ALGERIE Soigné en France, le président serait dans un état grave - Les Algériens n'ont que peu d'informations sur l'état de leur « raïs » - Les tractations auraient déjà commencé à propos de sa succession. - Que vont faire, dans l'ombre, les « décideurs » ? Comment va le président de la république algérienne Abdelaziz Bouteflika ? C'est la question que 33 millions d'Algériens se posent, certains avec angoisse, d'autres avec cynisme ou indifférence. Depuis le 27 avril, le « raïs », 76 ans, se trouve en France où sa santé défaillante l'a mené. Hôpital du Val de Grâce puis les Invalides... Les informations manquent de clarté, la communication a un fort relent de langue de bois (« La maladie du président Bouteflika ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir, son pronostic vital n'a jamais été engagé », affirmait ainsi le Premier ministre Abdelmalek Sellal il y a une semaine pour tenter de combler le vide d'informations. La nervosité est néanmoins palpable. En atteste, l'interdiction de diffusion de deux journaux la semaine dernière, qui annonçaient que Bouteflika se trouvait dans un état comateux profond et qu'il avait été transféré en Algérie le 15 mai. Et des poursuites judiciaires ont été engagées contre le directeur de ces deux publications, Hichem Aboud, pour « pour diffusion de fausses informations, pour atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions ». Mais une interview donnée à Doha le 20 mai par le chanteur Enrico Macias, ami du président, à un journaliste algérien travaillant pour un journal qatari est venue confirmer la gravité de la maladie du « raïs » : « Je lui ai rendu visite au Val de Grâce, il se trouve dans un état grave au point de ne pouvoir parler », a déclaré la vedette avant de lancer quelques jours plus tard un démenti peu convaincant après un probable coup de crosse algérien. En coulisses, visiblement, les tractations ont commencé pour assurer la succession du président s'il se confirme qu'il ne devrait pas pouvoir assurer son mandat jusqu'aux élections de 2014. Car plus personne ne croit au scénario encore envisagé il y a peu, celui d'un quatrième mandat de l'actuel pensionnaire du palais d'el Mouradia. La presse algérienne se demande comment les « décideurs » vont réagir. Car en effet, dans ce pays, la presse parle des « décideurs » sans choquer personne. Or ce vocable ne renvoie pas du tout au président, au gouvernement ou au parlement, mais à un ensemble de personne coiffant « l'oligarchie militaro-financière » (expression des opposants au régime) où le DRS (ex-Sécurité militaire) occupe une place de choix. Ces décideurs ont-ils déjà opté pour un lâchage de « Boutef » ? C'est ce que certains ont conclu en lisant la tribune libre sous forme de diatribe extrêmement dure publiée par le quotidien El Watan le 21 mai sous la signature du général à la retraite Mohand Tahar Yala. Le texte repose sur une analyse de la situation économique de l'Algérie et annonce « un scénario catastrophe ». Il examine cinq scandales financiers (comme l'autoroute Est-Ouest dont il qualifié les surcoûts estimés entre 300 et 400% de « scandale du siècle »). Pour en déduire : « Personne ne peut croire aujourd'hui que le président est innocent dans la rapine qui s'est installée et généralisée dans ce pays. Son rôle est déterminant dans ce processus. (...) Sa responsabilité est clairement, totalement engagée. Il s'est entouré d'individus qui, en son nom et avec son accord, corrompent, volent, pillent et trahissent. Il ne peut en aucune manière feindre d'ignorer ces crimes contre notre peuple. Il les a maintenus et protégés. ». Et d'appeler d'urgence à « interrompre le cours de l'actuel mandat ». Ce général Mohand Tahar Yala roule-t-il pour un clan au sein des « décideurs » ? Sollicité par courriel, il a nous répondu : « Ma démarche procède d'une initiative personnelle qui remonte à plusieurs années et qui vise à mettre en place dans mon pays un véritable état de citoyenneté pour que notre peuple ne vive plus les tragédies qu'il a vécues, pour se lancer enfin dans l'émergence et l'excellence et construire avec tous nos voisins un ensemble régional harmonieux et apaisé. Nous en avons les moyens matériels et les hommes et les femmes pour cela ». Son diagnostic, s'en prenant au seul Bouteflika, pose cependant problème, comme l'explique dans lequotidienalgerie.org le Dr Salah-Eddine Sidhoum, opposant radical : « Cher compatriote, le drame algérien n'a pas commencé en 92 ou 99, mais bel et bien au lendemain de l'indépendance, pour ne pas dire avant, quand des Algériens assoiffés de pouvoir ont liquidé d'autres Algériens, au nom d'une fausse légitimité révolutionnaire et se sont autoproclamés tuteurs de ce peuple par la force des baïonnettes. Violence politique, corruption, clientélisme, népotisme, prébendes, ces fléaux érigés en méthodes de gouvernance, ont progressivement gangrené la société algérienne qui atteindra durant cette dernière décennie, un état de déstructuration et de déliquescence avancées. Toutes les institutions mises en place depuis l'indépendance, dont la facticité n'est plus à démontrer, ne servent que de devanture derrière laquelle se cache l'oligarchie militaro-financière, véritable maîtresse de la décision politique. Ce dont vous ne soufflez mot »... BAUDOUIN LOOS