Le pays entier retient son souffle, suspendu aux lèvres du professeur Djamel Bougherbal, le cardiologue «personnel» du président Bouteflika. Et maintenant, y a t-il un «plan B» ? «Surtout pas un coup d'Etat chirurgical à la Ben Ali !», conjure presque Djamel Zenati, qui voit se profiler, derrière les auteurs des scandales de corruption, «un pays qui s'effondre et un peuple qui souffre». L'ancien député du FFS, directeur de campagne de Hocine Aït Ahmed à la présidentielle de 1999, s'interroge s'il est encore des «élites» au pouvoir ayant au moins pris la mesure des dangers d'une reconduction du système autoritaire et factionnel et des périls que charrie dans son sillage la mise en œuvre d'une «autre alternance de type clanique». «Si Bouteflika doit partir, dit Zenati, il le devrait pour son bilan de gouvernance catastrophique mais aucunement pour son état de santé.» Hauteurs d'Alger. Là où se décide, en vase clos, l'avenir du pays. Deux jours sans l'hyper-président et c'est déjà le vertige qu'instille la vacance du pouvoir. Pas d'images de l'illustre patient, affalé sans doute sur son lit d'hôpital, au Val-de-Grâce. Que des rumeurs. Toujours folles. Le pays entier retient son souffle, suspendu aux lèvres du professeur Djamel Bougherbal, le cardiologue «personnel» du président Bouteflika qui, d'Alger (sic), depuis deux jours, tente de rassurer vaille que vaille sur l'état de santé du premier magistrat du pays. Le médecin est catapulté au rang de quasi porte-parole du Président. En place et lieu des hauts responsables de l'Etat, surtout ceux réputés proches du chef de l'Etat, découvrant par miracle les vertus du silence après avoir longtemps joué ses sibylles. Le Pr Bougherbal, un temps «mandaté» par le Président pour «parler à la presse nationale», un autre, volubile «sur instruction (des décideurs ?)», distille ses diagnostics à distance, par doses homéopathiques. «Le pronostic vital (du président) n'est pas engagé», déclare-t-il à la presse. En décodé : le président Bouteflika n'est pas «aussi malade» qu'annoncé et prétendu. «Il rentrera dans sept jours», confie-t-il à Ennahar, journal qu'il reçoit chez lui même. Echourouk TV, annonce le «retour (de Bouteflika) dans la soirée (du lundi)», indique qu'il sera même «présent» à la finale de la Coupe d'Algérie, mercredi. Hormis le communiqué annonçant l'évacuation en urgence du président Bouteflika, la Présidence a cessé depuis de communiquer. L'«entourage» du Président – ses conseillers ? Sa famille ? Son secrétaire particulier ? – continue, lui, de communiquer, par charades et sous-entendus… que le Président n'est pas encore «fini». En choisissant de communiquer, le souci de la Présidence – dont des confidences ont été recueillies par le journal TSA – est de «montrer que le problème n'est pas grave», de «minimiser l'impact de cet incident de santé sur les projets politiques du président Bouteflika». Décryptage. Non seulement le président Bouteflika finira son mandat, mais il ira au-delà, vers un quatrième et révisera, comme prévu, la Constitution selon ses desiderata testamentaires. A Ben Aknoun, c'est la grisaille. Mais point de fumée blanche s'échappant du dessus des clubs de décideurs. Pas de fumée blanche donc s'extirpant des cheminées bouchées du Conseil constitutionnel (CC). C'est d'ici que devrait être «normalement» mis en branle l'article 88 de la Constitution, autrement : la procédure d'«impeachment», terme barbare intraduisible dans la culture et le vocabulaire politiques algériens. A la tête du CC, un homme, le «dernier» du clan présidentiel à pouvoir encore jouer un rôle dans les minutes de la succession : Tayeb Belaïz en l'occurrence, ex ministre de la Justice, garde le temple, verrouille les marches de la succession. «Parler de la destitution (de Bouteflika), c'est politiquement impoli.» Tirade bien enveloppée de Bouguerra Soltani, le gourou du MSP, longtemps sherpa de l'Alliance présidentielle avant de tomber en disgrâce. Les serments d'hypocrites pullulent dans un sérail en prise aux convulsions et autre révolution de velours, comme sait tant en fabriquer le «système». Au lendemain de l'hospitalisation du président Bouteflika, le FLN rendra public son projet de Constitution, où le vieux parti revendique, entre autres, le droit de juger le président (et aussi les ministres) «à la fin de son mandat». Le timing est, on ne peut plus choisi, ne prête à aucune équivoque. Une butte au-dessus du Conseil constitutionnel, le QG du DRS d'où ne s'échappe non plus aucune fumée blanche ou autre. Les cardinaux au pouvoir à Ben Aknoun ou aux Tagarins, siège du ministère de la Défense, autres centres névralgiques du pouvoir avec le palais d'El Mouradia , hument la queue des vents, observent prudents la suite des événements. Au quartier présidentiel, rue Bachir El Ibrahimi, c'est ambiance tendue. Les imposants 4/4 fumés de la garde présidentielle gardent toujours l'entrée de la villa du Président. Prêts à bondir. Autour des résidences des Bouteflika, le dispositif policier visiblement renforcé semble à cran. Des bouchons se créent au niveau du barrage de police : la circulation automobile est filtrée, véhicules et automobilistes passés au scanner et les motocyclistes systématiquement invités, sur le bas-côté de la route, à dénoncer leurs ceintures explosives. Pas de remue-ménage ni de pèlerinage au domicile du patient présidentiel. Sur les lieux, pas de signes apparents du fameux «choc de titans» : Bouteflika-DRS, ni d'impacts sur les murs des haciendas alentours. Pourtant ce samedi 26 avril, à midi, un «quart d'heure» avant l'AIT, l'accident ischémique transitoire, un «clash» d'une rare violence mais d'origine non contrôlée a failli emporter le Président. Que s'est-il passé au juste ? Les Landerneau algérois frétillent, supputent, tirent des plans sur la comète : «Des hommes du général Toufik étaient venus sommer le président d'écarter son frère… !!!», susurre-t-on. Des sources de l'«entourage» du Président (citées par TSA) passent aussi aux aveux. Avant son accident, le chef de l'Etat était très en colère suite la publication d'informations mettant en cause son frère Saïd dans des affaires de corruption, puis son limogeage de son poste de conseiller à la présidence de la République. «Il a été très affecté par ces rumeurs, disent les sources, il est entré dans une colère noire. Il a même demandé d'où pouvaient venir ces informations qui ciblent directement un membre de sa famille de manière violente.»