Faute d'un programme social rassurant pour les Algériens qui traversent une période très difficile, le gouvernement ressort le discours des années 1980. C'est la conclusion qu'ont tirée nombre d'observateurs à l'issue de la visite « de travail et d'inspection » du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tidjani Hassan Heddam, jeudi dernier à Boumerdès. Autre constat qui a une ramification d'ordre politique : dans une conjoncture qui voit le pouvoir et son gouvernement fortement contestés par la population, l'hôte de Boumerdès n'est pas venu dans la peau d'un intérimaire mais d'un ministre qui trace des programmes à long terme. A la question sur le gel du DAIP (Dispositif d'aide à l'insertion professionnelle) et du CTA (Contrat de travail aidé), il dira : «On est en train de voir les voies et moyens pour que le DAIP ait une évolution positive. Dans le cadre de l'évolution positive, nous sommes en train de travailler pour que nos personnels qui sont, à l'échelle nationale, de l'ordre de 400 000 éléments recrutés dans le cadre de ce DAIP, soient régularisés. » Le rituel immuable Après avoir fait le tour, sous l'objectif de la caméra de l'ENTV, de quelques institutions dépendant de son département, notamment la Cnas et la CNR, où il a discuté des choses banales avec les agents et usagers de ces deux caisses, le ministre a regagné le siège de la Wilaya où il a présidé, aux côtés du wali de Boumerdès, Yahia Yahyatène, une cérémonie de distribution de quelques locaux — des invendus de l'OPGI — et des contrats de travail à des jeunes universitaires et des handicapés sans emploi. Par la suite, toute la délégation a regagné la salle de conférences de la Wilaya où environ 200 cadres de toutes les entités décentralisées de son département ont été convoqués pour une séance de travail. Ce qui se faisait dans les années 1980. Le directeur de l'emploi de la région a fait lecture du bilan des activités du monde du travail dans la région. Il a avancé beaucoup de statistiques, rendant la situation prometteuse. Pour ce qui est du chômage, il a déclaré que le taux était, au premier semestre 2019, de 11,17% avant de préciser qu'il chutera d'ici la fin de l'année jusqu'à atteindre 10,50%. Comment ? Il ne le dira pas. Mais l'amère réalité, ce sont les P/APC qui la connaissent, eux qui sont quotidiennement harcelés par leurs jeunes administrés à la recherche d'un emploi. Autres statistiques données sans précisions. Le directeur de l'emploi a affirmé, en effet, que la wilaya de Boumerdès compte 576 096 assurés sociaux auprès de la Cnas et de la Casnos mais sans noter combien de personnes sont exploitées au noir. En tenant compte de cette masse d'assurés, on peut supposer que plus de 50% de la population de la wilaya, laquelle avoisine le million d'âmes, travaille ou elle est assurée. L'inconvénient dans cette statistique, c'est que le directeur de l'emploi a omis de préciser que les agences Cnas de Rouiba, Reghaïa - avec leurs zones industrielles, Aïn Taya, Bordj-el Bahri, Heuraoua, El-Marsa, bien que situées sur le territoire de la wilaya d'Alger, sont rattachées administrativement à la Direction régionale de Boumerdès. Aucun chiffre qui fâche n'a été cité, comme par exemple la population en âge de travailler, les conditions générales du travail, les violations récurrentes de la législation du travail par les entreprises chinoises, turques,… certaines travaillent carrément dans la clandestinité. Dans son intervention, le ministre a insisté sur la nécessité pour les jeunes universitaires de s'imprégner de la culture de l'entrepreneuriat. « Il appartient aux directeurs locaux du travail de multiplier les réunions des commissions locales de promotion de l'emploi et de travailler pour la création des espaces de débat pouvant faire émerger des idées sur l'amélioration locale de l'emploi », dira-t-il. Le ministre a clôturé son intervention en invitant l'assistance à un débat. Seule une députée de Boumerdès a exposé le cas des femmes qui travaillent depuis des années pour un salaire mensuel de 5 000 dinars dans les cantines scolaires. Elle n'a reçu aucune réponse. Ce fut la seule et unique intervention. Question, en aparté, sur ce silence de l'auditoire, un chef de service nous dira : « Personne ne se risquerait à prendre la parole devant ces gens. » Abachi L.