Les débats continuent sur les défis de la mobilisation comme espace et dynamique pour faire avancer les luttes d'émancipation de la société. Les réseaux et réseaux de réseaux à l'œuvre depuis longtemps et qui ne demandent qu'une réhabilitation capturent une grande partie de l'espace politique et social. Ils doivent maintenant prendre l'initiative pour affirmer leur identité, les valeurs populaires et de nouveaux projets de construction sociale. Ils forcent à une nouvelle articulation au niveau politique éloignée des pratiques obsolètes disloqués des périodes antérieures et l'étiolement du projet de transformation qui avait porté pendant longtemps la bannière du socialisme et de la social-démocratie. Dans cet effort naissant la parole doit être prise par «en bas», sans organisation centralisée, sans porte-parole autoproclamé, et tout cela avec des ressources et des budgets ridicules qui proviennent de plus en plus des participants eux-mêmes et non de subventions des ONG. Un fil rouge nous rassemble. La critique par la pauvreté de la prédation omniprésente, non seulement dans ses manifestations concrètes (la crise financière, la dette, la crise du secteur public, les destructions environnementales, les guerres, etc.), mais dans sa substance. A partir de ce fil, on n'en est plus à l'époque de diagnostiquer, mais de vaincre. Le pouvoir n'est pas un «lieu», un «palais d'hiver à saisir», mais un rapport de forces construit par des luttes de classes complexes. mouvantes, changeantes. Au premier degré, il faut vaincre le régime, système en place pour servir les dominants, système structuré autour de l'Etat et d'un certain nombre de dispositifs indispensables de la domination (les instruments de la «sécurité» -celle des dominants évidemment-, les appareils idéologiques y compris les grands médias, etc.). Aussi, les débats actuels et à venir doivent être libérés de la gène à poser les questions difficiles. Et pour cela, il faut faire sauter certains «verrous» : Par exemple, il faut en finir avec cette pseudo distinction entre mouvements sociaux «apolitiques» et partis «politiciens» et qui excluait, en théorie plus qu'en pratique. Aujourd'hui mouvements comme partis sont des acteurs sociaux et politiques. Ils sont sur un pied d'égalité pour élaborer et penser les stratégies d'émancipation. D'autre part, la distinction plutôt artificielle entre l'«espace» des mouvements sociaux et l'«espace» politique doit également être surmontée. Un mouvement local qui s'occupe de sauver l'environnement est inexorablement investi dans la lutte politique. À l'inverse, de vastes coalitions politiques qui veulent promouvoir des changements à l'échelle nationale sont sans valeur si elles ne peuvent agir au niveau local, à la base. Nous vivons donc une période à la fois périlleuse et exaltante. Les dominants disposent d'énormes outils de destruction massive, tant sur le plan militaire que sur le plan intellectuel. Mais cette force est apparente, minée de l'intérieur. L'arrogance des dominants, qui glisse et dérape dans une certaine voyoucratie, pourrait les faire trébucher. On a vu cela dans l'histoire, ce qui a débouché sur des crises épouvantables. D'autre part, les dominés sont organisés comme jamais auparavant, mais leur force reste souvent dormante, quelque peu passive (il y a heureusement des exceptions). La capacité de blocage se traduit rarement en une capacité de captation. Dans une large mesure, cette passivité est cultivée par un puissant appareil organisé autour d'institutions (qui viennent parfois des luttes passées sous la forme de partis social-démocrates, de grands syndicats et de mouvements de libération nationale), et dont le mandat est de préserver, tout en l'améliorant, le statu quo. Les «cadres et compétents» qui dominent ces institutions sont déchirés : d'une part, leur cœur est avec le projet d'émancipation sociale ; d'autre part, ils sont pour le maintien des institutions et des avantages matériels qui en découlent pour eux. En face d'eux, des nouveaux acteurs, hybrides, radicalisés, innovateurs, «glocaux», encore hésitants, tâtonnants. Ils cherchent des «explications», en revisitant les hypothèses des «ancêtres», mais sans la «religiosité» des mouvements antérieurs. Ils ont des pratiques qui insistent sur la démocratie au sens radical du mot. Ils refusent les fausses «subordinations» des luttes »secondaires» et mettent de l'avant les traditionnels «subalternes» qu'ils soient femmes, jeunes, immigrants, autochtones, mais sans en faire des fétiches et des «porteurs» de l'historicité. Bref, ils cherchent, sans trop savoir comment, à dépasser cet éternel débat, celui entre «réforme» et »révolution». La porte de sortie est de reconstituer une grande alliance arc-en-ciel, réunissant les «anciens» et les «nouveaux» mouvements, en focalisant sur le cœur de la chose : comment renforcer le mouvement pour la transformation sociale, au-delà de ses batailles partielles, au-delà de ses clivages ? Car en Algérie, c'est fondamentalement la question du pouvoir. C'est la question d'un pouvoir constituant, hégémonisé par les subalternes (au pluriel), capable de manœuvrer, de déjouer les adversaires, d'élargir l'alliance pour la transformation sociale et de transformer la société. Lectures: