L'affaire Tahkout a pris des proportions spectaculaires avec l'emprisonnement de ce dernier, de trois membres de sa famille, ainsi que la mise en détention de quatre hauts cadres inculpés dans le même dossier. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les mises sous mandat de dépôt ont débuté très tôt dans la matinée de ce lundi. Entré dimanche après-midi en compagnie de ses deux frères et de son fils Bilal, l'homme d'affaires et patron de l'usine de montage voiture Hyundai en est ressorti le lendemain, peu avant dix heures du matin, à bord d'un fourgon de la gendarmerie chargée de le conduire à la prison d'El-Harrach, où croupissent déjà Ali Haddad, les frères Kouninef et Issad Rebrab également arrêtés dans le cadre de l'opération anti-corruption déclenchée au lendemain de la démission de Abdelaziz Bouteflika. Mahieddine Tahkout, lui, s'est vu signifier sa mise en détention provisoire vers six heures après plus de quinze heures passées au tribunal où un juge d'instruction était chargé de faire la lumière sur la manière avec laquelle celui-ci avait obtenu des marchés «douteux» et conclu des contrats «avantageux» auprès de l'Andi (Agence nationale de développement et d'investissement), de l'Onou et l'Etusa. Me Khaled Bourayou, l'un des avocats, parmi le groupe chargé de sa défense, a fait savoir que son client a été inculpé pour blanchiment d'argent, détournement et bénéficié de privilèges. «Tahkout a nié ce qui lui était reproché (…) il a dit que ses affaires ont été menées dans le cadre des procédures légales», déclare cependant ce dernier tout en regrettant que la justice «ait abouti à une décision d'incarcération (…) car elle aurait pu le placer sous contrôle judiciaire». Ses deux frères et associés, Rachid et Hamid, ainsi que son fils Bilal n'ont pas été épargnés non plus, des images diffusées en boucle par plusieurs télévisions privées ont retransmis leur sortie du tribunal et leur montée dans le fourgon cellulaire chargé de les conduire en prison. Egalement convoqué, Nacer Tahkout, le troisième frère de la famille, a pu, quant à lui, rentrer libre chez lui. Comme ses frères incarcérés, ce dernier s'était vu frappé d'ISTN (interdiction de sortir du territoire national) au même moment qu'une dizaine d'autres hommes d'affaires connus pour constituer cette oligarchie soupçonnée de s'être enrichie grâce aux avantages octroyés par Bouteflika. En avril dernier, et dans une déclaration à la presse, Mahieddine Tahkout avait, quant à lui, nié avoir été destinataire de cette mesure. L'ancien directeur de l'Etusa sous mandat de dépôt La seconde journée consécutive au traitement de l'affaire a été consacrée à la poursuite des auditions des cadres de l'Etusa, de l'Onou mais aussi du ministère de l'Industrie. En tout, près de 180 personnes ont été convoquées, et une bonne partie interrogée jusque tard dans la nuit. Dimanche soir, des rumeurs faisant état de mise sous contrôle judiciaire de certains d'entre eux avaient circulé de manière intense. L'information véritable n'a cependant été rendue publique qu'au lendemain, vers 12 h, avec l'annonce de la mise sous mandat de dépôt de quatre de ces cadres. Il s'agit de l'ancien directeur de l'Etusa, le directeur des œuvres sociales universitaires, ainsi que deux autres personnes. L'ensemble des cadres convoqués par la justice ont fait au préalable l'objet d'enquêtes poussées et menées par la brigade de gendarmerie de Bab J'did. Ils ont été à plusieurs reprises écoutés et questionnés sur la base de documents transmis au procureur de la République car laissant planer des doutes sur une possible implication dans «des combines et donc de non-respect à la réglementation», d'abus de fonction et de corruption. Hier, le traitement de l'affaire se poursuivait toujours à la base, et donc auprès des cadres concernés. En sa qualité de tribunal civil, Sidi M'hamed n'a fait qu'écouter Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et six autres ministres soupçonnés d'avoir permis à Tahkout de bâtir un empire aujourd'hui perdu. Comme dans le dossier Haddad, leur cas relève désormais de la Cour suprême. A. C.