Une histoire de plants d'oliviers La corruption en Algérie ne date pas d'aujourd'hui. Il faut absolument que je vous raconte comment j'ai fait la connaissance de cette pratique qui m'avait toujours parue répugnante. C'était en 1975, la révolution agraire battait son plein et je l'avais passée dans une station expérimentale située à El Khroub dans la Wilaya de Constantine. Mon référent de stage qui est devenu par la suite mon maître s'appelait Si Mohamed El Bakhri, tunisien de nationalité, que Dieu ai son âme. Il était expert auprès de la F.A.O et il m'avait raconté une histoire dont la honte me poursuit encore de nos jours. Il avait commencé par me dire que nous « les Algériens », le paradoxe et l'ambigüité étaient nos compagnons de tous les jours. Il aurait pu citer d'autres qualificatifs qui auraient été plus adaptés à la situation et vous allez le comprendre. Avant d'être nommé à la F.A.O, il exerçait comme ingénieur au ministère de l'agriculture tunisienne. Un jour, il reçoit une instruction du ministre qui lui avait appris que « les frères algériens » cherchaient à acquérir sur le marché mondial un certain nombre de plants d'oliviers. Citons pour l'exemple 100.000 plants. Les Tunisiens avaient soumissionné et ont proposé un prix plancher, mettons 100 dinars le plant. Ils étaient certains qu'ils allaient décrocher le marché car à ce prix là on ne trouvait pas moins cher sur le marché mondial. Ils attendent un trimestre et voilà qu'ils sont contactés par une société française qui cherchait justement des plans d'oliviers. Nos voisins tunisiens étaient intrigués car les Français demandaient exactement le même nombre de plants que les Algériens… Ils se renseignent et apprennent qu'un missionnaire du ministère de l'agriculture algérienne avait séjourné à Paris, invité par la société française en question. Alors, ni une ni deux, ils proposent les plants aux Français, mais à 10 fois le prix, c'était 1000 dinars le plant et pas un sou de moins. Les Français acceptent et dans la semaine les plants sont expédiés à Paris. Ils apprennent quelque temps plus tard que les Algériens les avaient acquis auprès de la société française à 2000 dinars le plant !… Il fallait bien que « nos amis français » se servent au passage. Soit 20 fois plus que le prix proposé à la base. Bien sûr, les Tunisiens ont cherché à dénouer ce problème qui met l'éthique, la fraternité et toute notion de probité à mal… Et voilà comment cela s'était passé. Ils apprennent donc que le missionnaire algérien avait séjourné à Paris au frais de la princesse. Il avait été invité à une soirée par le PDG de la boîte lequel avait ramené avec lui ses proches collaborateurs et leurs épouses. Les présentations faites, l'épouse du PDG tape dans l'œil de notre missionnaire algérien. Et comme par hasard, en cours de soirée on appelle le PDG au téléphone qui s'excuse pour une affaire urgente et il s'éclipse. La soirée continue, les collaborateurs prennent congé et l'épouse du PDG s'attarde à table. Faisant semblant de tomber sous le charme de notre missionnaire, elle lui offre ce qu'elle a de mieux à offrir. Le lendemain, le contrat était signé. Juste une précision de taille : « l'épouse du PDG » était une cover-girl louée à 1000 francs la soirée !… Notre missionnaire a eu, par la suite, une carrière professionnelle époustouflante de grand commis de l'Etat en Algérie !… Badreddine BENYOUCEF, Nîmes France