L'obligation faite aux sociétés étrangères d'importation d'avoir un partenaire algérien détenant au moins 30 % du capital est à la fois rétroactive et non rétroactive. Un paradoxe algérien ? Chérif Bennaceur – Alger (Le Soir) – Les sociétés étrangères d'importation pour la revente en l'état, déjà installées ou en voie de l'être, sont confrontées à un véritable dilemme. Ces sociétés sont tenues, par une instruction du Premier ministre, datant de décembre 2008, et un décret exécutif publié le 20 mai 2009, d'avoir un partenaire algérien dans leur capital à au moins 30%. Une obligation qui concerne tant les nouvelles sociétés que celles déjà en activité, avec effet rétroactif pour les secondes. Ces sociétés sont tenues de se conformer à cette obligation avant la fin de l'année. Une mesure accueillie avec scepticisme, voire de manière hostile par l'establishment économique et diplomatique étranger, contraint pourtant de s'y adapter et de s'y conformer. Cela même si le discours gouvernemental a affiché, un temps, une certaine ambiguïté au sujet de cette rétroactivité. Or, cette dernière semble être remise en cause par les dispositions de la loi de finances complémentaire pour 2009, promulguée par voie d'ordonnance n°09-01 et en vigueur depuis le 26 juillet. En effet, cette loi ne retient pas le principe de la rétroactivité et n'impose l'obligation que pour les sociétés créées après le 26 juillet 2009. En partant du principe juridique qu'une loi ne peut être applicable rétroactivement sauf si précisé. Une remise en cause interprétée comme un recul gouvernemental, l'expression d'une gestion chaotique des affaires économiques ou la volonté de combler le flou. De surcroît, l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers avise que «toutes les domiciliations opérées à partir du 30 juillet 2009 devront se conformer strictement aux dispositions de la loi de finances complémentaire 2009». Adressée, à titre urgent, aux responsables des banques et établissements financiers, cet avis confirme donc l'effet non rétroactif de la note. Mais un flou qui perdure et s'aggrave avec la complicité avancée de la Banque d'Algérie. L'autorité bancaire, dans une note qui aurait été envoyée à des banques et dont un site d'informations fait état, confirmerait l'effet rétroactif de l'obligation. Cela même si la place bancaire nationale semble ne pas connaître cette note. Or, la Banque d'Algérie, dans sa note, interdirait à toutes personnes physiques étrangères et sociétés constituées intégralement de capitaux étrangers ou majoritairement de procéder à des opérations d'importation. En d'autres termes, la Banque d'Algérie considère, selon une lecture primaire, que toutes les sociétés, anciennes ou nouvelles, sont sujettes à cette obligation. Si la norme stipule que tout texte de loi prime sur un texte réglementaire, fut-il émanant d'une institution comme la Banque d'Algérie, cette norme est-elle respectée en Algérie ? Non. Le décret exécutif et la note de l'autorité bancaire priment tout autant que la disposition de la loi de finances complémentaire. En d'autres termes, l'obligation pour les sociétés étrangères d'importation d'avoir un partenaire algérien à au moins 30% de leur capital est rétroactive et est non rétroactive en même temps. Un paradoxe ? Une contradiction ? Non. Les textes réglementaires et la loi, quelque peu antinomiques, sont applicables en même temps. Explication : la loi complémentaire ne contient aucune disposition qui abroge et déclare nul et non avenu tout dispositif législatif ou réglementaire pris antérieurement. Ce qui implique que le décret exécutif reste en vigueur tant qu'il n'a pas été abrogé ou complété par un autre texte. Mais aussi que la Banque d'Algérie est dans son droit d'émettre cette note et de se baser sur un texte en vigueur (le décret exécutif) pour préciser cette rétroactivité. Face à cette contradiction, le gouvernement, encore en congé estival, doit œuvrer à clarifier la situation, d'autant que le risque de discrédit pour l'image du pays reste patent et que le flou perdure pour l'ensemble des sociétés concernées. Notamment les sociétés concessionnaires automobiles dont certaines «prennent acte» de la note de la Banque d'Algérie et s'«engagent à s'y confirmer ». Néanmoins, ces opérateurs affirment être «surpris» par cette contradiction apparente entre les déclarations d'un cadre du ministère des Finances et la teneur de cette note de la Banque d'Algérie. C. B. – Ordonnance n° 09-01 du 22 juillet 2009 portant loi de finances complémentaire pour 2009 : Art. 58 : (...) Les activités de commerce extérieur ne peuvent être exercées par des personnes physiques ou morales étrangères que dans le cadre d'un partenariat dont l'actionnariat national résident est égal au moins à 30% du capital social. – Décret exécutif n°09-181 du 12 mai 2009, publié au Journal officiel n° 30 du 20 mai 2009 fixant les conditions d'exercice des activités d'importation des matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l'état par les sociétés commerciales dont les associés ou les actionnaires sont des étrangers : toute société commerciale dont les associés ou les actionnaires sont des étrangers ne peuvent, dorénavant, exercer les activités d'importation de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l'état que si 30% au minimum de leur capital social est détenu par des personnes physiques de nationalité algérienne ou par des personnes morales dont l'ensemble des associés ou actionnaires, sont de nationalité algérienne. Les sociétés commerciales soumises à ce nouveau dispositif et déjà inscrites au registre du commerce doivent procéder avant le 31 décembre 2009, à la modification de leurs statuts et de leurs registres du commerce à l'effet de les mettre en conformité avec les nouvelles dispositions. A l'expiration de ce délai (31 décembre 2009), les registres du commerce non-conformes, des sociétés concernées seront sans effet pour l'exercice des activités susmentionnées. C. B.