Nous ne citerons pas le nom de cet homme dont le patronyme est celui d'une célèbre marque mondiale. Nous dirons donc Monsieur G. Invité sur France 2, il y a une semaine, M. G., homme de grand raffinement, créateur émérite de parfums qui ont fait le tour du monde, descendant d'une lignée laborieuse et inventive, en fait de la plus ancienne maison de parfumeurs de France, 1828 s'il vous plaît, ce M. G. donc, élégant, propre sur lui-même, très vieille France, avenant et tout et tout, n'a pas trouvé mieux que de dire : «J'ai travaillé comme un nègre, je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin…». Depuis, il s'est excusé, tandis que la maison G. a jugé inadmissibles ses propos et souligné qu'il n'y était plus associé ni employé et que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a tapé sur les doigts de France Télévision. La plus belle réaction est venue de la belle Audrey Pulvar, présentatrice de JT, dans une lettre ouverte (Nègre je suis, négre je resterai) qui s'est avérée un petit chef d'œuvre de littérature pamphlétaire et épistolaire, montrant qu'elle n'avait pas qu'un minois et une voix, mais des principes et du talent. «L'Arabe menteur, écrit-elle, l'Arabe voleur, le Chinois travailleur mais sale, le juif cupide, la Française sexuellement libre, le latino chaud lapin, la négresse panthère, la négresse lascive, le nègre danseur, le nègre rieur, le nègre footballeur, le nègre paresseux… strike ! En cherchant un peu, on pourrait en trouver d'autres, des idées à fournir à monsieur (…) pour son petit précis de clichés racistes». Mais ce qui l'a davantage sidérée, c'est le silence qui a suivi ces propos. A part une ministre, celle de l'économie d'ailleurs, elle constatait lundi dernier, qu'en France, excepté les associations, «on peut donc prononcer des paroles racistes à une heure de grande écoute, sur un média national sans qu'aucune grande voix, politique, intellectuelle ou artistique ne s'en émeuve.» Elle rappelle «la dépouille des millions de morts, à fond de cale, à fond d'océan, déportés de leur terre natale vers le nouveau monde. Ces millions de personnes asservies, avilies, déshumanisées, pendant quatre siècles, réduites au rang de bras et de mains destinées aux champs de coton, aux champs de canne, à la morsure du fouet ou celle du molosse, tous ces esclaves, vendus comme une force de... travail !» Elle conclut par des vers magnifiques de Aimé Césaire, soulignant que le poète, un jour insulté, avait simplement répondu «Eh bien, le nègre, il t'emmerde !» Ce qui prouve que, parfois, la poésie ne peut plus rien dire ! Le racisme est un mélange de haine et de profonde bêtise. M. G. le prouve bien en étalant son inculture, car d'où croit-il que viennent la plupart des huiles essentielles et des arômes, pompés du pauvre monde où des Noirs, des Jaunes, des Rouges et aussi des Blancs bronzés triment comme des esclaves modernes pour que des beaux et belles sentent un peu bon ?