Energie et Mines : Arkab examine avec l'ambassadeur d'Afrique du sud les moyens de renforcer la coopération bilatérale    Conseil de sécurité : Attaf réaffirme l'engagement de l'Algérie à contribuer au renforcement du partenariat entre l'ONU et la Ligue arabe    M. Derbal souligne l'accompagnement et l'appui du secteur de l'hydraulique aux efforts visant à réaliser la sécurité alimentaire    M. Ballalou préside l'ouverture d'une journée d'étude algéro-italienne sur la valorisation du patrimoine culturel    APN: la commission de l'éducation écoute les préoccupations de représentants d'associations de parents d'élèves    L'Algérie veillera à assurer une prise en charge optimale aux pèlerins durant la saison du hadj 1446/2025    Belmehdi préside l'ouverture d'une conférence scientifique sur le Coran et les récitateurs    Conseil de la nation: adoption du texte de loi relatif à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets    Renouvellement par moitié des membres du Conseil de la nation: retrait des formulaires de déclaration de candidature    En qualité d'envoyé spécial du président de la République, le ministre de la Communication reçu à Windhoek par le président namibien    Musée "Ahmed Zabana" d'Oran: une visite virtuelle pour découvrir l'art plastique algérien    Lancement prochain de la 1ère coupe d'Algérie inter-lycées, CEM et primaires    Natation: début des épreuves du championnat national hivernal des benjamins à Oran    Alger: installation du wali délégué de la circonscription administrative de Bab El Oued    Ghaza: le bilan s'élève à 47.283 martyrs et 111.472 blessés    Energie: la 12e édition des JST de Sonatrach en juin à Oran    CNDH : l'Algérie a placé le secteur de l'éducation en tête de ses priorités    Lancement d'un concours pour le recrutement de 476 employés    Mise en service d'un tronçon de 14 km de la pénétrante autoroutière Djen Djen-El Eulma    JSK : L'Allemand Josef Zinnbauer, nouvel entraîneur    La JSK sauve sa place de leader face au CRB    Le tirage au sort le 27 janvier    Le Président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Le président de la République reçoit le Commandant d'Africom    Le nouvel appareil de jardinage d'intérieur de LG dévoile un désigne raffiné    Deux personnes échappent de justesse à la mort    Le wali gèle les activités de l'APC de Béni-Dergoune    Préparation de la saison estivale : le littoral dans le collimateur du wali    Le rôle du Président Tebboune salué    S'agit-il d'un véritable cessez-le-feu ou d'une escroquerie ?    Les premières décisions du Président Donald Trump tombent    Une délégation parlementaire inspecte des sites à Timimoun    Plus de 25 heures de témoignages vivants collectées à Tlemcen    ''Le Pays de Peter Pan'' de J.M. Barrie et ''La Terre du Milieu'' de J.R.R. Tolkien    Le président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Skikda: 162 millions de dinars pour la réhabilitation des infrastructures devant accueillir une partie des Jeux scolaires africains        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pourquoi la démocratie est-elle bannie dans le monde arabo-musulman?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 20 - 07 - 2013

Au lendemain d'un printemps de peuples salué et acclamé par des foules en transes euphoriques, le monde arabo-musulman s'égare aujourd'hui dans des labyrinthes tortueux difficilement déchiffrables.Après la plongée inattendue de l'Egypte dans l'incertitude suite au coup de force de l'Establishment contre l'ex-président Morsi en ce début de juillet, ça sera peut-être le tour de la Tunisie, pionnière du mouvement révolutionnaire de 2011, et de la Libye post-El-Gueddafi de vivre un scénario pareil même si les réalités sociopolitiques de ces dernières sont nettement différentes de la première (régime policier sous Ben Ali et milices militarisée sous Gueddafi, actives jusqu'à nos jours). Il est clair que, analysée par rétrospective, la bifurcation historique entre un Occident matérialisé, despiritualisé et un Orient spiritualisé et dématérialisé a fait en sorte que le processus de construction de l'Etat-nation moderne en Europe issu directement du traité de Westphalie en 1648 et calqué par les Etats post-coloniaux arabo-musulmans ait dérapé en ce contexte précis. Le retour du refoulé religieux manifestement dominant dans l'esprit du citoyen arabe a mis les bâtons dans les roues d'une certaine modernité européo-centriste vue exclusivement sous le prisme de «la sécularité-laïcité». Et pourtant, en Egypte à titre d'exemple, la campagne napoléonienne doublée d'une expédition scientifique (entre 1798-1801) et les réformes modernisatrices d'un certain albanais, en l'occurrence Mohammed Ali Pacha (1769-1849) l'ayant suivie juste après n'ont de parallèle historique que les réformes menées par la dynastie du Meïji dans l'Empire nippon à partir de 1868 à l'origine de l'évolution du Japon moderne. La question qui se pose alors, pourquoi justement le Japon s'est-il développé et l'Egypte reste-t-elle à la traîne ?En vérité, l'effondrement de l'Etat ottoman et la dislocation subséquente du monde arabo-musulman, jadis sous sa férule, a laissé la place vide aux menées impérialistes du protectorat britannique et surtout à une réaction violente du nationalisme arabe dans le cas égyptien. Le parti d'Al-Wafd, puis le Bâath se sont servis de cette confrontation brutale entre l'Orient et l'Occident, les opprimés et les oppresseurs pour mobiliser les masses à leurs côtés et jeter les bases des futurs autoritarismes. Un processus adverse ayant puisé aux sources d'une spiritualité millénaire et fraternelle (Orient) afin de combattre une matérialité pragmatique et envahissante (Occident). Le noeud gordien de cette démarche est qu'irrémédiablement l'étranger est la source du changement intérieur de la sphère arabo-musulmane au détriment du soi négligé et mis sur la sellette de l'histoire. Lorsque l'Egypte s'était mise à se construire au lendemain du coup d'Etat de juillet 1952 conduit par Nasser, il y a déjà deux étapes de ratées. Primo, les effets dévastateurs de l'impérialisme britannique à soigner sont laissés de côté et secundo «la cadence matérialisante» de l'histoire à mettre en oeuvre illico presto.
Car le pays marche à vide, il est une carcasse de voiture sans moteur ! La naissance du bâathisme nassériste en Egypte dans le sillage de la Syrie et de l'Irak (les circonstances d'apparition ne sont pas quasiment identiques), en dépit de ses avatars et de ses confusions sémantiques, idéologiques et politiques, fut une tentative de redressement civilisationnel et de «déspiritualisation» au forceps de la société arabo-musulmane dans l'objectif de reconquérir ce «matérialisme historique» pour reprendre l'expression du philosophe Karl Marx (1818-1883) à l'origine du mouvement de l'histoire moderne de l'Occident vainqueur et doter «ce corps dématérialisé» (le monde arabe) de sang neuf de l'identité. Cependant, l'erreur fatale du bâathisme est qu'il s'est inspiré, comme il est toujours de coutume dans nos piètres expériences historiques, de l'extra-muros (l'étranger) pour concevoir un modèle de gouvernance particulier intra-muros (local).
Bourguiba (1903-2000) et El-Gueddafi (1941-2011) ont suivi les traces de ce fil conducteur. Le premier, quoique souvent nageant à contre-courant, a plus ou moins réussi à imprimer une version occidentalisée et relativement moderne à la marche de son peuple vers le progrès tandis que le second, pétri qu'il fût de «la bédouinocratie» et du tribalisme aux envolées lyriques, a même remis en cause les maigres acquis du roi Idriss I et des Senoussi en ce qui concerne la citadinisation de la Libye profonde et tout particulièrement le volet éducatif (le dogmatisme du livre vert, les élucubrations de la troisième théorie universelle chère au guide, la ritualisation de l'enseignement..). Or, l'expérience historique a prouvé que la réussite d'un élan modernisateur quelconque est sujette au degré de sa conformité avec les ingrédients de la culture et de la civilisation du terroir.
En Algérie, c'est presque le même diagnostic sauf que dans notre cas, il n'y a jamais eu de modernisation venue de l'extérieur (l'étranger est senti comme source de danger) à part deux petites parenthèses, l'apport romain au royaume numide de Massinissa (238-148 av J.-C.) et l'héritage turc (1509-1830). Le colonialisme français (colonisation du peuplement au demeurant) fut une opération de démantèlement social d'envergure et de clochardisation à grande échelle pour reprendre le mot de l'anthropologue Germaine Tillon sans commune mesure avec ce qui s'était passé en Egypte. De plus, «Tadjmâat» à titre d'exemple, une forme de gestion des affaires de la cité apparue bien avant «l'Agora athénienne» et «le Forum romain» fut une révolution mentale gigantesque dans une société historiquement frappée par une oralité paralysante. Il n'est pas question ici de nier l'apport pharaonique à la civilisation du Nil qui est, loin de toute complaisance, un patrimoine universel inspirateur à plus d'un égard au côté des civilisations akkadienne et assyrienne au Moyen-Orient mais d'affirmer que l'Algérie, à part la période du règne de Massinissa où l'alliance numide-romaine était scellée contre l'ennemi carthaginois soutenu par Syphax (250-202 av. J.-C.) et au cours du XVe siècle où les Ottomans Aroudj (1474-1518) et Kheireddine Barberousse (1478-1546) étaient appelés à rescousse par les notables algérois contre l'envahisseur espagnol aux portes de la Régence, toutes les rencontres avec l'autre sont faites dans le sang. En effet, des schémas parallèles, et à de rares exceptions près, se trouvent identiques dans la plupart des autres pays arabes (Irak, Syrie, Liban, le cas du régime de Moutaçarifates et de la clanisation du pouvoir entre maronites, chiites et sunnites sous impulsion française). Néanmoins, aux réformes provenant de l'extérieur, plus particulièrement de l'Occident ou s'en inspirant, le mouvement réformiste à tendance islamique ou «islamisante» de Mohammed Abdou (1849-1905) et Djamel Eddine Al-Afghani (1838-1897) a donné le change et la cassure s'est aggravée entre une spiritualité orientale poussée à son extrême et une matérialité occidentale confinée dans son versant colonialiste, exploiteur et hégémonique. Les processus d'édification nationaux engagés par la suite au XXe siècle se sont chargés du reste.
Un nationalisme chauviniste et une militarisation excessive sur fond de crise de légitimité et d'usurpation du pouvoir a vu la lumière (Egypte, Algérie, Libye, Syrie et Yémen, etc.). Quant à l'Arabie Saoudite (wahhabite) et les autres pays du Golf (Qatar, Bahreïn, Koweït, Sultanat d'Oman, etc.), une islamisation rigoriste respectant à la lettre les préceptes coraniques fut l'idoine tremplin usé assez souvent par les leaders politiques de cette région afin d'endoctriner les masses et, le cas échéant, devancer l'Occident ennemi.
Dans le cas égyptien et algérien en particulier, la problématique du militaire, liée intrinsèquement à un nationalisme pléthorique relatif au mouvement de décolonisation, a des ramifications historico-anthroplogico-culturelles qui remontent au lointain passé. En Egypte, l'empreinte militaire/militarisée a une histoire très ancienne. Durant tout le règne des Mamelouks (1250-1517), une dynastie formée principalement de milices issues d'esclaves affranchis proche de la garde du sultan des Ayyoubides qu'elle aurait renversé après l'avoir longtemps servi, la culture du coup de force a été instaurée dans les rouages du système social et les moeurs égyptiennes.
On pourrait bien remarquer que c'est le même procédé qu'a utilisé Nasser (1918-1970) pour s'accaparer le pouvoir du roi Farouk en 1952. Etant militaire et proche de la cour royale, le jeune officier a tenté son coup avec le soutien des Frères musulmans. En l'espace de quelques années, l'Egypte pro-anglaise aurait été le pays-phare du tiersmondisme, du panarabisme et du bâathisme contre l'impérialisme occidental américano-israélien (se référer notamment à l'hostilité tripartite sur le canal de Suez en 1956).
Cette métamorphose d'un Etat colonisé, fragile et né d'une inertie historique grâce au bâathisme nassériste en un Etat-puissance a dopé les masses d'un nationalisme étriqué, diabolisé l'islam et idéologisé (ritualisé) la pratique de la politique. Quant à l'Algérie, si fascinées qu'elle fussent de la contribution culturelle, civilisationnelle et militaire de l'Etat ottoman où les janissaires, cette secte militaire composée dans sa grande majorité d'esclaves chrétiens, a tenu en laisse des beys, bachagas et deys et pris un grand ascendant sur le processus de prise de décision, les élites nationales en ont pris de la graine par atavisme. Le recul du politique face au militaire senti et vécu déjà dès l'indépendance nationale en 1962 n'en fut qu'une manifestation minimale. Déjà, aux temps de la Numidie, les élites de notre pays ont négligé la culture locale, au demeurant rituelle et agromythique privilégiant la culture mercantilo-commerciale de Carthage (le cas de Syphax) et l'art militaire des Romains (le cas du roi Massinissa).
En gros, au-delà de cette image d'Epinal de «l'Arabe inapte à la démocratie» qu'ont façonnée à leur guise les ethnologues/anthropologues orientalistes à visée colonialiste (retour sur la phase du code inique de l'indigénat en 1881 et du Second Collège en Algérie), il y a lieu de se poser, anthropologiquement parlant (moeurs, habitudes sociales, habitus selon Bourdieu, us et coutumes) la question suivante: comment les pays arabes pourraient-ils envisager l'avenir sans la Cassandre des armées ? Le képi est une source de fierté dans ces sociétés déficitaires, patriarcales, misogynes, effondrées et sans assise civique où l'éducation populaire est à la ramasse. Tourner en ridicule cette réalité socio-historico-anthropologique du passé et les contingences actuelles du monde arabo-musulman est une négation de la sociologie de l'Etat moderne. Il est triste de constater en définitive que les quelques élites éclairées et au courant de ce cheminement historique n'aient fait aucun effort d'aggiornamento civilisationnel loin des projections exogènes et de précipitations théoriques de modèles étrangers sans prise réelle sur le substrat authentique du monde arabe et les aspirations profondes de ses masses. La culture du débat contradictoire n'est-elle pas la digne héritière de la démocratie participative et de ce que le philosophe Albert Jacquard appelle à juste raison «une démocratie d'éthique», celle qui forme un citoyen responsable et autonome et non pas un sujet politique attiré par la dictature ? A bon entendeur.
* Universitaire


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.