LE MONDE | 21.11.09 | 14h05 • Mis à jour le 21.11.09 | 14h41 Connaîtra-t-on un jour la vérité sur l'assassinat des moines de Tibéhirine, il y a plus de treize ans, en Algérie ? L'affaire, trouble à souhait, nimbée de raison d'Etat, pourrait enfin s'éclaircir si les autorités françaises levaient tous les obstacles auxquels la justice se heurte depuis cinq ans. Un pas qu'on espère décisif a été franchi vendredi 20 novembre par la Commission consultative du secret de la défense nationale. Elle propose la « déclassification », c'est-à-dire la communication aux autorités judiciaires, d'une centaine de documents relatifs à cette affaire, mais pas tous. Juridiquement, ce n'est qu'un avis, mais, par le passé, les pouvoirs publics ont toujours acquiescé. En mars 1996, sept religieux français, des cisterciens, étaient enlevés dans leur monastère isolé de Notre-Dame-de-l'Atlas, près de Médéa, une région d'Algérie en proie à la violence terroriste. Deux mois plus tard, un communiqué du Groupe islamique armé, le GIA, annonçait leur exécution. Ni leurs familles ni l'ordre des cisterciens ne se sont jamais satisfaits de l'explication donnée d'une même voix par Alger et Paris. A savoir que le GIA et lui seul était coupable de ces assassinats. En février 2004, finalement, une information judiciaire était ouverte dans la capitale française, sur l'insistance en particulier du Père Armand Veilleux, ancien procureur général de l'ordre des cisterciens. Confiée au juge Marc Trévidic, cette information sort aujourd'hui de l'ornière où l'avait embourbée le précédent magistrat instructeur, Jean-Louis Bruguière. Les notes et correspondances diplomatiques en voie de « déclassification » montrent que, dès l'origine, les autorités françaises ont mis en doute la thèse d'Alger. Elles soupçonnaient que la Sécurité militaire du pays entretenait des rapports troubles avec le chef du GIA, Djamel Zitouni, sinon qu'elle le manipulait. Enfin la vérité se dévoile. Elle n'est pas à l'honneur des autorités françaises, qui doutaient mais se taisaient. Elle est plus embarrassante encore pour le pouvoir algérien, qui a toujours nié une quelconque accointance entre ses services et les terroristes islamistes. Mais ce dévoilement n'est qu'un premier pas. Certains documents estampillés « secret défense » dorment toujours dans les coffres de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le contre-espionnage français. La Commission consultative suggère leur « déclassification » partielle. Il faudrait au contraire qu'ils soient versés au dossier dans leur intégralité, car ce sont probablement les plus instructifs.