06/01/2011 / ALGERIE France 24 Image extraite d'une vidéo d'une manifestation dans le quartier de Bab el-Oued à Alger. Vidéo postée sur YouTube. Des violences ont éclaté entre jeunes manifestants et forces de police, mercredi soir, dans le quartier de Bab el-Oued à Alger. Notre Observateur sur place nous raconte les incidents et nous explique pourquoi ce quartier déshérité de la capitale s'est enflammé, encore une fois. Après Tipaza, Oran et quelques villes du littoral ouest algérien, les émeutes ont atteint Alger hier. C'est l'augmentation soudaine des prix des produits de première nécessité qui a mis le feu aux poudres. Le prix du kilo de sucre est passé ces derniers jours de 80 à 120 dinars algériens (de 0,8 à 1,2 euro) tandis que le prix des 5 litres d'huile a augmenté d'environ 150 dinars (1,5 euro). Et ce alors que l'Algérie avait déjà connu un taux d'inflation de 4% en 2010. Pour notre Observateur, au-delà du coût de la vie, il semble que ces émeutes traduisent d'abord et avant tout un ras-le-bol généralisé de la population algérienne. « Les gens n'en peuvent plus de cette insalubrité, ils se sentent abandonnés » Y.B est un habitant de Bab el-Oued. Il a été témoin des émeutes d'hier. Tout a commencé mercredi soir vers 19 heures lorsqu'un fourgon de la police a été brûlé au square de Bab el-Oued qui donne sur « El Kettani » (la corniche). Une bande de jeunes s'est ensuite attaquée au commissariat de police et les agents ont riposté en tirant en l'air. Très vite, ce premier groupe a été rejoint par d'autres jeunes du quartier. Ils étaient plusieurs centaines. Les brigades anti-émeutes sont alors intervenues pour encercler tout le quartier de Bab el-Oued. Les émeutiers se sont réunis du côté de la place des trois horloges, pas loin du marché. Il y a encore eu des accrochages avec la police. Cette dernière a lancé des bombes lacrymogènes, tandis que les jeunes continuaient de brûler des voitures et des poubelles, vandalisant des cabines téléphoniques et arrachant des panneaux de signalisation. Certains enlevaient même des pavés pour les jeter sur les policiers ! Les affrontements se sont poursuivis jusqu'aux alentours d'une heure et demi du matin et se sont étendus à Belouezdad (Bellecourt). Vers les 2 heures du matin, le calme est revenu. Mais on voyait bien ce matin que la situation était encore tendue. Certains magasins n'ont pas rouvert et des amis m'ont conseillé d'éviter de passer par certains quartier d'Alger où l'on s'attend à une reprise des émeutes. « Des familles de douze personnes vivent parfois dans des deux pièces » Ce n'est pas par hasard si les émeutes ont éclaté à Bab el-Oued plutôt que dans un autre quartier de la capitale. Depuis toujours, les actes de révolte sont partis d'ici [c'était notament le cas pour les évènements d'octobre 1988]. Il y a des raisons historiques à cela, puisque Bab el-Oued est le plus vieux quartier d'Alger. Il est par conséquent le quartier populaire par excellence et les familles qui y habitent appartiennent à la classe pauvre ou moyenne. De plus, la concentration de la population ici est parmi l'une des plus élevées d'Algérie (plus de 100 000 habitants vivent à Bab el-Oued). Les conditions de vie y sont déplorables, notamment en matière de logement. Les immeubles du quartier datent de plus d'un siècle et les autorités ne s'occupent pas du tout de la restauration. Il y a quelques mois, un étage d'immeuble s'est effondré, faisant un mort et plusieurs blessés. Des familles de douze personnes vivent parfois dans des deux pièces. Les gens n'en peuvent plus de cette insalubrité, ils se sentent abandonnés. L'augmentation des prix n'a fait qu'empirer les choses dans ce quartier où l'on n'a déjà plus de lait depuis presque deux mois et où l'on nous annonce une pénurie de farine jusqu'au mois de mars. « S'ils veulent réellement faire entendre leur voix, il leur faudra passer par d'autres moyens que la casse » On peut s'étonner de voir des jeunes descendre dans la rue alors que l'augmentation des prix devrait plutôt mettre en colère ceux qui ont une famille à charge. Je pense que ce n'est qu'un facteur déclencheur, qui vient se greffer sur un ras-le-bol général. La population algérienne est très jeune [près de la moitié des Algériens a moins de 25 ans], et cette jeunesse se sent étouffée, elle souffre du chômage et n'a pas suffisamment accès à des infrastructures de loisirs. En voyant la population se révolter dans les autres villes, ils ont voulu se joindre au mouvement. Mais s'ils veulent réellement faire entendre leur voix, il leur faudra passer par d'autres moyens que la casse. Ces voitures brûlées n'appartiennent pas à la police, mais au peuple. »