Dépité qu'il fût tenu de se dédire, lui, docteur d'état issu de Polytechnique d'Alger, le ministre de l'Energie remit sa démission; après tout, il n'avait fait qu'attirer l'attention sur le danger des prix anormalement bas des carburants et de l'électricité, mais on était en pleine période électorale. Quelque temps après, la nouvelle ministre de la Culture se retira, indignée qu'on la confinât dans la production de festivals grotesques, elle qui avait étudié les arts et spectacles à la Sorbonne. Presqu'à la même période, la nouvelle ministre de l'Education Nationale (une autre diplômée de la Sorbonne), tira sa révérence, sa vision de l'Ecole contrariée par des orientations conservatrices. Les évènements se précipitèrent avec l'accusation faite au ministre de l'Industrie de posséder des biens en France; digne, celui-ci céda son poste afin de se consacrer à sa défense. C'est le moment que choisit le ministre des Moudjahidines pour exploser sa bombe: fils de chahid, il n'avait d'autre but, déclara-t-il dans une conférence de presse, que de venger son père (et les autres martyrs) en oeuvrant à la dissolution de son département pour trahison du serment fait à ces derniers. Alors, le ministre des Affaires religieuses décida d'ajouter sa voix à ce concert de rebellion; son départ mettait fin à la polémique qu'il créa en osant proscrire l'usage abusif des hauts-parleurs, et celui, onéreux, des climatiseurs dans les lieux de culte; pire, il avait indiqué qu'il était contre toute rémunération de la fonction d'imam (un rôle qui se devait d'être bénévole, selon lui), mais favorable à l'idée de rétrocéder à titre gracieux, au profit de chaque commune, une mosquée réaménagée en bibliothèque. Abasourdi par la dislocation de son gouvernement, le Premier ministre cria au complot, puis chancela et s'écroula, terrassé par un AVC. Le jour-même, on rapporta au Président de la République que le président du Conseil Constitutionnel avait été surpris dans son bureau en train de se frapper la tête, répétant: « je n'ai pas été assez intelligent! »; comme celui-ci ne servait plus à rien, on décida de le placer dans une maison de vieillesse. On chuchota au Président la certitude de l'implication de « la main étrangère »; le visage sombre, ce dernier décréta la conversion du projet de la grande mosquée d'Alger en hôpital moderne, puis demanda à s'adresser à la nation. La situation était assez grave pour que son intervention fût nécessaire. La veille, le patron de l'UGTA avait décidé de prendre sa retraite; tout le monde apprit qu'en réalité, devant l'imminence de la réouverture du dossier Khalifa, et se sentant lâché, ce dernier appréhendait d'être questionné sur son célèbre « j'assume! ». L'instant était solennel. Il y eut un grand silence, partout dans le pays, quand le Président apparut sur les écrans de télévision, mais celui-ci dit seulement: « je vous ai compris! », puis se tut, rentra chez lui, et s'emmura dans le silence. Qand Victor Hugo écrivit: » Pour la première fois, l'aigle baissait la tête... », il parlait de Napoléon rentrant de sa campagne en Russie, défait. Note de l'auteur: Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec des faits, ou des personnages existants ou ayant existé, serait purement fortuite. Bacha Ahmed, retraité