Résumé de la 6e partie n Zoumourroud offrit à Alischar l?argent grâce auquel il put l?acheter à son maître. Ils partirent tous deux chez le jeune homme où la jeune fille déboursa encore pour meubler un peu le pauvre logis. Sans perdre de temps, la diligente Zoumourroud se mit aussitôt à l'ouvrage. Elle prit la pièce de soie rouge grenat de Damas, et, en quelques jours, elle en fit un rideau sur le pourtour duquel elle représenta avec un art infini des figures d'oiseaux et d'animaux ; et elle ne laissa pas un seul animal dans le monde grand ou petit, qu'elle ne l'eût dessiné sur cette étoffe. Et l'exécution en fut si frappante de ressemblance et si vivante, que les animaux à quatre pieds semblaient se mouvoir, et que l'on croyait entendre chanter les oiseaux. Au milieu du rideau étaient brodés de grands arbres chargés de leurs fruits, et à l'ombrage si beau que l'on sentait une grande fraîcheur à s'y reposer les yeux. Et tout cela fut exécuté en huit jours, ni plus ni moins ! GIoire à Celui qui met tant d'habileté dans les doigts de Ses créatures ! Le rideau achevé, Zoumourroud le lustra, le lissa, le plia et le remit à Alischar en lui disant : «Va le porter au souk et vends-le à quelque marchand en boutique, pour pas moins de cinquante dinars. Seulement garde-toi bien de le céder à quelqu'un de passage, qui ne soit pas connu dans le souk ; sinon tu serais la cause entre nous d'une cruelle séparation. Nous avons, en effet, des ennemis qui nous guettent : méfie-toi du passant !» Et Alischar répondit : «J'écoute et j'obéis !» et il alla au souk et vendit pour cinquante dinars à un marchand en boutique le merveilleux rideau en question... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Puis, de nouveau, Alischar acheta de la soie et des fils d'or et d'argent, en quantité suffisante pour un nouveau rideau ou quelque belle tapisserie, et porta le tout à Zoumourroud, qui se remit à l'ouvrage et, en huit jours, exécuta un tapis encore plus beau que la première fois, lequel rapporta également la somme de cinquante dinars. Et ils vécurent de la sorte, en mangeant, en buvant, et en ne manquant de rien, sans oublier de satisfaire leur mutuel amour, plus ardent de jour en jour, pendant encore l'espace d'une année. Un jour, Alischar sortit de la maison, porteur, selon son habitude, d'un paquet renfermant une tapisserie exécutée par Zoumourroud ; et il prit le chemin du souk pour le proposer aux marchands, par l'entremise du crieur, comme toujours. Arrivé au souk, il la remit au crieur qui se mit à crier devant les boutiques des marchands, quand vint à passer un chrétien, un de ces individus comme il en pullule à l'entrée des souks et qui obsèdent le client de leurs offres de service. Ce chrétien s'approcha du crieur et d'Alischar et leur proposa soixante dinars de la tapisserie, au lieu de cinquante qui en était le prix crié. Mais Alischar, qui avait de l'aversion et de la défiance pour ces sortes d'individus et qui, d'ailleurs, se rappelait la recommandation de Zoumourroud, ne voulut pas la lui céder. Alors le chrétien augmenta son offre, et finit par proposer cent dinars ; et le crieur dit à l'oreille d'Alischar : «En vérité, ne laisse pas échapper cette excellente aubaine !» Car le crieur avait déjà été secrètement soudoyé par le chrétien moyennant dix dinars. Et il man?uvra si bien sur l'esprit d'Alischar, qu'il le décida à livrer la tapisserie au chrétien, contre la somme convenue. Il le fit donc, mais non sans une grande appréhension, toucha les cent dinars, et reprit le chemin de sa maison. (à suivre...)