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«Ma pauvre Si Mahmoud…»
Interview publique d'Edmonde Charles-Roux au CCF
Publié dans Le Midi Libre le 22 - 11 - 2009

Jeudi, durant plus de deux heures, Edmonde Charles-Roux a été interviewée en public par Antoine Boussin, directeur aux éditions Grasset. La présidente de l'académie Goncourt, dont elle a obtenu le prix en 1966 pour son roman «Oublier Palerme», également journaliste de renom, a parlé des différentes étapes de son parcours et a évoqué la vie d'Isabelle Eberhardt sur laquelle elle a écrit une biographie en deux tomes. Elle a également parlé d'Aragon, d'Elsa Triolet et de l'artiste peintre algérienne Baya. Très entourée par le public, dont les jeunes lycéens du lycée Les Glycines, Edmonde Charles-Roux a charmé et ému l'auditoire par un verbe franc et sans détour et un humour acéré.
Jeudi, durant plus de deux heures, Edmonde Charles-Roux a été interviewée en public par Antoine Boussin, directeur aux éditions Grasset. La présidente de l'académie Goncourt, dont elle a obtenu le prix en 1966 pour son roman «Oublier Palerme», également journaliste de renom, a parlé des différentes étapes de son parcours et a évoqué la vie d'Isabelle Eberhardt sur laquelle elle a écrit une biographie en deux tomes. Elle a également parlé d'Aragon, d'Elsa Triolet et de l'artiste peintre algérienne Baya. Très entourée par le public, dont les jeunes lycéens du lycée Les Glycines, Edmonde Charles-Roux a charmé et ému l'auditoire par un verbe franc et sans détour et un humour acéré.
Si à 89 ans, Edmonde Charles-Roux semble hésiter à écrire ses mémoires, c'est, dit-elle dans un éclat de rire, «à cause de la Sicile. Là-bas, on n'aime pas se confier.» «Oui je suis méditerranéenne», nous déclare-t-elle à l'issue de la rencontre organisée par le CCF, jeudi. Mais si l'écrivaine refuse toujours à Grasset l'écriture de ses mémoires, elle a mené une enquête approfondie qui lui a demandé des années sur le personnage d'Isabelle Eberhardt qui continue à la fasciner. Le seul travail d'écriture des deux tomes intitulés Un désir d'Orient et Nomade j'étais, parus en 1988 et 1995 respectivement, lui a pris douze ans. «Je mets six ans pour écrire un livre. C'est cela mon rythme. Chacun doit écrire au sien.»
Edmonde Charles-Roux a tenu à souligner le rôle joué par le général Lyautey dans le sauvetage des écrits d'Isabelle, noyée par la crue de l'oued de Aïn Sefra. Isabelle a été retrouvée morte loin de son domicile, serrant dans ses bras son manuscrit. C'est ce manuscrit que le général fera sécher page par page et confiera à Victor Baeeucand. C'est ainsi que deux ans après sa mort, la mystérieuse voyageuse d'origine russe, amoureuse de l'islam et de l'Algérie, sera reconnue comme l'une des plumes les plus singulières de son époque. «Elle était ce qui m'attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu'un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché et qui passe à travers la vie, aussi libérée de tout que l'oiseau dans l'espace; quel régal. Je l'aimais pour ce qu'elle était et pour ce qu'elle n'était pas. J'aimais ce prodigieux tempérament d'artiste, et aussi tout ce qui en elle faisait tressauter les notaires, les caporaux, les mandarins de tout poils.» Libre comme un oiseau du ciel, Isabelle Eberhardt a connu très jeune une passion pour l'islam. Fille d'une aristocrate tsariste, veuve d'un militaire de haut rang, Isabelle a été élevée en Suisse et a reçu une éducation des plus brillantes. Elle connaissait plusieurs langues dont l'arabe que son précepteur faisait corriger par des maîtres de la langue à Saint Pétersbourg. «Son engouement pour l'islam reste inexpliqué. C'était vraiment une sorte d'appel auquel elle répondait.» La mère d'Isabelle s'est également convertie à l'islam dans la ville de Annaba où elle est morte et enterrée. La conférencière a retracé les étapes de la vie d'Isabelle et souligné sa profonde originalité. Hors normes, cette femme qui a choisi de s'enfoncer dans le Sud algérien, habillée en homme sous le pseudonyme de Mahmoud Saâdi. Cette journaliste qui a pris fait et cause pour les indigènes dont elle décrivait scrupuleusement la condition infra-humaine. «Ma pauvre Si Mahmoud !», s'est écrié Lyautey bouleversé par la mort à 25 ans de la jeune femme qu'une seule idée avait habité «partir en Algérie». Avec beaucoup d'humour, Edmonde Charles-Roux a également évoqué son travail en tant que rédactrice en chef du célèbre magazine Vogue et son renvoi de ce journal après 16 ans de bons et loyaux services. Motif ; elle avait choisi le visage d'une jeune Somalienne pour l'illustration de la Une du journal, ce qui a fortement déplu aux patrons américains du journal. Suite à son refus de changer la photo en Une, le trésorier lui annonce en la payant que c'était là sa dernière paye… «La vie c'est comme ça !», a déclaré en riant Mme Charles-Roux dont la vie a alors effectué un tournant quand elle se retrouve chômeuse à 40 ans. Elle va chez Grasset où elle rencontre des gens chaleureux. «Pour un écrivain, sa maison d'édition c'est comme sa famille.» Son destin d'écrivain a alors commencé.
Si à 89 ans, Edmonde Charles-Roux semble hésiter à écrire ses mémoires, c'est, dit-elle dans un éclat de rire, «à cause de la Sicile. Là-bas, on n'aime pas se confier.» «Oui je suis méditerranéenne», nous déclare-t-elle à l'issue de la rencontre organisée par le CCF, jeudi. Mais si l'écrivaine refuse toujours à Grasset l'écriture de ses mémoires, elle a mené une enquête approfondie qui lui a demandé des années sur le personnage d'Isabelle Eberhardt qui continue à la fasciner. Le seul travail d'écriture des deux tomes intitulés Un désir d'Orient et Nomade j'étais, parus en 1988 et 1995 respectivement, lui a pris douze ans. «Je mets six ans pour écrire un livre. C'est cela mon rythme. Chacun doit écrire au sien.»
Edmonde Charles-Roux a tenu à souligner le rôle joué par le général Lyautey dans le sauvetage des écrits d'Isabelle, noyée par la crue de l'oued de Aïn Sefra. Isabelle a été retrouvée morte loin de son domicile, serrant dans ses bras son manuscrit. C'est ce manuscrit que le général fera sécher page par page et confiera à Victor Baeeucand. C'est ainsi que deux ans après sa mort, la mystérieuse voyageuse d'origine russe, amoureuse de l'islam et de l'Algérie, sera reconnue comme l'une des plumes les plus singulières de son époque. «Elle était ce qui m'attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu'un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché et qui passe à travers la vie, aussi libérée de tout que l'oiseau dans l'espace; quel régal. Je l'aimais pour ce qu'elle était et pour ce qu'elle n'était pas. J'aimais ce prodigieux tempérament d'artiste, et aussi tout ce qui en elle faisait tressauter les notaires, les caporaux, les mandarins de tout poils.» Libre comme un oiseau du ciel, Isabelle Eberhardt a connu très jeune une passion pour l'islam. Fille d'une aristocrate tsariste, veuve d'un militaire de haut rang, Isabelle a été élevée en Suisse et a reçu une éducation des plus brillantes. Elle connaissait plusieurs langues dont l'arabe que son précepteur faisait corriger par des maîtres de la langue à Saint Pétersbourg. «Son engouement pour l'islam reste inexpliqué. C'était vraiment une sorte d'appel auquel elle répondait.» La mère d'Isabelle s'est également convertie à l'islam dans la ville de Annaba où elle est morte et enterrée. La conférencière a retracé les étapes de la vie d'Isabelle et souligné sa profonde originalité. Hors normes, cette femme qui a choisi de s'enfoncer dans le Sud algérien, habillée en homme sous le pseudonyme de Mahmoud Saâdi. Cette journaliste qui a pris fait et cause pour les indigènes dont elle décrivait scrupuleusement la condition infra-humaine. «Ma pauvre Si Mahmoud !», s'est écrié Lyautey bouleversé par la mort à 25 ans de la jeune femme qu'une seule idée avait habité «partir en Algérie». Avec beaucoup d'humour, Edmonde Charles-Roux a également évoqué son travail en tant que rédactrice en chef du célèbre magazine Vogue et son renvoi de ce journal après 16 ans de bons et loyaux services. Motif ; elle avait choisi le visage d'une jeune Somalienne pour l'illustration de la Une du journal, ce qui a fortement déplu aux patrons américains du journal. Suite à son refus de changer la photo en Une, le trésorier lui annonce en la payant que c'était là sa dernière paye… «La vie c'est comme ça !», a déclaré en riant Mme Charles-Roux dont la vie a alors effectué un tournant quand elle se retrouve chômeuse à 40 ans. Elle va chez Grasset où elle rencontre des gens chaleureux. «Pour un écrivain, sa maison d'édition c'est comme sa famille.» Son destin d'écrivain a alors commencé.


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