En 62, une seule chose préoccupait les dirigeants, c'était qui allait occuper la première place ? Personnellement, je fais porter la responsabilité la plus entière à M. Ben Bella qui, à tripoli, a rompu le consensus national. Pendant toute la guerre, il y avait eu compétition entre les chefs mais les dirigeants qui étaient à l'extérieur n'ont jamais dépassé une certaine limite, à partir de laquelle, on aurait basculé dans le chaos et l'anarchie. Le reflexe nationaliste leur avait permis de préserver une certaine homogénéité de la direction, un certain consensus qui a fait qu'ils ont pu amener le navire à bon port. Mais une fois le navire rentré au port, là il y a eu la bataille, et Ben Bella dans la mesure où il a servit de couverture aux ambitions des gens de l'Etat-major, a créé la situation que nous connaissons depuis. Depuis 62, tous ceux qui se sont succédés à la tête de l'Etat, – ils ne sont pas nombreux, ils sont trois – l'ont fait au moins au nom de l'armée qui a dirigé, le FLN pour moi n'était qu'un théâtre d'ombres dont les acteurs étaient bien réels, eux, ont tiré avantage de la situation. Mais, ce n'est pas le FLN qui dirigeait, ceux qui dirigeaient, le faisaient au nom de l'armée et ça continue. Dr Lamine Khene. Ancien officier de l'ALN wilaya 2 Interview « Le Jeudi d'Algérie » du 28 mai 1992.