Le Président de la Cour pénale internationale (CPI), visée par une attaque d'une virulence inédite par Washington, a appelé les Etats-Unis à soutenir la Cour et à adhérer à son traité fondateur, le Statut de Rome. «Les victimes passées, présentes et à venir de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre en ont besoin. Et c'est avec tout le sens de la responsabilité que j'appelle directement les dirigeants des Etats-Unis à apporter ce soutien à la CPI», a déclaré dans un communiqué publié hier son juge président, Chile Eboe-Osuji. La CPI, dont Washington n'est pas membre, est une juridiction internationale chargée de juger les crimes de guerre et contre l'humanité. Le Président de la Cour était à Washington vendredi pour la réunion annuelle de la Société américaine de droit international (American Society of International Law). M. Eboe-Osuji a appelé les Etats-Unis à «se joindre à ses plus proches alliés et amis à la table du Statut de Rome» et à soutenir la CPI «dont les valeurs et les objectifs sont tout à fait compatibles avec les meilleurs instincts de l'Amérique et ses valeurs». Les relations entre Washington et la Cour ont toujours été tumultueuses. Les Etats-Unis ont refusé d'y adhérer et ont tout fait, notamment par des accords bilatéraux avec de nombreux pays, pour éviter que des Américains puissent être visés par ses enquêtes. L'administration de Donald Trump a poussé à l'extrême la défiance à son égard. Fatou Bensouda, la procureure de l'institution qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, a annoncé en 2017 qu'elle allait demander aux juges l'autorisation d'ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis dans le cadre du conflit afghan, notamment par l'armée américaine. Il s'agirait pour la CPI d'une des enquêtes les plus complexes et les plus controversées sur le plan politique, qui serait la première à investiguer des crimes présumés commis par les forces américaines. Dans une attaque d'une virulence inédite contre la CPI, la Maison Blanche avait menacé en septembre dernier ses juges ou procureurs de sanctions s'ils s'en prenaient à des Américains ou à Israël. Les Etats-Unis ont mis en mars à exécution leur menace sans précédent contre la Cour, en annonçant des restrictions de visa pour tenter d'empêcher toute enquête de l'institution contre des militaires américains, notamment en Afghanistan. La CPI est régie par le Statut de Rome, un traité entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ratifié par 122 pays. Son procureur peut déclencher ses propres enquêtes sans permission des juges à la condition qu'elles impliquent au moins un pays membre : c'est le cas de l'Afghanistan.