Depuis une semaine, et à l'occasion du double anniversaire du printemps berbère 1980 et du printemps noir 2001, plusieurs communes de la wilaya de Bouira ont concocté, en coordination avec des associations locales, des programmes riches et variés à la hauteur de l'événement, surtout après les dernières décisions prises par le pouvoir de décréter Yennayer comme fête nationale, et la création d'une Académie de tamazight. Ainsi, que ce soit à Bouira, au chef-lieu de wilaya où la maison de la culture Ali-Zamoum a tracé un riche programme qui s'est étalé du 15 avril jusqu'à ce samedi, ou encore dans des autres communes comme Haïzer, Taghzout, El Esnam, M'chédallah, Saharidj, Chorfa, Ath Mansour, Aghbalou, etc. des dizaines d'activités ont été initiées dans les chefs-lieux de ces communes mais aussi dans les villages, comme cela s'est vu à M'chédallah, où des grands villages à l'instar de Raffour, Ath Yevrahim, Ivelvaren et Ath Yekhlef, se sont mis de la partie comme pour rappeler que la consécration du combat pour tamazight est également et avant tout, l'œuvre de villages et leurs habitants ; ou encore à Taghzout avec le village Tassala, où le 20 avril est fêté comme il se doit avec des conférences, des troupes folkloriques et des galas. Ainsi, pendant plusieurs jours, des conférences fort intéressantes sont animées, à l'image de celles organisées au niveau de la maison de la culture Ali-Zamoum, sur la production audiovisuelle en tamazight et son rôle dans l'épanouissement de tamazight, une conférence animée par Ali Mouzaoui, l'un des pionniers de la production dans ce domaine en tamazight ; Tamazight, de la conscience identitaire vers la valorisation de l'universitaire Berdous Nadia, Tamazight et le défi de l'avenir de l'écrivain et éditeur Brahim Tazaghart ; etc. A Haïzer, à Chorfa ou encore à M'chédallah et à Ath Mansour, des conférenciers comme Ali Brahimi, l'un des militants infatigables et acteur du printemps amazigh 1980 et l'un des 24 détenus, M'hand Amarouche, autre militant de la première heure et l'un des acteurs d'avril 1980, certains militants de la cause à l'échelle de la wilaya , très connus pour leur engagement à l'image de Brahim Bahmed, enseignant en tamazight, ou encore Slimane Chabane, ex-inspecteur de tamazight et cadre du HCA, des cadres du RCD comme Lila Hadj Arab, sont tous invités à parler de cet événement, de l'histoire et du cheminement du combat pour tamazight depuis la clandestinité et les années de plomb où tamazight et son alphabet que ce soit en caractères latins ou en tifinagh, s'échangeaient sous le manteau de peur d'être pris en flagrant délit et d'être arrêtés avec condamnation immédiate pour atteinte à la sûreté de l'Etat, comme ce fut le cas pour les 24 détenus d'avril 1980, ou encore certains militants avant eux, comme Haroun Mohand , Kaci Lounès, et d'autres encore, tous condamnés pour avoir revendiqué leur identité amazighe. Pendant une semaine, dans des communes, au niveau des places publiques ou dans les centres culturels et dans les établissements scolaires, à l'université Akli-Mohand-Oulhadj, à la maison de la culture Ali-Zamoum et à la maison de jeunes M'hamed-Issiakhem de Bouira, des expositions retraçant le parcours de tamazight, qui est aujourd'hui reconnue comme langue nationale et officielle, sont mis en exergue avec des photos de marches de chaque 20 avril depuis 1981 jusqu'à il y a quelques années seulement, des photos de marches, mais également et surtout des photos de martyrs du printemps noir ; les 127 martyrs tombés sous les balles des gendarmes qui avaient usé et abusé pendant plusieurs semaines de balles réelles face à des manifestants aux mains nues, sortis dans les rues de la Kabylie pour revendiquer haut et fort leur identité millénaire que le pouvoir algérien de l'époque a sciemment mis au placard pour ne pas dire essayé d'effacer. Des images de jeunes innocents partis à la fleur de l'âge pour que vive tamazight ; mais avant eux déjà, d'autres martyrs qui se sont sacrifiés pour tamazight, étaient partis comme Matoub Lounès, l'un des chantres de la culture amazighe, qui fut assassiné en 1998 par des terroristes, ou encore avant lui Dda L Mouloud Mammeri, Mohand Haroun, Kamel Amzal, et plus loin encore, Laïmeche Ali, Benaï Ouali et Amar Ould Hamouda ; et bien avant eux, Saïd Boulifa, Si Mohand Ou M'hand ; bien sûr sans oublier des écrivains comme Kateb Yacine ou encore Mouloud Feraoun qui perpétua les poèmes de Si Mohand Ou M'hand ; des chanteurs comme Slimane Azem, Cherif Kheddam, Idir, Lounis Aït Meguellat, Taos Amrouche, et tant d'autres hommes et femmes de cette fière Kabylie qui ont, chacun à sa manière, œuvré pour perpétuer cette langue qui a survécu à toutes les invasions, à toutes les persécutions et tous les coups bas. Tous ces militants sont rappelés à la mémoire collective cette semaine soit à travers des photos dans les expositions, soit lors des conférences. Aussi, il n'est pas faux de dire que cette semaine culturelle, qui se tient chaque année à l'occasion du 20 avril dans la majorité des coins de cette Kabylie, est dédiée pour eux ; leurs noms reviennent dans chaque bouche des conférenciers qui, en évoquant le volet artistique et de la chanson dans le combat pour tamazight, qui en évoquant le volet écriture et production romanesque, et d'autres encore pour évoquer leur engagement physique et moral pour tamazight. D'ailleurs, à Bouira, et à l'occasion, un hommage appuyé est rendu à l'un des militants de la cause ; l'un des deux détenus d'avril 1980 issus de la wilaya de Bouira, Boukrif Salah en l'occurrence, terrassé par une crise d'asthme en 2005 à Alger, 6 jours après avoir participé comme il le faisait chaque année, à la traditionnelle marche du 20 avril à Bouira. Des hommages qui sont rendus par l'association «Tidukla» de M'chédallah, ainsi que par la wilaya de Bouira au niveau de la maison de la culture Ali-Zamoum où une conférence témoignage de deux des anciens compagnons de lutte du défunt : Ali Brahimi et M'hand Amarouche, sera animée aujourd'hui, après le dépôt de gerbe de fleurs sur la tombe du défunt Boukrif Salah, hier au cimetière de la famille, situé dans le village Ath Yevrahim dans la commune de M'chédallah. Signalons que contrairement aux années précédentes où des marches étaient organisées par des militants du MCB comme pour perpétuer cette action qui était organisée même pendant les années noires du terrorisme, et depuis 1980 ; cette année, aucun appel n'a été fait pour la circonstance. Même les étudiants de l'université Akli-Mohand-Oulhadj, et apparemment pour éviter que le scénario de décembre dernier ne se reproduise, ont préféré organiser des activités à l'intérieur des campus dans le calme. Yazid Yahiaoui