Contribution par Sid Ahmed Hamdane Le fait est connu. Certains milieux politiques en Europe et en Amériques missionnés pour la mise en application de leur feuille de route avec l'appui de solides relais médiatiques, ont de tout temps poussé sous les sunlights et promu aux plus hautes marches du palais les individus ayant la haine de leurs origines, de leur culture et de leur religion, le genre même d'individus qu'a décrit si justement Albert Memmi dans «Portrait du colonisé» et que le philosophe juif allemand Theodor Lessing avait appliqué à ses coreligionnaires avec sa célèbre formule «Jüdische Selbsthass», c'est-à-dire la haine de soi, une condition autrefois assez répandue parmi les juifs européens. Le cas des commandos islamophobes ressort d'une même logique et s'inscrit dans un registre identique. Rappelons-nous de ces militantes, nées en incubateur, et parties en goguette combattre l'islamisme en tant qu'idéologie pour finir par démoniser l'Islam en tant que religion et système de croyance et son milliard et demi de fidèles. Il y eut, le temps d'une courte saison, la bengladaise Taslima Nasreen et la somalienne Ayaan Hirsi Ali, figures béates de l'imposture soudainement élevées au rang d'égéries du courage et d'icônes de la liberté. Pensons aussi à ce journaliste de commande, Mohamed Sifaoui, griffonnant des «enquêtes» sur les islamistes en France et qui fut encensé par une certaine presse française au point où il s'est pris, le malheureux, pour un érudit et un intellectuel, avant de revenir, une fois le filon islamophobe raclé jusqu'à l'aridité, à la réalité de sa triste condition de petit représentant des ventes au profit de parrains en uniforme. Quoi de mieux en effet qu'un «indigène» pour taper sur les «indigènes»? Qu'une pseudo musulmane pour démoniser les musulmans? Sous couvert de dénoncer l'islamisme – ce qu'il faut naturellement faire et de manière toujours vigilante – ces individus dérivent inévitablement vers la caricature et versent dans le discours islamophobe primaire, au grand bonheur de leurs mécènes et autres marionnettistes, véritables maïtres du kabuki, tirant les ficelles dans la pénombre des coulisses. Ainsi en est-il de cette algérienne, Djamila Benhabib, auteur à succès au Québec dit-on, et candidate aux élections provinciales du 4 septembre dernier au Québec sous les couleurs du Parti québécois Comment peut-on affirmer, toute honte bue, que l'on dénonce l'islamisme lorsqu'on titre, ou accepte de faire titrer, comme le fait cette algérienne, son livre «Ma vie à contre Coran» ou encore «Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident». On se croirait revenu au temps de Bernard de Clairvaux, Fréderic Barberousse, des Templiers et des chevaliers de Malte. Plus près de nous, Jean-Marie Lepen ne serait pas mieux inspiré et ne se désolidariserait aucunement de l'intitulé de ces livres. Elle est libre toutefois de faire de l'Islam un juteux fond de commerce et de verser sa logorrhée mucilagineuse et haineuse pour essayer de se faire un nom voire une carrière sur l'échine de sa communauté d'origine, comme le dit si justement l'animateur de radio cité dans l'article. Quant au fait qu'elle ait obtenue quelque 10 000 voix, gage de représentativité selon cet algérien cité également dans l'article, naïf rabatteur du Parti québécois, il devrait plutôt s'interroger pourquoi ces voix lui ont été acquises sinon par le seul fait que son discours haineux ne fait que conforter le parochialisme, l'e sentiment islamophobe et la vision caricaturale de l'Islam qu'elle leur sert, puisqu'elle ne dispose d'aucune expérience politique, ne réside pas dans cette circonscription et n'en connait pas les problèmes spécifiques. La vérité est que toute cette faune, généreusement biberonnée par les médias et les cercles politiques occultes, une fois leur utilité révolue, se retrouvera inéluctablement jetée dans la décharge publique des objets périmés et obsolètes. Qui, aujourd'hui, entend-on parler ou aperçoit encore sur un plateau de télévision Taslima Nasreen ou Ayaan Hirsi Ali? C'est Andy Warhol, fondateur du pop art, qui a dit sur un ton à peine sarcastique qu'à l'avenir chaque individu aura ses «15 minutes de célébrité ». Pourtant les femmes qui luttent contre l'islam politique et l'extrémisme religieux par leur écrits autant que par leurs actes sont légion et elles le font avec talent et dignité, loin de la jubilation bruyante des personnages falots qui redoublent de férocité à mesure dès lors qu'on leur jette une flatterie, tout comme le macaque répond par une grimace à l'enfant qui lui glisse une cacahouète. Mais on ne verra certainement pas une Fatima Mernissi, une Nawal Saadaoui ou une Wassyla Tamzali – pour ne citer que celles dont les noms me viennent spontanément à l'esprit – faire la une des médias ou squatter les plateaux de télévision. Dans le cas d'espèce, que cette algérienne ait été retenue comme candidate du Parti québécois pour les élections parlementaires de la province du Québec, n'est ni fortuit, ni gratuit, ni étonnant. Pour en comprendre la logique, il fait savoir que depuis sa fondation par René Lévesque, le Parti québécois a toujours abrité en son sein un courant nationaliste progressiste, ouvert et cosmopolite symbolisé par son fondateur, et un courant nationaliste chauvin, réactionnaire, xénophobe et intolérant portés par l'ancien chef de ce parti et un temps Premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, ou encore son actuelle dirigeante, Pauline Marois. Voici ce que déclarait l'ancien Premier ministre et chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, le soir de la défaite de sa formation au référendum du 30 octobre 1995: «C'est vrai qu'on a été battu. Au fond, par quoi? L'argent et les votes ethniques». Les votes éthniques! Une déclaration, il est important de le souligner, qui avait soulevé un tollé dans une grande partie de l'opinion publique et dans les milieux politiques provincial et fédéral. Et voilà qu'aujourd'hui se présente une Algérienne qui «s'est bien intégrée» (les péquistes ont une propension poussée à adopter les termes du débat sur l'immigration en France pour les transposer dans le contexte québécois pourtant radicalement différent par son histoire et sa sociologie), supposément musulmane et qui, cerise sur le gâteau, s'attaque violemment à ces musulmans qui menaceraient l'identité québécoise. Il n'en fallait pas plus pour que le Parti québécois, en la personne de Pauline Marois, l'adoube aussitôt comme candidate du Parti dans une circonscription de l'ouest de Montréal. C'est cette même Pauline Marois qui s'est engagée à faire voter une charte de la laïcité interdisant tout signe religieux ostentatoire dans les institutions gouvernementales de la province mais qui a aussitôt posé les limites à cette laïcité en précisant qu'il était toutefois hors de question de toucher au crucifix, notamment à l'Assemblée nationale. Autrement dit, une laïcité qui se module selon la religion considérée et visant, mais sans l'avouer, essentiellement la communauté musulmane. Il reste que ce n'est certainement pas cette autre algéro-canadienne, Nadia Zouaoui, qu'évoquait votre journal dans sa livraison de mercredi et qui vient de réaliser un documentaire sur l'islamophobie aux Etats-Unis qui risquera d'être encartée par le Parti québécois – si tant est que celle-ci soit intéressée par une telle offre, ce qui est fort peu probable considérant ses convictions. Entre celle-ci et la précédente, il y a toute la différence qu'il peut y avoir – pour faire dans l'analogie arboricole – entre un poirier d'ornement et un cèdre du Djurdjura aux racines si profondes qu'il défie son environnement avec fierté et indépendance, ne craignant ni le temps ni les éléments. Sid Ahmed Hamdane Universitaire. Canada.