«LE PARA», DROUKDEL ET HATTAB ABSENTS! Seuls trois accusés ont été jugés jeudi Par Abdellatif TOUALBIA – Samedi 30 Juin 2012 Les «émirs» Amar Saïfi, dit «le Para» et Droukdel ne sont pas venus… Dans le dossier «3» du tribunal criminel d'Alger, il y a eu le troisième intitulé relatif à la constitution de groupe terroriste, usage d'armes de guerre et autres accusations qui ont fait soulever les poils des non-initiés. Il y a eu pas moins de 18 articles du Code pénal, en l'occurrence, le 87 bis, 87 bis 1, les 86, 400, 293, 291, 351, 350, 87 alinéas 7, 2, 4, 401, 261, 257, 256, 255, 254. Ce qui fera exploser, deux heures plus tard, Maître Mezzah et Maître Sidhoum qui avaient trouvé exagéré le comportement du parquet dans sa demande de la peine de mort à l'encontre des trois accusés. Il est question de vol, de tortures, d'attaques contre l'ANP, d'assassinats, de manipulations d'explosifs et autre création, constitution de groupe terroriste. D'ailleurs, en faisant appel à l'intime conviction des membres du tribunal criminel et surtout à l'application de la loi, les avocat ont insisté sur: primo: Nabil avait neuf ans en 1992 et ne pouvait donc pas constituer un groupe terroriste. Secundo: Chemami était à l'université durant les années de feu et de sang. Tercio: aucune preuve ni témoins ne sont venus étayer les accusations, du parquet qui s'est aveuglément accroché aux procès-verbaux des enquêteurs. Les jeux étaient donc ratés pour l'accusation et après de longues délibérations, Toumi est condamné à la peine capitale alors que Nabil Brahimi et Chemami ont été acquittés à leur grande joie, à celle de leurs proches et leurs défenseurs. La justice est ainsi. Quant aux débats, ils ont été limpides et intéressants. Le groupe de présumés émirs et terroristes du Gspc et de l'Aqmi n'était pas au complet dans le box des accusés de la cour d'Alger, jeudi. Il n'y avait que Chemami, Brahimi et Toumi. Ce dernier refusera de répondre au tribunal criminel dont Mohamed Regad était le président, entouré de Bahia Allalou-Tabi et Demmouche Farida. Toumi a refusé d'être jugé car une heure plus tôt, il a vu son avocate, l'élégante Maître Hadria Khennouf se déconstituer à la suite d'une inattendue sortie de l'accusé: -«M.le président, je ne connais pas cette avocate!» Ce qui fera réagir avec le sourire l'avocate qui informera aussitôt le juge qu'elle l'avait défendu à Blida en 2009 et qu'il avait écopé de quinze ans de réclusion criminelle. «Mieux, M.le président, j'ignore ce qui a motivé mon désormais ex-client, mais j'ai en ma possession le dernier permis de communiquer!» Regad garde son sérieux et marmonne: «Non, maître, nous vous croyons!» Un peu plus tard à la barre, Toumi décide de ne plus rien dire: «Mes droits sont absents dans cette salle. Je refuse donc d'être jugé.» -Toumi vous voulez constituer un autre avocat? Ce qui suppose un cinquième renvoi? Et entre-temps, ces deux pauvres coaccusés devront retourner en taule. Non, nous ne marcherons pas. Vous êtes libre de vous taire. Agent! Accompagnez l'accusé au box», tranche sentencieusement Mohammed Regad alors que Zouhir Talbi, le procureur général finissait de peaufiner son sévère réquisitoire qu'il lèvera plus tard avec beaucoup de détermination et surtout d'émotion en évoquant les trois militaires tombés au champ d'honneur sous les balles de terroristes. Et la peine capitale demandée à l'encontre des trois accusés qui gardent une position où rien n'apparaît sur les faces neutres. Par contre, Toumi a la mine défaite surtout par la frustration qu'il s'est collé de ne pas avoir voulu se défendre. Dans la salle d'audience, la vingtaine de proches est plutôt silencieuse, attendant la prestation des deux plaideurs: Maître Kaddour Mezzah et Maître Amine Sidhoum. Ce dernier, agacé par la lecture du fastidieux arrêt de renvoi, était plutôt pour l'intervention du président, lequel avait demandé avec beaucoup d'autorité au greffier de faire court, car les faits semblaient être grossis surtout qu'outre Toumi les deux autres accusés balanceront du revers de la main les «certitudes» de la police judiciaire qui a évoqué un lieu serré entre les trois accusés: Saïfi Amar dit «Le Para» et Droukdel Abdelmalek ni tout autre. «Emir» du Gspc ou encore de l'Aqmi. Il est vrai que l'arrêt de renvoi contient des actions des trois accusés qui mènent droit vers la potence. Des meurtrières opérations menées dans les wilayas de Bouira, Blida et Tizi Ouzou, aux nombreux crimes commis contre les militaires de l'ANP et de la Police. Cependant, il est à noter avec beaucoup de scepticisme que ces trois accusés ont bénéficié de la loi sur la «réconciliation» et là de deux choses l'une: -ou la réconciliation nationale a échoué et donc la justice suit son légitime cours, ou la réconciliation a réussi et que font donc ces trois Algériens amnistiés. Et ce jeudi, il y avait pas moins de neuf terroristes présumés qui sont passés devant Regad. Six ont vu leur jugement être renvoyé à la prochaine session à cause de l'absence d'un avocat d'un des accusés et à l'absence d'un septième accusé non transféré depuis Tazoult-Batna. D'ailleurs, nous rendons un vibrant hommage aux magistrats qui se farcissent jusqu'à quatre affaires par jour, tant le rôle est plein. Ce jeudi, Regad et ses jeunes conseillères ainsi que les jurés tirés au sort avaient jugé deux affaires et renvoyé une. Et l'hommage va aussi droit vers le président qui préside tous les mercredis la septième chambre correctionnelle d'Alger sans jamais se plaindre, car il est convaincu qu'il ne doit à personne sa carrière. C'est ce qu'explique son silence à n'importe quelle occasion. Rien que pour cela, il mérite cet hommage. D'ailleurs jeudi, il a même eu quarante secondes pour taquiner Maître Mezzah qui a tellement fouillé sa plaidoirie par l'exhibition de documents favorables à son client, qu'il s'était oublié en plaidant, dos à la composition du tribunal criminel. Et Regad de rappeler à l'ordre le plaideur avec un humour sec: «Maître, je vous en prie montez sur l'estrade et plaidez derrière nous, comme cela nous ne vous verrons pas, mais nous vous entendrons avec beaucoup d'intérêt!». Cette boutade avait permis à tous de se dégourdir les papilles et les neurones «assommées» par les faits contenus dans l'arrêt de renvoi. Maître Amine Sidhoum, l'avocat de Nabil Brahimi va droit sur des points de droit. «Mon client est poursuivi pour constitution de groupe terroriste. Nabil est né en 1983. En 1992 il n'avait que «neuf ans! C'est bizarre et même révoltant», s'était écrié le défenseur qui s'est dit outré que le procureur général n'ait pas cité un seul fait dirigé contre Brahimi. Il s'est basé sur un CD où il est question d'actions menées et Nabil Brahimi qui était détenu à Bouira, y était montré!» Allant vers les inepties des enquêteurs, le conseil affirme que les nombreuses accusations collées à Nabil ne tiennent pas debout, surtout que le procureur général aurait dû exiger la comparution du «Para» qui se repose à Serkadji» de Droukdel qui est dans la nature. «Et là, il aura eu raison de réclamer la peine capitale ou la perpet, sans oublier que Nabil a perdu les plus belles années de sa vie de 24 à 29 ans!» Il l'a dit et répété à la barre. Quant à Droukdel et «El Para» (Amar Saïfi), le tribunal criminel a considéré les absents… absents et décidé donc, à la lecture du verdict, que leurs cas ont été mis entre parenthèses, vu qu'ils doivent être entendus, vu que la justice a le bras long et sait attendre. Une chose est certaine: mis à part le coup de sang ressenti par Mohamed Toumi qui a dit son amertume de voir ses droits être piétinés, car sa demande d'un délai pour constituer un défenseur, avait été rejetée par Regad qui a vu du côté des deux autres accusés peut-être innocents. Et il a eu raison. Toumi devra aller vers le pourvoi!