Dans une Algérie revigorée par l'espoir mais toujours tenaillée par la ténacité de ses doutes, il a suffi de deux éclairs dans le désert culturel qui a pris ses aises depuis des lustres pour déclencher l'enthousiasme et dire que de belles choses sont encore possibles. Deux éclairs que le hasard du calendrier a eu la générosité de faire coïncider avec un moment de reconquête nationale. De nouveau, on se surprend à se regarder avec d'autres yeux et une idée de soi plus gratifiante, sinon moins flagellatoire. Ça ne pouvait donc pas mieux su parce qu'en cadeau, ces deux travaux ont permis d'arracher quelques pans de la société au « tout politique », leur permettre dans une certaine mesure de récupérer de l'effort et peut-être bien « recharger les batteries ». Le Ramadhan étant aussi un moment propice pour l'attente et la découverte, les Algériens ont cette chance inespérée d'oublier un moment les insipides créations qui meublent depuis longtemps leur vie culturelle et squattent leurs moments de détente. Il y a d'abord cette série qu'ils auraient pu… ne pas voir parce que la censure s'est déjà déployée pour arrêter sa diffusion. Révolution ou pas, les ciseaux sont toujours opérationnels. L'audace esthétique, le texte dégrisé, la performance d'acteurs, les agitations d'un pan du pays rendues avec courage et lucidité, le voile tiré sur un réel pas toujours beau à voir dans la vraie vie, on n'en a pas vraiment l'habitude et ça a suffi pour mobiliser les vigiles préposés à l'honneur de la Cité. La série s'en est sortie avec un changement de titre, c'est déjà un compromis fait à l'inquisition mais bon… Il y a ensuite ce film que les Algériens n'ont pas encore vu mais qui met déjà du baume au cœur. Sélectionné pour le festival de Cannes dans la catégorie « un certain regard », Papicha de Mounia Meddour a soulevé l'admiration de la critique et l'enthousiasme des passionnés qui lui ont réservé un interminable standing ovation. Ce n'est déjà pas si mal pour une jeune réalisatrice algérienne qui a certes un nom mais ambitionne quand même de se faire un prénom dans le cinéma. Un bonheur ne venant jamais seul, les Algériens ont découvert qu'ils ont en leur sein des cinéastes capables de « rougir leurs visages » mais également que c'est une femme qui s'en est chargée, ce qui ne manque pas de sens, par les temps qui courent. Et puis cette tendre émotion dans la pensée unanime pour le papa de Mounia. Azzedine Meddour était un artiste talentueux et un homme éclairé, jamais en marge des palpitations de son pays. Parti trop tôt, il manque à l'Algérie et ce qu'elle projette de plus beau. En ce moment précis, c'est un devoir de s'y arrêter. S. L.