artistique, théâtre, cinéma, chant…
Vous donnez l'impression d'être révoltée contre cet oubli. Avez-vous fait quelque chose pour améliorer le quotidien de ces femmes ?
J'essaye de me battre, ne serait-ce que pour le souvenir que nous avons les unes des autres, par la dureté de la vie qui nous lie. Mais il faut dire, à ma décharge que je me suis retrouvée seule à remuer ciel et terre. Il faudrait que les générations montantes se souviennent de ces dames qui ont cassé les tabous, tracé le chemin, ouvert grand les portes de la Radio au prix de grands sacrifices, au prix de leur vie. Si on les oublie, naturellement nous serons aussi oubliées. Chacun son tour, et ce tour atteindra les générations en devenir. Celle-ci doit comprendre qu'il est indispensable de tisser des liens entre l'ancienne et la nouvelle génération, celle des années 30 et celle de 2011.
Que pensez-vous de la chanson kabyle d'aujourd'hui ?
Dans le temps, il n'y avait pas de moyens matériels, mais le milieu artistique formait une famille. Les artistes étaient tous unis par les vicissitudes de la vie, dans la douleur et dans la joie. Ils étaient solidaires, ils s'entraidaient. Aujourd'hui, il est triste de constater que la solidarité d'antan a disparu, et bien disparu. Nos aînés des années 30, 40, et même jusqu'aux années 70, ont fait de l'art un métier noble, parce qu'ils l'aimaient. Le théâtre, le cinéma et la chanson donnaient de bons résultats. Mais de nos jours on a fait de l'art un fonds de commerce, et malheureusement lorsque qu'on fait de la chanson un commerce, l'art perd toute sa vertu, sa quintessence.
Vous voulez dire qu'il n'y a plus de chanteurs et compositeurs de talent ?
Nous avons de très bons chanteurs, compositeurs, paroliers mais aujourd'hui la tendance est pour le seul rythme, pour la chanson de danse, pour compenser un manque. Mais la chanson kabyle ne se limite pas à la danse, elle est porteuse de culture, de civilisation, de projets et d'idées…
Que pensez-vous des jeunes chanteurs qui reprennent les chansons anciennes ?
Pour ceux qui font des reprises des anciennes chansons, je leurs dirais qu'ils les reprennent à la limite intégralement, telles qu'elles sont, avec l'autorisation expresse de l'auteur ou des ayants droit.
Pourtant un Office des droits d'auteurs existe ?
Les droits d'auteur n'existent pas réellement en Algérie, car on vous répond que ce sont des chansons du Patrimoine. Il faut arrêter avec cette supercherie, qu'on cesse de dire cela. On profite de l'illettrisme et de l'analphabétisme qui les frappe pour s'approprier les œuvres de Lla Cherifa, Lla yamina, Ourida, Hanifa…, sans leur consentement. Ces femmes se sont battues, elles ont donné, elles ont trop souffert dans leur vie d'artiste et il faut rendre à César ce qui lui appartient.
Que conseillez-vous à la génération actuelle ?
Il faut réapprendre à la jeunesse d'aujourd'hui à aimer la chanson kabyle dans toutes ses dimensions. La chanson kabyle n'est pas faîte uniquement pour animer des soirées dansantes, les fêtes etc. La chanson kabyle c'est aussi de la poésie. Les femmes, ces grandes dames de la chanson étaient aussi compositeurs. Faut-il le rappeler, ces dames, même au niveau des ondes ne sont plus entendues, alors qu'elles ont produit de vrais chefs d'œuvres. Lla Cherifa par exemple a enregistré 700 chansons, malheureusement elles sont méconnues du public. Seules 140 de ses chansons ont été enregistrées. Il en est de même pour toutes les autres qu'on a enterré alors qu'elles sont encore vivantes… et sans droits.
Un dernier mot…..
Point besoin de tendre la main, attendre indéfiniment un statut qui ne viendra pas, et se concocter de vaines promesses.
L'artiste a plutôt besoin d'exister, de contribuer à l'édification d'une société saine et responsable.
Par sa libre expression, ses ressentiment, il aspire à partager ; partager ses joies et ses peines, et même dire sa haine à un monde qui, quelque part, a besoin de l'entendre, l'écouter , et pourquoi pas s'y assimiler et se retrouver peut-être. Laisser l'Artiste se consumer à petit feu révèle de l'ignorance.
Midi Libre : vous avez côtoyé les pionnières de la chanson kabyle dont malheureusement certaines sont tombées dans l'oubli. Pouvez-vous Nna Djidda, nous citer celles que vous avez connues et qui ont ouverts les ondes de la chaîne II de la Radio nationale ?
Djidda Thamechtouht :
Parmi les femmes qui ont ouvert les portes de la radio Chaîne 2, on peut citer trois d'entre elles, en l'occurrence, Lla Ounissa, rappelée à Dieu, Lla Yamina et Lla Zina. Ce sont les trois pionnières qui ont commencé à chanter dès les années 30. D'autres par la suite ont intégré la radio grâce à Lla Yamina telle que Djidda Thamoqrant, Cherifa, Hanifa, Khedoudja, Ourida et toutes celles qui ont formé la chorale féminine.
Comment ont-elles débuté ?
Toutes au début fredonnaient des "achewiq" sans orchestration. Elles animaient une émission d'une demi-heure par semaine, Lla Ounissa était percussionniste au bendir. Elles ont fondé ce qui est devenue la chorale féminine. Au fur et à mesure que l'émission prenait forme, d'autres sont venues rejoindre le groupe. Vers les années 40, grâce à Cheikh Nourdine, la chorale a évolué en se faisant accompagner par un vrai orchestre.
Comment ces femmes sont-elles arrivées à la chanson, alors qu'à l'époque c'était un «déshonneur» de chanter et cela même pour un homme ?
Il faut dire que la vie de ces femmes n'a pas été de tout repos ni un long fleuve tranquille. Elles ont connu les affres de la misère, l'oppression, la douleur… Il est utile de le rappeler, car faire de la chanson pour une femme dans les années 30 était du domaine de l'impossible. Elles avaient la passion de la chanson dans le sang, c'était leur unique moyen d'exprimer cette souffrance qui les étreignait. Elles chantaient l'amour, la trahison, l'exil…
En quelle année avez-vous intégré les émissions ELAK. ?
C'est dans les années 50, je sortais à peine du giron maternel, j'avais 4 ans lorsque j'ai fait mes premiers pas dans l'émission infantile. C'est ma tante Lla Yamina qui m'a amené à la chanson. A l'époque, Madame Lafarge, cherchait des enfants pour son émission enfantine, avec tout ce que cela comportait comme petits sketches, comptines, chansons et voila je suis encore là.
Avez-vous subi les mêmes contraintes que vos aînées ?
Etant issue d'une famille d'artistes, mon intégration se passa sans trop de problème. Il faut dire que nous avons toutes un lien de parenté avec Cherifa, Ourida, les sœurs Nabti, Zahia Khalfa… Mon père ne voyait pas d'inconvénient à ce que je suive une carrière artistique. Lorsque j'ai atteint l'âge de fonder un foyer, il n'était pas facile de trouver un mari qui accepte mon statut d'artiste. Chanter pour une femme, et même pour un homme, était tabou. Ce déshonneur entachait la famille toute entière, y compris les morts et ceux qui n'étaient pas encore nés.
Etant donné que ces pionnières de la chanson kabyle nous ont quittés, vous êtes maintenant leur mémoire, le porte-parole de ces défricheuses de la chanson. Pouvez-vous nous relater leurs parcours?
Les anciennes ont beaucoup souffert, elles étaient marginalisées, lorsqu'elles passaient on leur jetait des pierres, elles ont été traitées de tous les qualificatifs, que je n'ose pas, par pudeur, prononcer. La plupart d'entre elles ne sont jamais retourné dans leur village natal où elles étaient bannies. Cela a vraiment fait souffrir ces bâtisseuses. Au crépuscule de leurs vies elles n'ont eu ni satisfaction ni reconnaissance, tant matérielles que morales. Lla Yamina par exemple, qui a travaillé durant 70 ans, se retrouve démunie, handicapée matériellement : elle est sans pension de retraite, sans ressource, sans enfants ni aucun soutien. Il en est de même de Lla Zina. Durant toute votre vie, vous donnez le meilleur de vous-même à la chanson et vous vous retrouvez au soir de votre vie, dans l'anonymat, seule, isolée et loin de tout. C'est très dur la vie d'artiste, surtout quand elle se conjugue au féminin. C'est très douloureux. Lla Zohra est morte toute seule, Khalti Aïcha également. A un moment où elles ne pouvaient plus rien donner, ou plutôt quand elles avaient tout donné et pressées comme des citrons, elles ont quitté la radio, sans un au revoir et sans remerciements. Ces femmes-là pourtant ont donné le meilleur d'elles-mêmes. Elles ont participé dans les chorales avec les plus grands chanteurs, comme Mohamed Abdelwahab, Farid El Atrache. A l'époque, elles étaient très sollicitées pour leurs voix, les femmes artistes se trouvant pratiquement rares. Il faut ajouter que ces femmes ont touché à tous les domaines de l'activité artistique, théâtre, cinéma, chant…
Vous donnez l'impression d'être révoltée contre cet oubli. Avez-vous fait quelque chose pour améliorer le quotidien de ces femmes ?
J'essaye de me battre, ne serait-ce que pour le souvenir que nous avons les unes des autres, par la dureté de la vie qui nous lie. Mais il faut dire, à ma décharge que je me suis retrouvée seule à remuer ciel et terre. Il faudrait que les générations montantes se souviennent de ces dames qui ont cassé les tabous, tracé le chemin, ouvert grand les portes de la Radio au prix de grands sacrifices, au prix de leur vie. Si on les oublie, naturellement nous serons aussi oubliées. Chacun son tour, et ce tour atteindra les générations en devenir. Celle-ci doit comprendre qu'il est indispensable de tisser des liens entre l'ancienne et la nouvelle génération, celle des années 30 et celle de 2011.
Que pensez-vous de la chanson kabyle d'aujourd'hui ?
Dans le temps, il n'y avait pas de moyens matériels, mais le milieu artistique formait une famille. Les artistes étaient tous unis par les vicissitudes de la vie, dans la douleur et dans la joie. Ils étaient solidaires, ils s'entraidaient. Aujourd'hui, il est triste de constater que la solidarité d'antan a disparu, et bien disparu. Nos aînés des années 30, 40, et même jusqu'aux années 70, ont fait de l'art un métier noble, parce qu'ils l'aimaient. Le théâtre, le cinéma et la chanson donnaient de bons résultats. Mais de nos jours on a fait de l'art un fonds de commerce, et malheureusement lorsque qu'on fait de la chanson un commerce, l'art perd toute sa vertu, sa quintessence.
Vous voulez dire qu'il n'y a plus de chanteurs et compositeurs de talent ?
Nous avons de très bons chanteurs, compositeurs, paroliers mais aujourd'hui la tendance est pour le seul rythme, pour la chanson de danse, pour compenser un manque. Mais la chanson kabyle ne se limite pas à la danse, elle est porteuse de culture, de civilisation, de projets et d'idées…
Que pensez-vous des jeunes chanteurs qui reprennent les chansons anciennes ?
Pour ceux qui font des reprises des anciennes chansons, je leurs dirais qu'ils les reprennent à la limite intégralement, telles qu'elles sont, avec l'autorisation expresse de l'auteur ou des ayants droit.
Pourtant un Office des droits d'auteurs existe ?
Les droits d'auteur n'existent pas réellement en Algérie, car on vous répond que ce sont des chansons du Patrimoine. Il faut arrêter avec cette supercherie, qu'on cesse de dire cela. On profite de l'illettrisme et de l'analphabétisme qui les frappe pour s'approprier les œuvres de Lla Cherifa, Lla yamina, Ourida, Hanifa…, sans leur consentement. Ces femmes se sont battues, elles ont donné, elles ont trop souffert dans leur vie d'artiste et il faut rendre à César ce qui lui appartient.
Que conseillez-vous à la génération actuelle ?
Il faut réapprendre à la jeunesse d'aujourd'hui à aimer la chanson kabyle dans toutes ses dimensions. La chanson kabyle n'est pas faîte uniquement pour animer des soirées dansantes, les fêtes etc. La chanson kabyle c'est aussi de la poésie. Les femmes, ces grandes dames de la chanson étaient aussi compositeurs. Faut-il le rappeler, ces dames, même au niveau des ondes ne sont plus entendues, alors qu'elles ont produit de vrais chefs d'œuvres. Lla Cherifa par exemple a enregistré 700 chansons, malheureusement elles sont méconnues du public. Seules 140 de ses chansons ont été enregistrées. Il en est de même pour toutes les autres qu'on a enterré alors qu'elles sont encore vivantes… et sans droits.
Un dernier mot…..
Point besoin de tendre la main, attendre indéfiniment un statut qui ne viendra pas, et se concocter de vaines promesses.
L'artiste a plutôt besoin d'exister, de contribuer à l'édification d'une société saine et responsable.
Par sa libre expression, ses ressentiment, il aspire à partager ; partager ses joies et ses peines, et même dire sa haine à un monde qui, quelque part, a besoin de l'entendre, l'écouter , et pourquoi pas s'y assimiler et se retrouver peut-être. Laisser l'Artiste se consumer à petit feu révèle de l'ignorance.


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