12 juin 2013 LE COLONEL AHMED BENCHERIF : «La Constitution prévoit les procédures de vacance du pouvoir» Le colonel Ahmed Bencherif, ex-membre du Conseil de la Révolution et ancien patron de la Gendarmerie nationale, a décidé de prendre la parole sur des questions qui lui paraissent prioritaires. Souhaitant s'exprimer sur l'intégrisme, la Turquie, la guerre en Syrie ainsi que sur l'absence de Bouteflika et les prochaines présidentielles, il nous a transmis un entretien consignant les questions et les réponses qu'il estime devoir retenir l'attention des citoyens. A sa demande, nous le publions dans son intégralité. Lors de sa récente visite officielle en Algérie, le Premier ministre turc, Tayeep Erdogan, a supprimé le visa pour les Algériens désireux de se rendre en Turquie. Que pensez-vous de ce geste d'ouverture ? La Turquie recherche apparemment deux objectifs. Le premier est économique en ce sens que le marché maghrébin est important et reste à conquérir, et le deuxième pourrait être perçu comme stratégique ouvrant une brèche aux jeunes Algériens pour rejoindre la rébellion syrienne en passant par le territoire turc. Dans cette affaire, la Turquie est certainement manipulée par l'Occident qui cherche par tous les moyens à faire main basse sur le Moyen-Orient et ses richesses. J'appelle mes concitoyens à prendre garde pour ne pas être tentés par le chant des sirènes et s'engager dans de telles aventures qui les conduiront à la traîtrise et au déshonneur. Manipulée comment ? Il y a toute une stratégie pour déstabiliser les pays du Moyen-Orient et les récupérer par la suite. La Turquie est l'alliée des Etats-Unis, et la politique des Etats-Unis dans la région est une véritable valse, un pas en avant et deux pas en arrière. La meilleure preuve est celle du retournement du Président Obama qui vient devant l'Onu de balayer d'un revers de la main sa promesse de créer un Etat palestinien, promesse faite avec citation du Coran lors de son discours du Caire juste après sa première investiture. Cela paraît étonnant de la part d'un Président que l'on croyait juste et apaisant et qui en fait n'est qu'une marionnette aux mains d'Israël et du lobby sioniste international. Le Moyen-Orient étant un enjeu à l'heure actuelle, que recherchent la Russie et la Chine dans leur action de soutien à la Syrie ? Le soutien de ces deux grandes nations est une réaction attendue et naturelle car on sait que ces pays œuvrent pour la stabilité dans le monde. Ils ont toujours été les amis des Arabes et ont toujours prôné le respect et la dignité de ces derniers en les aidant à recouvrer leur indépendance et se libérer du joug colonial. Ils ont été un soutien précieux à la Révolution algérienne aux moments de la lutte armée. Comme à l'Egypte aussi à l'époque de Nasser ? C'était une même époque. En 1956, Israël, la France et l'Angleterre avaient agressé l'Egypte soi-disant pour s'opposer à la nationalisation du canal de Suez, mais en fait, le coup de main servait à empêcher l'Egypte d'aider la Révolution algérienne. C'est là où s'est manifestée la solidarité de la Russie qui avait lancé un ultimatum à l'Occident pour arrêter l'agression. C'était une crise qui avait mis la planète au seuil de la 3e guerre mondiale. La Russie semble moins prenante aujourd'hui avec l'Egypte. Il est malheureusement à constater que l'Egypte d'aujourd'hui a changé de cap en se soumettant à la dictature des Frères musulmans, un parti qui se réclame de Dieu mais qui, en fait, est un instrument de l'Occident. Je lance un appel au peuple égyptien et à son armée pour un sursaut national afin de rendre à l'Egypte sa dignité. Les bouleversements actuels en Egypte sont-ils conséquents aux événements de Tunisie et de Libye ? Est-ce aussi le Printemps arabe ? Le Printemps arabe n'est ni plus ni moins qu'une machination ourdie de longue date par la famille Bush et le lobby sioniste. Tous les moyens ont été utilisés y compris la création des mouvements terroristes et djihadistes. L'Algérie a beaucoup souffert du terrorisme. Terriblement souffert mais elle a réussi à endiguer ce fléau. Les nouveaux régimes limitrophes issus du Printemps arabe ne se définissent pas clairement par rapport à ce phénomène. L'Algérie ayant trop subi de souffrances n'acceptera en aucune manière un régime intégriste ou djihadiste à ses frontières, et je propose d'exercer un droit de poursuite sur les territoires voisins utilisés comme refuge par les terroristes. A ce titre, je propose également à nos frères libyens de ne pas tomber dans le piège des Occidentaux. Pour revenir à la Syrie, elle connaît aussi des événements dramatiques. Qu'en pensez- vous ? El Qosseir vient d'être libérée par les forces loyalistes après deux ans d'occupation par les terroristes. C'est une grande victoire de l'armée syrienne. Je rends hommage à son président Bachar Al Assad. Tous ces événements criminels ont été programmés sous l'instigation des Israéliens pour couper les ponts à Hezbollah et je saisis cette occasion pour rendre hommage également au moudjahed Nasrallah. Que pensez-vous donc de l'avenir de la Syrie ? La Syrie vaincra ces manœuvres machiavéliques. Et mon pays aura alors le devoir d'aider au maximum le peuple frère syrien et à leur tête Bachar Al Assad, pour la reconstruction du pays dans tous les domaines. Il y a eu des positions ambiguës à la Ligue arabe, que se passe-t-il ? La Ligue arabe est une monstruosité inventée et mise en place par l'Angleterre. Il n'y a rien à en attendre. C'est une girouette au service de l'Occident que les Arabes jetteront aux oubliettes dès la victoire de la Syrie. Dans cet échiquier de politique internationale, quelle est donc la position de l'Algérie ? Pour l'Algérie, les choses sont claires. Notre pays demeure vigilant face aux événements du monde. Il applique avec constance le droit international et respecte la souveraineté des peuples et des nations et n'accepte pas d'ingérence dans ses affaires. N'y a-t-il pas à craindre une dérive politique avec l'absence du Président Bouteflika ? Pour la politique du pays, la position de l'Algérie est juste, stable et solide, il n'y a aucune crainte de dérive. Le Président Bouteflika, quant à lui, est bien malade, je lui souhaite un prompt rétablissement. Il est pour le moment effectivement absent, mais si cette absence venait à se prolonger ou en cas d'événement impromptu au cours du mandat, la Constitution prévoit les procédures de vacance de pouvoir. Le Conseil constitutionnel prendra les mesures nécessaires prévues à cet effet. Avez-vous une idée sur les candidats potentiels aux futures présidentielles ? Le premier à citer et que je soutiendrai est mon compagnon Liamine Zeroual, ensuite il y a Benflis, Hamrouche, Benbitour, Mustapha Chérif, Yahia Boumezrag et peut-être d'autres encore. Ahmed Bencherif, membre du Conseil national de la Révolution algérienne