Le tour de la ville d'Alger, hier, au lendemain de la démission d'Abdelaziz Bouteflika, fait apparaître une atmosphère habituelle mais où les citoyens se montrent sereins quant à l'avenir du pays. Ailleurs, le portrait du Président décore toujours l'intérieur des bureaux des institutions de l'Etat. Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - En effet, c'est l'impression que dégage la rue hier mais tout en montrant une réelle volonté de se donner rendez-vous vendredi prochain pour une 7e marche consécutive, en témoigne le sit-in sur la place de la Grande-Poste d'une foule assez compacte mais bruyante réclamant avant tout l'application immédiate de l'article 7 de la Constitution. Au milieu des chants patriotiques, c'est la «chasse aux voleurs», et «vous avez pillé le pays» qui sont réitérés pour dénoncer ceux qui ont détourné les deniers publics, les citant nommément. L'un des manifestants nous confie «Vendredi, nous devons accompagner le changement jusqu'au bout, le plus difficile reste à faire.» Un jeune étudiant venu de Béjaïa déclare qu'il faut procéder à l'arrestation de tous les escrocs», citant au passage quelques noms des plus connus de la rue. «Notre Révolution a porté ses fruits», enchaîne son compagnon. Nadia, une étudiante en médecine, elle, estime qu' «il ne faut surtout pas oublier ce qui reste à réaliser », car, pour elle, « ce n'est pas fini et la pression populaire de la rue doit continuer ». Nassim, qui suit de près l'évolution du sit-in de la Grande-Poste, n'y va pas de main-morte pour décrire la «chute» du Président Bouteflika. «Il a été pris en otage par des maffieux de frères et l'ont laissé terminer sa carrière en minable», assène-t-il, comme pour dire que Bouteflika aurait pu sortir «par la grande porte». Samia, qui réside à Alger-Centre, résume ainsi sa pensée : «C'est le premier jour que nous allons vivre sans Bouteflika depuis 20 années.» Par contre, Djamel, enseignant en sociologie, se montrant précepteur, nous signifia que « ce jour qui succède la démission du Président est perçu comme un non-événement et tout à fait habituel puisque Bouteflika s'est absenté des yeux du peuple depuis 2013». Mais dans les cafés, l'événement ne passe guère inaperçu puisque les discussions vont bon train devant les écrans des chaînes des plus regardées, qui rediffusent les images du Président présenter officiellement sa démission auprès du président du Conseil constitutionnel. Mohamed, septuagénaire, qui parait sûr de lui, voit que « le système a été sérieusement égratigné, mais sans minimiser la joie que nous a procurée la soirée d'hier, nous sommes devant une impasse». En gros, les slogans les plus prônés par la population sont «Le combat continu» et «Le peuple demande le départ de tout le système». C'est ce qui semble retenu comme mots d'ordre pour la marche du vendredi prochain, à laquelle promettent de participer toutes les personnes rencontrées, comme pour témoigner de la continuité de la mobilisation. Par ailleurs, c'est au niveau des institutions de l'Etat à Alger que l'événement de la démission du Président Bouteflika dégage une ambiance particulièrement habituelle et un jour qui ressemble tout à fait à tous les autres puisque l'intérieur de tous les bureaux de ces institutions est resté décoré du portrait du Président Bouteflika. Les responsables concernés nous répondent à l'occasion non sans prudence remarquée : «Nous n'avons reçu aucune décision officielle dans ce sens.» A. B.