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Projet de la loi de finances 2016 : L'oligarchie contre la société
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 29 - 11 - 2015

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. (Déclaration universelle des droits de l'homme)
En 2014, pour la première fois depuis des décennies, le montant des importations a dépassé celui des exportations, ces dernières étant constituées à 99 % des hydrocarbures et de leurs dérivées. En date du 08 novembre 2015 le ministre du commerce a affirmé que les opérations de surfacturation représentent environ 30% du montant des importations annuelles soit 20 milliards de dollars de transfert illicite de devises à l'étranger » et ce uniquement pour l'année 2014.
Et curieusement une grande partie des experts, occupés jusque-là à opérer des tirs croisés contre la baguette de pain et le sachet de lait subventionnés, se sont empressés à remettre en cause ces chiffres donnés par un ministre du commerce en exercice. Il est vrai que par sa déclaration, il a apporté une fausse note à la symphonie orchestrée contre les transferts sociaux et les subventions. Pourtant le montant estimé de ces transferts illicites (l'équivalent de 1 651 Mrds de Dinars) dépasse le montant total consacré aux transferts sociaux pour l'année 2014 (1 609 Mrds DA). Il représente même 7,73 fois le montant de la totalité des subventions aux prix des produits alimentaires tant décriées (213 Mrds de DA). Le ministre des finances veut rassurer en affirmant devant l'APN que « les réserves de change, de l'ordre de 121 milliards de dollars à fin 2016, couvriront largement les importations de l'Algérie pendant 23 mois« . Il n'a pas dit deux années ou trois années mais 23 mois car le premier argentier du pays n'improvise pas et a le sens de la précision puisqu'il nous dit « Nous avons une vision stratégique. Nous savons pertinemment quelles seraient les recettes de l'Algérie mois par mois jusqu'à 2019 ». Et 23 mois d'importations nous donnent un montant annuel de 63 milliards de DA soit un montant supérieur à celui enregistré pour 2014 (58,6 milliards de dollars).
le débat sur le projet de loi de finance 2016 aurait dû être l'occasion pour une évaluation sans complaisance de cette hémorragie et pourquoi il aura suffi de quelques mois de baisse des prix du pétrole pour mettre en évidence la fragilité des équilibres macro-économiques du pays malgré des recettes cumulées qui dépassent les mille milliards de dollars ces dernières 15 années. Pourquoi chercher puisque le bouc émissaire est vite trouvé ? Ce sont les dépenses sociales tirées par la boulimie l'algérien lambda qui « coute très cher » à l'état et qui doit se préparer à supporter le fardeau d'une austérité qui ne veut pas dire son nom.
Cette austérité a été inaugurée par la loi de finance complémentaire 2015, dictée par l'oligarchie, qui a décidé de financer ses cadeaux fiscaux par la population laborieuse puisque la rente pétrolière s'amenuisait avec la chute des prix du pétrole. Malgré la chute des revenus du pays, la LFC 2015 n'a pas manqué d'octroyer de nouveaux cadeaux fiscaux au patronat et aux riches. De nouvelles exonérations fiscales (TVA) et réductions des taux (IBS et des droits de douanes) avaient été décidées. Le taux d'imposition de l'impôt sur le patrimoine avait été relevé à 100 millions de DA (En 2013 ce seuil avait connu un premier relèvement de 30 MDA à 50 MDA). Une amnistie fiscale partielle appelée pudiquement « Mise en Conformité Fiscale Volontaire » avait été décidée pour les auteurs de malversations financières tandis que les fraudeurs de la sécurité sociale en défaut d'affiliation ou de paiement voyaient leurs pénalités effacées. Pourtant les dizaines de milliards de pénalités effacées, annoncées par la presse, ne se sont pas répercutées par des nouvelles affiliations à la SS selon les prévisions de clôture 2015 de la CNAS établies après l'échéance accordée aux fraudeurs. Mais le plus beau cadeau a été la réduction de 2 à 1 % du taux de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) qui, il faut le rappeler, constitue la ressource principale des budgets des collectivités locales. Et pour compenser le manque à gagner pour ces budgets suite à cette réduction on a décidé d'imposer d'avantage le pauvre citoyen y compris les smicards habitant les logements sociaux ou précaires : Augmentation des droits de timbres fiscaux pour tous les documents administratifs, augmentation de la taxe foncière, doublement des tarifs de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et augmentation des taux de la taxe d'habitation. Cette dernière taxe, en plus de sa hausse est dorénavant généralisée à toutes les communes (jusqu'à 2015 cette dernière était perçue uniquement dans les communes chefs-lieux de daïra pour les Wilaya autres que, Alger, Oran, Constantine et Annaba).
Avec le projet de loi de finance 2016 l'oligarchie passe à une vitesse supérieure dans le but de s'accaparer des richesses nationales quitte à ne laisser derrière elle que précarité, pauvreté et désolation.
1- En plus de reconduire toutes les mesures impopulaires de la LFC 2015, ce projet prévoit, à son tour, d'instaurer, au profit du patronat, d'autres réductions (taxe de publicité foncière) et exonérations fiscales (annulation de l'obligation de réinvestir une partie des bénéfices réalisés grâce aux avantages fiscaux. …)
2- Mais le plus grave nous vient de cette OPA sur le patrimoine public, qui vise la privatisation totale des entreprises publiques, l'annulation du droit de préemption, l'ouverture aux financements extérieurs, la remise en cause de la règle 51/49%, la main mise sur le foncier…). Ne dit-on pas que l'appétit vient en mangeant !
3- Et comme les prévisions ne semblent pas annoncer un relèvement des prix du pétrole on a décidé que c'est au pauvre citoyen de supporter le fardeau. Les prix de l'électricité, de l'eau et des carburants vont connaitre des augmentations. Ces augmentations toucheront de plein fouet 80 % de la population en érodant d'avantage son pouvoir d'achat déjà entamé par la dévaluation du dinar (- 40 % de sa valeur à ce jour). La dévaluation du dinar se répercutera sur les prix des produits de consommation au trois quart importés) et l'augmentation des prix énergétiques et de l'eau vont se répercuter sur le reste, plus particulièrement les produits agricoles et le transport.
La généralisation de la précarité guette 80 % de la population et non uniquement le premier quintile (les 20 % les plus démunis soit 8 millions) comme veulent nous le faire croire les décideurs et les experts néo libéraux. En Algérie le gouvernement lui-même a reconnu qu'il y a 12 millions de personnes à qui il arrive de ne pas trouver quoi manger ou faire manger leurs enfants en annonçant qu'en 2015 1.7 millions de ménages avaient bénéficié du couffin de ramadan (selon l'ONS 2014 un ménage, des premiers quintiles, est constitué de 7 personnes en moyenne). En réalité le nombre des démunis est supérieur à 12 millions car beaucoup de pauvres, par dignité, refusent de subir l'humiliation imposée par les procédés de distribution des couffins de ramadan. Le FCE lui-même a identifié 24 millions d'algériens (3.4 millions de ménages) démunis, soit 60 % de la population totale, dans son plaidoyer-catastrophe remis au 1er ministre le 27/07/2015. Dans ce plaidoyer le forum, confondant le montant total des « transfert sociaux (1 711 Mrds de dinars) » avec celui du « soutien aux prix alimentaires (225.5 Mrds de dinars) » propose de supprimer la totalité des transferts sociaux (soutiens à la santé, à l'éducation et aux démunis compris) en contrepartie d'une insignifiante allocation (de 20 à 46 DA par personne et par jour) à octroyer aux 3.4 millions de ménages ayant un revenu inférieur à une fois et demie le SNMG. En vérité ils sont plus que 24 millions car le FCE considère qu'avec un salaire supérieur à 1.5 fois le SNMG (30 000 DA/mois par exemple) on n'est pas démuni en Algérie. L'amère réalité nous dit que le taux des algériens qui vivent dans l'extrême pauvreté, la pauvreté ou la quasi-pauvreté dépasse 80 %. Les dispositions de ce PLF 2016 conjuguées aux effets de la dévaluation du dinar s'apprêtent à faire basculer dans la pauvreté ou la précarité les 4/5éme de la population. Autant dire que c'est la fracture sociale qu'on continue à vouloir provoquer à un moment où la nécessité de la construction d'un front intérieur est une nécessité de survie pour le pays afin de faire face à l'appétit vorace de l'impérialisme et à la montée du danger terroriste aux frontières et à l'intérieur du pays.
Au sujet des subventions de l'électricité et des carburants :
Il n'y a pas de consensus international autour des politiques de subvention énergétiques ni même sur leur définition. Ainsi les institutions au service des multinationales (FMI , IEA, OCDE, Banque mondiale) considèrent qu'est subvention « tout ce qui ne conduit pas les agents producteurs de combustibles à recevoir l'entièreté de la rente qui se fixe par rapport au prix international pour les énergies exportables, ce que contestent les économistes des pays exportateurs et de l'OPEP. Ceux-ci considèrent légitime de prendre le coût marginal de long terme interne comme benchmark, puisque cela relève d'un choix politique qui revient à faire bénéficier les consommateurs locaux de la rente, et non pas la compagnie pétrolière nationale et au-delà le budget public » (Voir IEA et al. 2010 cités par Dominique FINON). Pour le capital international la subvention à la production ne dérange pas pourvu qu'elle aille dans les coffres des multinationales mais la subvention à la consommation, en vigueur dans les pays producteurs, destinées à préserver le pouvoir d'achat des populations serait la cause de tous les malheurs de l'humanité et de l'environnement.
Tous les pays du monde ont recours aux subventions dans les différents domaines mais curieusement 90% des études, menées par ces institutions au niveau mondial, sont consacrées aux pays en voie de développement. Et bien sur ces études, reprises en chœur par certains de nos experts recommandent aux pays producteurs de supprimer ces subventions qui seraient la cause de la surconsommation de l'énergie, du réchauffement de la planète et des déséquilibres budgétaires. De plus ces subventions profiteraient 7 fois plus aux riches qu'aux pauvres.
Ainsi l'inondation du marché mondial par l'Arabie Saoudite (11, 505 millions de barils/jour en 2014, presque 2 fois son quota) qui fait chuter les prix du pétrole de 120 $ à 46 $/baril est encouragée par le capital international pour qui cette surproduction ne provoquerait ni surconsommation ni augmentation des gaz à effet de serre qui seraient plutôt l'œuvre du goinfre algérien qui gaspillerait l'énergie subventionnée et polluerait l'environnement.
Pourtant dans les tous les pays du monde les dépenses de consommation des ménages ne sont pas, dans leur totalité, supportées directement par ces derniers. Les dépenses de santé, d'éducation, de logement et de transport sont en partie plus ou moins importantes supportées par l'état ou la sécurité sociale. Cette prise en charge par la collectivité de la satisfaction d'une partie des besoins socio-économiques s'effectue par le biais de la redistribution fiscale et sociale. Elle prend la forme d'une subvention aux prix des produits à leur production ou consommation comme elle peut intervenir sous forme de prestations individuelles ou collectives prises en charge sur le budget de l'état ou de la sécurité sociale.
En Algérie, comme dans la majorité des pays en développement, les transferts sociaux et les subventions jouent un rôle important dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté. Ils représentent une composante majeure de la protection sociale des populations car les prix internationaux élevés pour la nourriture et l'énergie sont hors de portée des revenus de la population. Les salaires en Algérie sont très bas et, ce n'est un secret pour personne, l'impôt sur le revenu composé dans sa quasi-totalité par la contribution des salariés a, depuis 2011, dépassé l'impôt sur les sociétés. Les experts nous disent « C'est normal, dans tous les pays du monde l'impôt sur le revenu est supérieur à l'impôt sur les sociétés-dixit Mr Lamiri». Cette affirmation est vraie pour les pays développés pour la simple raison que la part des salaires dans le PIB y est partout supérieure à 50 % atteignant même 75 % pour certains d'entre eux alors que pour l'Algérie elle est à peine égale à 27,0% (calculée selon les données du ministère des finances 2014) alors qu'elle était de 34,7 % en 1993 . Même dans les pays voisins l'impôt sur les sociétés est supérieur à celui des salariés bien que le ratio salaires/PIB est supérieur à celui de l'Algérie et dépasse les 35 %.
Même avec les subventions les prix à la consommation ne sont pas aussi bas pour un algérien. Selon les statistiques françaises (UFC-Que choisir-2014) le prix d'un litre d'essence super à la pompe représentait le salaire moyen de moins de 05 minutes de travail pour un français alors qu'à la même année un algérien devait travailler 6 minutes 20 sec pour s'acheter un litre d'essence. Pour se procurer un litre de lait Il fallait 30 secondes de travail à un français contre 7 min à un algérien, 14 minutes à un français contre 40 min à un un algérien pour un litre d'huile, 5 min contre 6 heures 25 min pour un kg de viande de bœuf. Pour s'acheter une chaussure à bas prix il fallait 1 heure de travail à un français contre 10heures à un algérien et enfin pour consulter un médecin généraliste un français devait travailler 1 heures 24 min alors que l'algérien devait le faire pendant 5 heures.
Il n'est pas vrai de dire qu'il y a surconsommation en Algérie :
Certains experts nous répètent souvent que l'algérien est un goinfre coupable de surconsommation et de gaspillage mais évitent soigneusement de nous préciser leur référence et leurs normes et lorsqu'ils leur arrivent de donner des chiffres ils nous balancent souvent des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. Or que nous apprennent les chiffrent officiels ?
L'analyse de l'évolution de la part de la consommation des ménages dans le PIB en comparaison avec celle de l'Investissement met en évidence l'iniquité de la répartition des richesses en Algérie au profit du capital et au détriment des citoyens qui vivent de leur labeur. La part de la consommation des ménages était égale à 61,8 % en 1989 soit une valeur très proche de celles enregistrées dans les pays voisins et dans les pays de l'OCDE. Depuis 1990 et sous l'effet du programme d'ajustement structurel imposé par le FMI, ce ratio n'a cessé de diminué pour atteindre 51,6% en 1995, 41,6% en 2000 et 30,2% en 2008. A partir de 2009 et suite à la hausse relative des revenus salariaux elle a commencé à se redresser légèrement pour se situer à 36,4 % en 2014 mais sans jamais atteindre ses niveaux des années 1980. A titre de comparaison la part de la consommation des ménages dans les pays voisins ainsi que la moyenne observée dans tous les pays de l'OCDE a, depuis les années 1980 oscillé entre 60 % et 70 % du PIB. En 2013 elle était égale à 60,8% au Maroc, 68 % en Tunisie, 80,8% en Egypte et 61,8% en moyenne dans les pays de l'OCDE. Cette baisse de la consommation des ménages en Algérie s'est faite, bien sûr, au profit des entrepreneurs à travers la formation brute du capital fixe dont le ratio FBCF/PIB après avoir oscillé entre 20 et 25 % de 1989 à 2007 a explosé pour dépasser dès 2009 celui de la « consommation des ménages »/PIB (soit 36,7% contre 36,4% en 2014). Pourtant cette évolution de l'investissement ne s'est pas traduite, ces dernières années, par des taux de croissance économique en rapport avec ce ratio. Même exprimée en dollars 2005 constant (pour tenir compte de l'inflation) la consommation par an et par habitant des ménages en Algérie est inférieure à 1000 dollars alors qu'elle dépassait 1200 dollars durant la période 1981-1987.
L'enquête sur la consommation des ménages pour 2011 réalisée par l'ONS a mis en évidence que la part des dépenses globales pour l'alimentation a été de 41,78% en 2011 Mais une analyse par déciles permet d'affirmer que 80 % de la population (D1 à D8) consacrent plus de 50 % de leurs dépenses réelles (hors loyers fictifs) à l'alimentation (Ce coefficient budgétaire dépasse 60% pour les 30 % d'algériens les plus démunis contre 28 % seulement pour les plus aisés (D10)). Certains ont conclu hâtivement que les algériens sont des boulimiques qui ne pensent qu'à leur ventre (comprenez l'algérien lambda car les riches n'y consacrent que 28 %).
En 1857, le statisticien prussien Engel mettait en évidence que « plus une famille est pauvre, plus grande est la proportion de ses dépenses consacrée à l'alimentation « . Cette loi continue d'être pertinente aujourd'hui à tous les niveaux de développement et dans toutes les régions du monde. Elle met en évidence la pauvreté qui sévit en Algérie et les inégalités qui l'accompagnent comme l'illustrent les ratios ci-dessus mais aussi l'écart qui sépare le niveau de vie de l'algérien de celui d'un citoyen des pays de l'OCDE puisqu'en moyenne ce dernier ne consacre que 15 % à l'Alimentation.
En matière de consommation d'énergie les antis subventions ont recours parfois à la surenchère en guise d'arguments afin de frapper les esprits. Ils nous disent par exemple « qu'encouragée par les bas prix, la consommation énergétique de l'Algérie a triplé entre 2005 et 2014 » et « la consommation moyenne d'énergie de l'Algérien est le triple de la moyenne mondiale » – El watan du 05/10/2015- .
En réalité, entre 2005 et 2014 la consommation n'a augmenté que de 73 % et non 200 % (APRUE). En 2012, par habitant et par an un Algérien a utilisé, en moyenne 1 237 kg d'équivalent pétrole (kgep) d'énergie contre une moyenne mondiale de 1 898 kgep/hab et 4 182 kgep pour un citoyen des pays de l'OCDE. Même comparé aux citoyens de tous les pays exportateurs du pétrole du monde l'Algérien est celui qui consomme le moins d'énergie en comparaison avec le Libyen (2 729), l'Iranien (2 883), le Vénézuélien (2 558) et très nettement au-dessous de la consommation moyenne d'un résident des pays du Golf (supérieure à 6 000 kgep/hab dans chacun d'entre eux).(données banque mondiale 2015).
La même constatation peut être faite en matière de consommation d'électricité. En 2012, l'Algérien a consommé en moyenne, 1236 kwh contre une moyenne mondiale de 3 064 kwh par habitant (8 082 kwh/hab pour les pays de l'OCDE). Là aussi l'Algérien se retrouve dernier au classement en comparaison avec ce que consomment en moyenne les citoyens dans la totalité des pays exportateurs du pétrole. Cette consommation est de 2762 kwh/hab en Iran, 3413 au Vénézuéla et 4707 en Libye. Au même moment un citoyen des pays du golf a consommé entre 8 400 kwh/an (Arabie saoudite) et 16 000 kwh/hab (Qatar). Même en Tunisie (avec 1 411 kwh/hab/an) et en Egypte (1 700 kwh/hab), pays importateurs de pétrole et de gaz la consommation d'électricité par habitant a été supérieure à celle de l'Algérie. (BM-2015)
Même en termes de développement durable, en 2011 le taux d'émission de CO2 en Algérie (3.316 tm/hab) est largement inférieur à la moyenne mondiale observée (4.94 tm/hab) et à celui enregistré dans chacun des pays producteurs d'hydrocarbures. (BM-2015).
Au sujet des prix de l'électricité et des carburants
Comme noté plus haut tous les pays en voie de développement producteurs d'hydrocarbures subventionnent les prix de l'énergie en prenant comme référence le cout marginal de long terme afin de faire bénéficier leur population et non les multinationales ou les capitalistes locaux de la rente . C'est ce que veulent annuler les néo libéraux pour orienter ce différentiel vers le capital pudiquement désigné sous le vocable investissement même s'ils nous disent que ce différentiel pourra être orienté vers la santé et l'éducation. Pourtant, ne craignant nullement la contradiction les antis subventions, dès qu'on leur parle santé, nous assènent que les soins coutent très cher à l'état et qu'il appartient au citoyen de mettre la main à la poche ou que la quantité n'a pas donné de résultats dans l'éducation et qu'il faut cibler la qualité maintenant en instaurant une sélection par l'argent bien sûr.
Le FMI, La banque mondiale, les spécialistes locaux, certains politiques et le gouvernement pour justifier l'augmentation des prix de l'électricité et des carburants nous balancent que « tous les pays abandonnent les subventions, le Koweït les a supprimées, les émirats arabes ont fait de même ainsi que les USA. Or qu'en est-il en réalité ?
En octobre 2014 Le Koweït a triplé le prix du diesel et du kérosène, carburants qui sont très peu consommés en les portant de 19 cents de dollar à 59 cents par litre mais a maintenu intacte la subvention de l'électricité et de l'essence qui est le carburant le plus utilisé dont le prix à la pompe est toujours 0.22 cents de dollars le litre. A titre comparatif en 2014 le litre d'essence coutait 0.27 cents de dollars le litre. En Arabie Saoudite le litre d'essence coute s (0.16 cents de dollars) et au Venezuela 0.08 cents de dollar le litre.
Mais le plus important est que les «subventions d'énergie » représentent une très grande part dans le revenu des algériens comparativement à ces pays qui ont des salaires autrement plus élevées qu'en Algérie. L'Arabie Saoudite par exemple a dès le début de l'hiver arabe, que certains appellent printemps, décidé d'octroyer l'équivalent de deux mois de traitement à tous ses fonctionnaires qui bénéficiaient déjà de très haut salaires. Ce qui est le ca s de tous les pays du Golf.
Faut-il cibler les transferts sociaux ?
Le gouvernement a déclaré vouloir supprimer les transferts sociaux et les subventions en les remplaçant par des transferts ciblés en direction des démunis
Les sociologues suédois Walter Korpi et Joakim ont identifié ce qui est connu sous le vocable du paradoxe de la redistribution qui stipule que «plus les programmes sont ciblés vers les pauvres, plus leur qualité et leur taille s'amenuise, jusqu'à ne plus permettre de réduire véritablement la pauvreté et l'inégalité » (Korpi et Palme, 1998). Amartya Sen a noté pour sa part que «les bénéfices destinés exclusivement aux pauvres finissent souvent par être de pauvres bénéfices » (Sen, cité dans Mkandawire, 2005). Plusieurs études confirment que les mesures universalistes réduisent davantage la pauvreté que les programmes ciblant directement les pauvres, notamment parce que la taille du budget consacré aux mesures sociales n'est pas fixe (Pontusson, 2005 ; Mahler et Jesuit, 2006).
En 2012 un rapport de l'OCDE, organisme qui a pourtant toujours défendu le ciblage, notait que dans les pays ou les transferts ne sont pas universalistes mais ciblés « les inégalités du revenu disponible des ménages comme le taux de pauvreté sont nettement supérieurs à la moyenne de l'OCDE » (Inégalités de revenus et croissance : le rôle des impôts et des transferts-OCDE-2012.).
En 2014 l'OCDE, toujours, va plus loin en affirmant que « Lorsque les systèmes de transferts sociaux sont fortement ciblés, les baisses des dépenses sont davantage susceptibles de nuire aux plus démunis » (OCDE: panorama de la société 2014) et qu'au « Brésil les revenus du travail ont contribué pour 58% au recul des inégalités entre 2001 et 2011. Les transferts sociaux viennent en seconde position avec une contribution de 23 % tandis que les transferts monétaires conditionnels (transferts ciblés) y ont contribué pour 13 % ». (OCDE novembre 2014).
Comme on le voit le ciblage ne vise qu'à réduire la protection sociale et ne fera que creuser les inégalités et augmenter la pauvreté.
Mais où trouver l'argent pour financer le budget de l'état ?
Calculée sur la base du salaire national moyen du secteur privé (ONS 2014) le montant de l'évasion sociale pour l'année 2014 est estimée ainsi à 650 milliards de dinars soit pratiquement l'équivalent de la totalité des pensions de retraite servies par la CNR et la CASNOS cette année. La moitié de cette évasion relève du secteur privé formel.
En conclusion les députés de la présente APN resteront l'histoire quel que soit leur vote. Ils seront les représentants du peuple qui auront su dire non au bradage du patrimoine national tout en préservant la cohésion de la nation ou plutôt ceux qui ont légalisé ce bradage avec toutes ses conséquences annoncées.
Alger le 27 novembre 2015
Nouredine BOUDERBA
[email protected]


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