Peut-on gagner une bataille si l'adversaire n'est pas identifié et sa stratégie encore moins? Comme les trains, un adversaire en cache toujours plusieurs autres. La clairvoyance est de mise pour ne pas tomber, comme on dit, «de Charybde en Scylla». Voici un éclairage, partiel et partial, des enjeux qui nous défieront au-delà de ceux du moment dans cette arène où nous sommes partie prenante et où se joue notre devenir: Les 20ème et 21ème siècles dominés par des puissances avec lesquelles nous sommes contraints de composer. Or, celui qui domine le présent écrit l'histoire et celui qui écrit l'histoire impose l'avenir… Un petit détour historique en vaut la chandelle. Notre XXème siècle est dominé par l'économie politique occidentale, théorisée en 1776 par le philosophe et économiste Adam Smith (et D. Ricardo et T. Malthus au XIXème siècle), où les relations entre les hommes sont devenues marchandes et techniques, dans le sens où une partie des hommes possède les moyens physiques de la production de richesses (terres, usines, banques, transports, média, …) et l'autre ne possède que la force de travail pour la réaliser. Ces nouvelles relations reposent des théories de sciences humaines (politique, économie, finance, …) se prétendant exactes. En Occident, à côté des tensions résiduelles entre les anciens empires, le conflit majeur est celui hérité des révolutions industrielles du 18ème siècle: Possédants contre dépossédés (aujourd'hui on dirait salariés contre patrons). Et ce conflit va conditionner l'évolution du monde jusqu'à nos jours, même si d'autres problèmes s'y greffent et influencent le paysage politique en en brouillant les cartes. Un nouveau monde, basé sur l'économie politique, est né pendant que nous étions dans les ténèbres coloniales. Ce conflit social dure depuis près de 2 siècles. Depuis, qu'en Angleterre d'abord, l'industrie a remplacé l'artisanat et l'argent a définitivement éradiqué le troc. En Europe (fin 1700, début 1800), des millions de paysans doivent s'adapter à cette révolution: Passer d'artisans autonomes locaux et ruraux de produits de subsistance, au statut de salariés délocalisés et urbains produisant des biens en excès dans des fabriques. Ce changement s'est accompagné de conflits et traumatismes: exodes ruraux, dégradation des conditions d'hygiène et de travail, nouveaux rapports de force, détermination conflictuelle des salaires et apparition de nouvelles catégories humaines misérables. Dickens, Zola, Victor Hugo, Engels, entre autres, les ont immortalisées dans leurs œuvres littéraires et réquisitoires parlementaires. Puis prend naissance une nouvelle communauté d'hommes : les prolétaires, en lutte contre la bourgeoisie, et une classe intermédiaire dite moyenne basculant d'un côté ou de l'autre au gré de la fortune : le monde du travail tel que nous le connaissons aujourd'hui, avec ses syndicats et ses organisations patronales. Voilà un point de départ d'une période que nous avons vécue différemment par la colonisation qui fit main basse sur nos richesses par les possédants occidentaux pour alimenter à moindre frais leur machine économique naissante. Le monde des salariés et celui des détenteurs de capitaux se heurtent dès le 18ème siècle. La scission s'amplifie, les uns réclamant des parts de plus en plus importantes des richesses, les autres usant de tous les moyens pour mettre à l'abri leur argent. Des capitaux colossaux sont ainsi amassés en ces temps opportunistes par des «familles» qui seront à l'origine des empires financiers d'aujourd'hui. De leur côté les prolétaires sont de plus en plus nombreux et au point d'être l'incarnation exclusive du peuple. En 1917, en plein première guerre mondiale, le peuple de la Russie tsariste révolutionne la situation et prend le pouvoir contre la bourgeoisie. Ça change la donne et encourage les révolutions populaires en gestation dans les pays industrialisés : le communisme. A partir de là, vers 1920, une guerre souterraine va être menée à grande échelle par les grandes fortunes industrielles. Les capitalistes étatsuniens sentent le danger de cette révolution qui pourrait traverser l'océan. Leurs homologues Européens, débordés par la gauche, sont contraints de céder aux exigences des prolétaires de mieux en mieux organisés : Démocratie, services et entreprises publiques, protection sociale et fonds de retraites, congés payés, syndicalisme, droit de grève, SMIC, et autres « horreurs » qui donnent l'urticaire aux détenteurs de capitaux. Ces derniers ne comptant pas se laisser faire, créent de leur côté des organisations patronales et des «réseaux» pour défendre de leurs intérêts. Une opposition frontale aux peuples leur aurait été suicidaire vu qu'ils doivent les ménager et surtout les éloigner des sirènes du communisme pour faire tourner le business. La démocratie et le social en furent les grands gagnants de ce bras de fer en occident. La 2ème guerre mondiale a ébranlé les équilibres et les espoirs. En France, pays le plus «social», les patrons d'industries et grandes fortunes se rallient aux forces d'Hitler derrière leur maréchal Pétain, car en plus du marasme économico-politique des années 30, le déclenchement de cette guerre est aussi une réaction des capitalistes du monde et d'Allemagne en particulier au grand voisin devenu populaire et communiste qu'est l'URSS… Ça ne s'est pas fini comme prévu, ni pour Hitler ni pour les alliés, car l'URSS en est sortie renforcée et l'Allemagne humiliée à cause de la folie des grandeurs de ses dirigeants… La guerre dite «froide» (pas contre l'Allemagne mais contre l'URSS) qui s'ensuivit est le terreau dans lequel se sont cristallisées les décolonisations, mettant les nouveaux pays (dépouillés de leur histoire) dans la tourmente d'une guerre des titans dans laquelle ils devaient choisir un des deux camps, certes opposés mais prônant tous deux l'impérialisme. Le non-alignement de certains fut une voie sans issue. En parallèle, dès les années 20, les capitalistes ont mis en place des organisations opaques avec des «réseaux d'influence» pour écarter le risque communiste qui menace leur suprématie. Conscients de la difficulté du projet, ils ont décidé d'agir secrètement depuis les USA, le pays le moins touché par les idées «gauchistes» et où sont concentrés les plus grandes fortunes et aussi celui auquel l'Europe de l'Ouest est fortement redevable (Big Brother). Ainsi, parallèlement aux slogans populaires «prolétaires du monde, unissez-vous», les grandes fortunes mondiales coordonnent leur «union» dans le but de contourner la démocratie populaire et placer la gouvernance des institutions publiques sous le business mondialisé! Le culte du secret a rendu difficile le traçage des coulisses de leurs organisations. Des journalistes, intellectuels et enquêteurs persévérants percent, couche par couche, les secrets de ces «sectes» aux projets à long terme. cf. «circus poiliticus» de C. Deloire et C. Dubois. Les investisseurs US sont les mieux placés, géographiquement, matériellement et culturellement, pour mener ce combat silencieux. Le 4ème président des Etats-Unis (1809-1817) James Madison (père de la constitution), disait déjà à l'époque que «le danger de la démocratie est que le peuple s'organise pour imposer majoritairement la redistribution des richesses au détriment de la propriété privée». cf. Suzanne Berger, professeur au MIT. Dans les années 20 donc, juste après la révolution bolchévik, a commencé dans les cercles de réflexion et d'influence capitalistes, la stratégie qui perdure aujourd'hui et dont voici un rapide et partiel survol : - 1921. Création du CFR (Council for Foreign Relations), groupe privé réunissant des élites du monde des affaires américain pour surveiller, analyser et orienter les politiques étrangères, véritable embryon de l'empire américain en herbe. Repère : A la même époque le nationalisme algérien se cherche encore. - 1940. Création du IVLP (International Visitor Leadership Program), une association financée par les industriels américains, qui offre, tous frais payés, des séjours d'imprégnation au modèle US à de jeunes diplômés européens repérés par les ambassades américaines, réputés anti-communistes et pressentis occuper des postes de responsabilité publique chez eux. Plus de 4000 hommes politiques de tous les continents y sont invités chaque année jusqu'à nos jours avec un budget d'environ 100.000 $ par « stagiaire» (aucun algérien bien sûr). Repère : 1940, l'Algérie sous le régime de Vichy. - 1945. Libération de l'Europe par les USA. Mise en place dans les pays d'Europe de l'ouest, à l'insu des parlements, des réseaux «STAY BEHIND», cellules dormantes et armées secrètement par la CIA, noyautant les services secrets européens pour le sabotage des organisations sociales (assassinats, actes terroristes, faux syndicats, promotion de dictatures militaires, …), sous prétexte d'une menace d'invasion soviétique imminente. cf. «Les armées secrètes de l'OTAN» par Daniele Ganser ». Repère : 1945, l'administration française veut nous faire passer le goût de la liberté. - 1948. Création de l'ACUE (American Comittee on United Europ) une association privée de l'université de Stanford, œuvrant à empêcher l'Europe d'évoluer de façon autonome, à promouvoir l'Union Européenne (40 ans en avance) sur le modèle fédéral américain et y empêcher toute influence communiste. Des hommes européens, à l'instar du français Jean Monnet, y ont contribué pour contrecarrer la volonté d'indépendance des européens et de «de Gaulle» en particulier. Repère: 1948, des algériens se confrontent au bourrage des urnes parlementaires par l'administration coloniale. - 1953. Création du groupe BILDERBERG : Une organisation privée de grandes fortunes, banquiers et industriels, finançant des séminaires annuels (à huis clos) durant lesquels sont audités des présidents, des ministres, des directeurs de grands médias, des intellectuels en vue de canaliser les politiques nationales vers la gouvernance mondiale. Repère : 1953, le nationalisme algérien dans l'action politique. - 1973. Création de la «COMMISSION TRILATERALE», par Z. Brzezinski, l'artisan US du piège afghan de l'URSS, et David Rockefeller. Une extension du groupe Bilderberg incluant le Japon. Groupe occulte qui prépare le monde de demain. Rockefeller, rejeton d'une dynastie de «barons voleurs», aujourd'hui âgé de 97 ans porte, depuis 60 ans, ce projet qu'il ne cache pas : mettre la gouvernance du monde entre les mains de quelques personnes privées œuvrant pour les politiques publiques. Repère : 1973, l'Algérie progressiste, terre d'accueil des exilés politiques du monde. Aujourd'hui dans ce monde, devenu unipolaire depuis la fin du régime soviétique, une feuille de route aux coudées franches est mise sur rails: - Création d'un gouvernement mondial aux mains de la haute finance. - Remplacement des choix démocratiques populaires par des règles de gouvernance techniques centralisées (FMI, OMC, …). - Suppression de toute forme de frontières pour les biens, les services et les flux financiers. - Gestion de la démographie et répartition mondiale des populations (guerres, épidémies). - Placement du gouvernement mondial sous l' «aigle américain» tel que tracé par le PNAC (Program for a New American Century) des faucons US en 1997 (l'année des grands massacres en Algérie). Ces projets rencontrent des résistances de la part de pays «émergeants» ou «rebelles, dits voyous», de citoyens et associations du monde, générant des tensions qui brouillent la grille de lecture du monde actuel. Les stratèges, persuadés que le temps joue en leur faveur, mettent en place leur stratégie: - Retrait des décisions stratégiques à l'ONU, jugée trop démocratique, au profit de l'OMC et autres traités commerciaux. - Concentration des groupes militaro-industriels et médiatiques (chiens de garde) entre les mêmes mains. - Remplacement de la menace communiste par celle du terrorisme islamiste, justifiant lois d'exception et états d'urgence. - Assèchement des ressources publiques grâce aux évasions financières vers des «paradis fiscaux». - Neutralisation de la démocratie directe par éloignement des centres de décision (délocalisations). - Transformation des médias et de l'école en fabriques de consentement, formant les futures générations de consommateurs dociles et de marchands adeptes du nouvel ordre mondial, cf. «l'enseignement de l'ignorance» – J.C. Michéa. Et l'Algérie dans tout ça? La finance mondialisée (par FMI, OMC, OTAN, CIA interposés) nous a dans son collimateur. Ses relais sont dans nos institutions (entreprises, parlement, gouvernement, armée, école, média …). Ils s'immiscent dans les cercles de nos décideurs, les convaincant que la loi du marché libre et non faussé est la seule alternative, alors qu'eux-mêmes tiennent leur force et leur avantage d'un protectionnisme étatique passé et présent. Que faire? Nous pouvons et devons les dénoncer partout où ils ont des relais (entreprises, institutions, média, …). Leur montrer que nous savons ce que nous voulons: Echanges gagnant-gagnant dans le respect et les intérêts de notre société. Nos élus sont-ils à même de nous protéger des vautours? On peut en douter vu ce qui arrive dans les autres pays du tiers-monde (dilapidation des deniers publiques, corruption, …). Comme chez eux, notre gouvernement est faible, car en définitive les prédateurs n'ont besoin de lui que pour cautionner le pillage des richesses. Dans son ambigüité, il fait cavalier seul, méprisant la société civile, s'étant déjà compromis et sali les mains du sang de ses citoyens. Il n'a d'alliés fidèles ni chez lui ni au dehors. Alors aux abois, il cherche le cautionnement populaire d'une mobilisation massive au rendez-vous électoral dont il espère s'acheter légitimité et virginité. Notre challenge? Des hommes et femmes sans complexe d'infériorité, conscients, informés des enjeux nationaux et internationaux, courageux, disposés à faire passer l'intérêt commun avant les privilèges personnels et sectaires, qui ne se laisseront pas acheter pour un «plat de lentilles», ayant la clairvoyance et le courage d'affronter les faucons qui ciblent – au sens militaire du terme – tout gouvernement nationaliste qui voudrait faire passer l'intérêt de sa population devant celui de leurs multinationales (cf. «le profit avant l'homme» – N. Chomsky). Vaste et urgent défi à relever par des hommes de valeur, car… la citoyenneté s'use si l'on ne s'en sert pas, d'autant que le peuple algérien, désabusé, est passé maître en auto-flagellation et culpabilisation. Rien n'arrive plus par hasard en ce siècle: Notre histoire des années 90 à aujourd'hui est un copier-coller de celle des pays du tiers-monde, depuis les années 60, dans lesquels les armées de défense nationales ont été transformées, grâce aux «services» étrangers et nationaux, en organes de maintien de l'ordre interne pour dérouler le tapis rouge aux investisseurs multinationaux et leurs initiés nationaux, détournant les entreprises publiques en centres de profit privés. Conséquences: Le peu de maîtrise technique, scientifique et artisanale, engrangé précédemment par les algériens se voit balayé et remplacé par une la formation marchands importateurs de services et joujoux industriels, transformant l'Algérie (riche en pétrole mais sans idées) en simple roue de secours et déversoir passif d'un système de production mondialisé. L'histoire des pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, décortiquée de long en large dans la littérature, éclaire parfaitement la stratégie mise en place pour le scénario algérien… «Stratégie de choc», théorisée par le gourou de l'économie Milton Friedmann de «l'école de Chicago» dans les années 60 (élimination des nationalistes, privatisations, dumping social, fuite de capitaux…).