L'élection d'une jeune fille originaire d'Adrar comme Miss Algérie a donné lieu à une flopée de réactions dont les plus scandaleuses sont celles qui portent en elles des allusions à la couleur de sa peau ou à la région dont elle est issue. Comme dans toutes les situations de ce genre, la passion a fait oublier l'information. Dans la profusion de commentaires que cela a suscités, il est en effet difficile de retrouver les propos qui ont soulevé l'indignation de beaucoup de monde à travers les réseaux sociaux. Ce n'est pas pour autant qu'on devrait douter de leur existence. D'abord parce que le racisme ordinaire, on allait dire… «populaire», n'est pas une vue de l'esprit. Ensuite parce que le support médiatique qui a révélé le fait est difficilement maîtrisable du fait que les publications disparaissent aussi rapidement qu'elles ont été mises en ligne. Si des Algériens ont été outrés à ce point et dans ces proportions, c'est qu'ils n'ont pas inventé ça pour se faire plaisir. Dans la foulée de la «polémique», on retrouve, tout seigneur, tout honneur, les «arrondisseurs» d'ongles patentés dont la disponibilité à aller chercher des circonstances atténuantes à l'horreur est décidément infaillible. Pour ceux-là, il y aurait donc toujours un seuil tolérable à la discrimination raciale, comme ils disaient il y a des années que l'assassinat terroriste était… injuste quand la victime du jour n'était «ni un policier ni un militaire» ! Dans le cas du jour, ils nous sortent même l'histoire des… goûts et des couleurs qui ne se discutent pas, quand ils ne suggèrent pas carrément que le régionalisme est un fait anodin qu'il ne faut pas assimiler au racisme ! Un peu comme le propos antisémite n'irrite plus grand monde, au point de devenir une «opinion» tout à fait respectable. Dans cette histoire tout de même honteuse, on aura également remarqué le silence radio de l'autorité publique. A la décharge de nos gouvernants, ils ne nous ont pas habitués à des réactions outragées, encore moins coercitives, dans ce genre de circonstances. Sinon, ils l'auraient fait il y a longtemps, quand une vénérable personnalité du foot avait parlé de «nègres» en parlant de la morphologie des joueurs africains. On avait trouvé ça «normal». Tellement normal que deux décennies après, «jouer dans la jungle africaine» est devenu une formule de haute volée que les commentateurs sportifs affectionnent particulièrement. Au fait, a-t-on déjà vu un Algérien condamné ou même poursuivi pour comportement ou propos racistes ? Les choses étant ce qu'elles sont, cet épisode de Miss Adrar élue Miss Algérie aura quand même servi à quelque chose, si tant est que l'horreur puisse être utile. Elle a quand même révélé qu'il y a encore beaucoup d'Algériens qui appellent les choses par leur nom, s'indignent sur ces questions et le disent clairement. S. L.