Les Cubains élisaient hier le Parlement dont sera issu le successeur du Président Raul Castro, un remplacement historique prévu le mois prochain dans la grande île caribéenne. Le processus singulier de ces élections générales se répète tous les cinq ans. Un total de 605 candidats ont été investis pour autant de sièges de députés, mais ils doivent tout de même être élus par les huit millions d'électeurs âgés de plus de 16 ans. Ces élections générales — qui permettront également de confirmer 1.265 délégués provinciaux — sont les premières à se tenir depuis le décès, survenu fin 2016, du père de la révolution cubaine Fidel Castro. Mais elles constituent surtout une étape cruciale vers la fin de près de 60 années de pouvoir des frères Castro. Le 16 avril, les députés élus ce dimanche désigneront parmi eux les membres du Conseil d'Etat, organe exécutif suprême, qui nommera dans la foulée le successeur de Raul Castro, 86 ans, décidé à passer la main 12 ans après avoir succédé à son frère aîné. «Ils nous disent que Raul quitte la présidence, et qu'un plus jeune va prendre sa place. C'est logique, mais Raul ne s'en va pas, Raul va toujours rester avec nous, comme Fidel», affirme Raul Garcia, retraité de 79 ans qui a accompli son devoir électoral à La Havane dès l'ouverture du vote vers 7h. Dans l'attente d'une éventuelle confirmation ces prochaines semaines, c'est le premier vice-président et numéro deux du gouvernement, Miguel Diaz-Canel, 57 ans, qui semble le mieux placé pour assumer les plus hautes fonctions au Conseil d'Etat cubain. S'il est désigné, cet apparatchik né après la révolution devra asseoir son autorité, consolider les bases du régime et poursuivre l'indispensable «actualisation» du modèle économique de l'île esquissée par le cadet des Castro. Des charges lourdes pour un ingénieur de formation au profil plutôt discret. Dans le Cuba d'aujourd'hui, «le problème de l'absence d'un leader charismatique devient exacerbé (...) l'usure de l'absence de décollage économique sans l'espoir de la rhétorique captivante de Fidel Castro se ressent», prévient l'expert cubain Arturo Lopez-Levy, professeur à l'Université Quelques heures avant le scrutin, le gouvernement cubain a rappelé que le régime castriste survivrait à ce changement générationnel. «Le prochain Président, s'il ne porte pas le nom Castro, sera sans aucun doute un fils de la révolution (...) formé en son sein, et il continuera de la faire avancer avec le peuple de Cuba», a affirmé dans un tweet le ministère des Affaires étrangères. De son côté, Raul Castro continuera de veiller sur le pays, puisqu'il restera à la tête du tout puissant Parti communiste de Cuba (PCC) jusqu'au prochain congrès prévu pour 2021, l'année de ses 90 ans. En Floride, plusieurs parlementaires anti-castristes, dont le sénateur Marco Rubio, ont pris les devants samedi pour demander au Président Donald Trump, déjà en froid avec La Havane, de «considérer le successeur de Castro comme illégitime face à l'absence d'élections libres, justes et multipartites» sur l'île. Au terme de ce scrutin dont les chiffres complets seront connus aujourd'hui, l'Assemblée nationale sera renouvelée à plus de 50%, puisque 338 députés étrenneront leur siège. Mais la plupart des caciques du PCC et du gouvernement doivent conserver leurs mandats. A Cuba, la participation aux élections avoisine habituellement les 90%. Le vote n'est pas obligatoire mais il est vivement encouragé par les autorités. Fait notable, la présence des femmes sera encore accrue et atteindra cette fois 53% des députés. L'île fait déjà partie des champions mondiaux en la matière avec 48% de députées dans l'actuelle législature.