Les étudiants ont marché hier, à Alger. Malgré les vacances universitaires avancées qu'ils leur ont été imposées du jour au lendemain, ils étaient nombreux à répondre à l'appel lancé sur les réseaux sociaux. Munis de nouveaux slogans, ils ont exprimé leur rejet aux décisions annoncées la veille par Abdelaziz Bouteflika et scandé le départ du pouvoir en place. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Hier encore, les étudiants ont investi la rue dans la capitale. Via les réseaux sociaux, ils se sont donné rendez-vous à dix heures à la Grande-Poste à Alger-Centre pour dire non aux annonces faites la veille par Abdelaziz Bouteflika. Dès neuf heures, des groupes d'étudiants commencent à affluer vers le lieu du rendez-vous. Venus de plusieurs universités de la capitale mais aussi de celles de la wilaya de Blida, au sud d'Alger, les étudiants ont pris d'assaut les nombreuses marches de la Grande-Poste, tous les trottoirs des alentours mais aussi le jardin Khemisti qui fait face à la Grande-Poste. Ils attendent tous l'heure convenue pour le début de leur marche. Les rumeurs ayant annoncé une marche arrière du ministère de l'Enseignement supérieur au sujet des vacances universitaires se sont avérées fausses. Tous les étudiants qui sont sortis hier ont démenti le retour à l'ancien calendrier des vacances. Rhéda, Moucef et Khouloud sont arrivés de Blida à bord du train dont le départ était prévu à 8h et qui a finalement fait un retard d'une demi-heure. «Nous sommes venus manifester contre le pouvoir et ce système», s'accordent à dire les trois cousins. Et à Khouloud de renchérir : «Nous voulons le changement radical de tout ce système, ce n'est pas à eux de décider à notre place !» Etudiant à l'Université Saâd-Dahleb de Soumaâ à Blida, Rédha affirme que les étudiants continuent à s'y rendre même si les cours ne sont pas dispensés. «Les professeurs ont refusé de signer les P-V de sortie. Ils ont rejeté le nouveau calendrier et maintiennent celui qui prévoit les vacances universitaires pour le 21 mars prochain. D'ailleurs, dimanche dernier, les profs de génie civil et ceux d'architecture ont observé un rassemblement devant le rectorat», dit-il. Pour lui, la décision du ministre du secteur d'avancer les vacances universitaires de 15 jours est «anti-pédagogique». A travers cette décision, poursuit-il, «il voulait contenir les manifestations des étudiants et étouffer leur voix». Rédha assure, en outre, qu'à Blida et à Ouled Fayet, les cités universitaires ont fermé leurs portes devant les étudiants résidents. Résultat : «Des centaines d'étudiants et étudiantes ont passé la nuit de samedi dernier dans les gares routières pour rentrer chez eux», témoigne-t-il. Dix heures tapantes, la manif commence. Des milliers d'étudiants progressent doucement mais sûrement vers la place Maurice-Audin. Le drapeau algérien est omniprésent. Même l'emblème amazigh est de la partie. Les manifestants scandent des slogans actualisés contre le pouvoir en place et surtout contre les décisions prises par Bouteflika pour l'annulation de la prochaine élection présidentielle et la prolongation de son mandat. De la Grande-Poste vers la place Maurice-Audin, empruntant le tunnel des Facultés puis la rue Pasteur, les étudiants débouchent une nouvelle fois sur la Grande-Poste avant de recommencer le même parcours. Au fil du temps, les rangs des manifestants grossissent. Drapée du drapeau national, Ikram, étudiante en master génie de raffinage à l'USTHB, ne cesse de scander des slogans contre le pouvoir en place. «Nous voulons dire non à la décision de Bouteflika. Nous ne voulons pas de prolongation de mandat. Que tout le gouvernement parte. Les changements effectués avec les mêmes personnes au pouvoir ne régleront rien», dit-elle. Mêmes revendications chez Chamseddine et Seïfeddine. Etudiants à la Fac centrale Ben-Youcef-Benkheda, ils affichent leur mécontentement quant à la prolongation du mandat actuel du président de la République. «Ils ont peur des étudiants alors ils nous ont imposé des vacances anticipées d'un mois mais nous n'allons pas nous taire», dira Chamseddine avant d'ajouter : «Nous sommes l'avenir. Nous voulons le départ de toute cette mafia au pouvoir, pas uniquement Bouteflika car ce n'est pas lui qui gère le pays. Nous voulons construire une nouvelle Algérie.» En dépit des vacances imposées, Riane et Maria, toutes les deux étudiantes à l'USTHB, ont tenu à prendre part à la manifestation des étudiants de ce mardi 12 mars. «Nous ne sommes pas seulement contre le 5e mandat, nous sommes contre tout ce système. Nous voulons le changement», dira Riane, en brandissant une pancarte. Comme à chaque manifestation dans la capitale, la marche des étudiants s'est déroulée, elle aussi, sous une présence policière importante. Les policiers antiémeutes sont alignés sur tout le long du parcours des manifestants. L'accès au boulevard Mohammed-V est , par contre, barricadé par un double cordon de policiers. Objectif : empêcher les manifestants d'aller vers le Palais de la présidence à El-Mouradia. Durant toute la journée, un hélicoptère de la police n'a pas cessé de survoler les lieux. Nouveaux slogans et improvisations Preuve d'ingéniosité et de créativité, les étudiants ont actualisé, en quelques heures, les anciens slogans et créé également de nouveaux. «Dégagez tous, pas de mandat 4++», «Vous avez parasité le peuple», «Madzidch dqiqa ya Bouteflika» (Vous ne resterez pas une minute de plus Bouteflika), «Non à la violation de la Constitution», «Pas de prolongation, système dégage», «Vous ne pouvez pas neutraliser l'étudiant, il sera toujours là », «Pour un formatage du système, contre une mise à jour », «Not sure if Algeria or Bollywood » (On n'est pas sûr si c'est l'Algérie ou bien c'est Bollywood), «Non à une période de transition conduite par le clan», sont autant de slogans brandis, hier, par les manifestants. Autre innovation : des post-it accrochés à la place Maurice-Audin, sur lesquels les étudiants ont inscrit des propositions, des slogans et des idées. En quelques minutes, le mur adjacent au tunnel des Facultés était orné de dizaines de bouts de papiers multicolores fluorescents. «Pour un changement radical et pacifique du système. Algérie libre et démocratique», «Notre histoire on l'écrit nous-mêmes», «Libérez l'Algérie», «Out, l'Algérie c'est au peuple», «On a enlevé le cadre, restent les clous», «Non à la prolongation, dégagez !», telles sont quelques idées notées et collées par les manifestants. Ry. N.