Les plaidoiries dans l'affaire du Cargo Béchar Qui est responsable de la mort des 16 marins ? El Watan, 28 novembre 2010 Les avocats de l'ancien PDG de la CNAN, Ali Koudil, et de ses six collaborateurs ont été unanimes à battre en brèche la responsabilité de ces derniers dans le naufrage du navire Béchar en novembre 2004 à Alger, avec à son bord 16 marins. En fait, durant ce procès qui s'est ouvert mercredi dernier devant le tribunal criminel d'Alger, il n'était pas question, pour la défense, de rester sur le terrain technique lié à la gestion des navires mais d'aller sur celui des responsabilités dans la mort des marins, à la veille de la fête de l'Aïd, sous le regard des plus hautes autorités et des Algérois. C'est dans une salle bondée, dépourvue d'aération et où les journalistes ont eu du mal à trouver place, que l'audience s'est ouverte pour la quatrième journée. La défense de l'ex-PDG de la CNAN, Ali Koudil, et ses collaborateurs, Amour Mohand Amokrane (directeur technique et de l'armement), Debah Mustapha (directeur de l'armement), Ikhadelen Kamel (directeur technique), Zaoui Salah et Sidi Driss, s'est interrogée sur l'absence des vrais responsables de cette tragédie qui, selon elle, incombe uniquement au Centre national des opérations de secours et de sauvetage (Cnoss), au Centre régional de coordination des secours, dépendant tous deux du ministère de la Défense nationale, mais également de la capitainerie du port relevant du ministère des Transports. «On absout les responsables du Cnoss, c'est-à-dire les garde-côtes pour force majeure liée au mauvais temps et on poursuit les cadres de la CNAN qui n'ont aucune responsabilité dans le sauvetage tout simplement parce qu'il est plus facile de juger des cadres que de poursuivre les officiers des garde-côtes», lance un avocat, qui conclut : «C'est un procès injuste et inéquitable.» Une autre aberration soulevée et décriée par la défense est ce non-lieu étonnant décidé par la chambre d'accusation au profit des officiers du Cnoss… pour non-identification de ceux qui étaient de permanence le soir du naufrage. Certains avocats ont par ailleurs tenté de démonter les accusations en précisant que dans cette affaire, «il n'y a jamais eu d'intention criminelle» et que «la responsabilité de l'armateur est beaucoup plus civile que pénale, alors que les notions de navigabilité en mauvais état n'ont jamais été définies par aucun texte. Ce qui fait tomber toutes les charges retenues contre les mis en cause». Quelques robes noires ont pour leur part axé leurs plaidoiries sur les demandes, jugées excessives, du représentant du ministère public qui avait requis la veille cinq peines à perpétuité et une autre de 2 ans de prison. «Sur quelle base le procureur général a-t-il fait ses demandes ? Il n'a apporté aucune preuve sur la responsabilité des accusés dans la mort des 16 marins. Est-ce sur la base de sa conviction ?» s'insurge un avocat, avant de déclarer que le naufrage n'a pas fait «16 victimes mais plutôt 24, dont six flottent encore et attendent d'être sauvées». A la fin des plaidoiries, le président a donné la parole aux trois avocats de la partie civile, qui avaient auparavant demandé à «faire des mises au point». Ils ont protesté contre les propos de certains de leurs confrères qui ont critiqué leur intervention : «Vous dites que nous sommes ici pour une indemnisation ? Prenez l'argent et rendez-nous nos morts», lance le premier avocat, avant de céder la place à son collaborateur. «Comment osez-vous dire que le capitaine mort noyé aboyait ? Vous touchez à la mémoire de 16 victimes dont les familles n'ont pas encore fait leur deuil parce qu'elles n'ont eu droit ni à un enterrement ni à la cérémonie du 40e jour. Elles n'ont même pas bénéficié d'un suivi psychologique. Nous ne sommes pas ici dans un stade pour applaudir une équipe contre une autre.» Des propos qui font froid dans le dos et poussent maîtres Brahimi et Chorfi à rebondir. Le premier a présenté ses excuses en précisant : «Lorsque j'ai dit que le capitaine aboyait, je voulais juste montrer qu'il criait pour rien, puisque les secours ne sont jamais venus.» Me Brahimi s'est pour sa part adressé aux familles des victimes présentes dans la salle en leur disant : «Ceux qui vous disent que ce sont ces gens-là qui ont tué les vôtres sont des menteurs. Vos victimes seront assassinées une seconde fois si on condamne les accusés pour leur mort.» Des propos qui poussent le président à mettre le holà : «Je vous ai déjà dit qu'applaudir vos avocats ne profite à personne. Des gens sont morts, respectez-vous les uns les autres. N'ajoutez pas à la douleur», a déclaré le président en faisant référence aux nombreuses ovations des familles des accusés pour leurs avocats. En fin de journée, le tribunal a levé l'audience qui reprendra aujourd'hui avec quelques remarques des avocats et le verdict