La question ne mérite pas d'être posée dès lors que le président syrien se trouve aujourd'hui dans la situation d'un paria de la pire espèce. Bachar al-Assad est nez au mur. Hormis le carré de ses fidèles, plus personne n'est là pour le soutenir à l'étranger. La Russie, qui l'a protégé au Conseil de sécurité, n'est plus certaine de sa position. Après le lâchage de la Ligue arabe, la donne a changé et à Moscou d'exhorter l'opposition syrienne reçue par son ministre des AE à dialoguer. Autant dire que la Russie est prête à changer son fusil d'épaule et tenter ainsi de préserver -un tant soit peu- ses intérêts militaires en Syrie. Medvedev et Poutine ont compris que les carottes sont cuites. La veille, ils avaient critiqué la décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie et accusé l'Occident d'encourager la population syrienne au soulèvement et, aujourd'hui, ils se rendent compte qu'ils ne pouvaient plus rien pour leur dernier allié dans la région. Demande de démission de la part du roi de Jordanie, nouvelles sanctions européennes, radiation de la Ligue arabe, mise en garde de Pékin, le voisin turc qui hausse le ton… La pression s'est accentuée sur le pouvoir Syrien ces dernières soixante-douze heures. Assez en tout cas pour secouer le puzzle du pouvoir et ouvrir des brèches pour des abandons, y compris au sein de l'armée. Le scénario “Libye” est à l'esprit. Personne n'envisage encore une intervention de type militaire, mais, sait-on jamais avec la facture de 3 500 personnes assassinées dans la répression depuis mars. C'est la seule ligne rouge que la Ligue arabe dit ne pouvoir franchir, mais il faut faire confiance à la pugnacité du Qatar et des Emirats arabes. La France, par la voix de son ministre des AE, Alain Juppé, exhorte déjà à trouver un moyen de protéger davantage les populations civiles face à “l'entêtement sanguinaire du régime de Damas”. Ce ne sont pas des paroles en l'air quant on sait que Paris avait poussé les mêmes gueulantes contre Kadhafi jusqu'à obtenir le feu vert de la Ligue arabe pour protéger les civils libyens. Autre déclaration hautement symbolique, celle du roi Abdallah II de Jordanie qui a appelé le président syrien, Bachar Al-Assad, à quitter le pouvoir ! Un casus belli dans une sphère arabe où chacun était tenu de garder son peuple comme il l'entend. La Ligue arabe elle-même est montée au créneau, prenant fait et cause pour les acteurs du Printemps syrien, au point où Bachar al-Assad, de plus en plus isolé après l'annonce de sanctions turques à son encontre, a boycotté une réunion de la Ligue arabe, qui devait entériner sa suspension de l'organisation régionale et celle arabo-turque qui devait se tenir hier à Rabat. Pourtant, Bachar al-Assad avait fait un geste en libérant plus d'un millier de détenus “impliqués dans les évènements et qui n'ont pas de sang sur les mains”, suite à la décision de la Ligue, samedi, de suspendre Damas des travaux de l'organisation pour l'obliger à appliquer un plan arabe prévoyant notamment la libération des manifestants et le retrait des forces armées des villes. Les réunions de mercredi dans la capitale marocaine devaient entériner cette décision. Washington a appelé la Ligue arabe à s'en saisir pour envoyer un message énergique au président Bachar al-Assad et lui faire comprendre qu'il doit permettre la tenue d'une transition démocratique et mettre fin à la violence contre son peuple. Affirmant soutenir les mesures de la Ligue arabe, la Turquie a décidé d'arrêter sa coopération avec Damas dans le domaine de l'exploration de pétrole et indiqué qu'elle pourrait aussi réviser ses livraisons d'électricité. De son côté, l'Union européenne a étendu ses sanctions contre le régime syrien à 18 personnes et a décidé de geler des prêts européens. Trois généraux sont notamment visés par les sanctions. Pour autant, rien n'empêche d'autres mesures plus coercitives contre le régime de Damas avec la décision de la Ligue arabe, impensable il y a peu. Se suspension de la Ligue, à compter d'hier, peut paraître anodine mais elle est clairement significative, de la part de pays traditionnellement réticents à s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres Etats membres. Damas ne s'y est pas trompé en réagissant avec colère à sa punition. La position turque est la plus efficace car elle frappe Damas dans son économie au bord de l'asphyxie. Le pays a subi un sévère retournement à la baisse. Ses recettes du tourisme se sont asséchées, son commerce a chuté et sa production pétrolière a plongé car les autorités ont bien du mal à trouver des acheteurs. Pourtant la Turquie voisine comme l'Irak, dépend du commerce de transit syrien pour leurs exportations et leurs importations. Quoi qu'il en soit, entre Bachar al-Assad et ses pairs arabes, le divorce est consommé. Les monarchies du Golfe ont juré d'avoir sa tête. La chute de Damas n'est plus improbable. La position de la Ligue arabe a renforcé la main des puissances occidentales qui vont réclamer une position de l'Onu plus sévère a amené d'une certaine façon la Chine à assouplir son opposition : Pékin a condamné la répression syrienne. Et cela, semble-t-il, a mis la pression sur la Russie. En outre, Bachar al-Assad a vu surgir un nouvel ennemi, son propre oncle. Rifaât al-Assad, en exil, propose de remplacer son neveu à la tête de la Syrie ! L'oncle du président syrien a pris la tête d'un nouveau mouvement d'opposition, le Conseil national démocratique, dont la direction est composée essentiellement d'ex-membres du parti Baas au pouvoir. Membre du sérail, Rifaat est l'homme qui lancé ses troupes en 1982 à l'assaut de Hama, dans le nord du pays, tombée aux mains des islamistes sunnites. La répression avait fait entre 10.000 à 25.000 morts, selon Amnesty International. Une année plus tard, alors que son frère Hafez al-Assad, le père de Bachar, est hospitalisé, Rifaât, à la tête de ses “brigades de défense”, tente un coup d'Etat. En vain. Cette trahison entraîne sa disgrâce. Rifaât destitué du poste de vice-président est banni du territoire syrien. Depuis il s'est converti dans les affaires entre Paris et Londres. D. Bouatta