En ce 27e vendredi depuis le 22 février, les Algériens sont sortis, comme à leur habitude, pacifiquement, scandant leurs revendications de façon mélodique et rythmée, et arborant des panneaux dont les contenus, non sans humour et jeux de mots, sont pleins de sens, toujours selon les évènements politiques de la semaine. Ghazi Boucharef - Alger (Le Soir) - Heureusement pour les hirakistes, dont certains ont du mal à s'atteler à des marches de plusieurs kilomètres et de longues durées, des commerçants ont pris l'initiative de travailler le vendredi, offrant ainsi une panoplie d'articles et de services aux manifestants qui ont grand besoin de force et d'énergie pour mener leur marche à bien. De ce fait, les manifestants qui se sentent déshydratés ou qui appréhendent d'éventuelles insolations peuvent se consacrer à leur hirak en toute tranquillité, sans se soucier de ces petits contretemps. En outre, grâce à l'omniprésence des vendeurs de drapeaux algériens, ceux qui ont omis de prendre le leur ne seront pas déçus. Dès le matin, bien avant que la marche ne débute, des vendeurs de toutes sortes, généralement jeunes, commencent à disposer, çà et là, leurs articles sur des cartons ou sur des tables basses. Installés sur les trottoirs, bien à l'ombre, certains proposent des boissons fraîches qu'ils préservent dans des glacières, pendant que d'autres vendent plusieurs sortes de casquettes ou de bérets. «Habituellement, je travaille au marché et me repose le vendredi. Cela dit, depuis le 22 février, je travaille aussi le vendredi, car le profit y est plus gros», nous confie un jeune vendeur de boissons fraîches qui ne manque, effectivement, pas d'acheteurs. D'après les propos du serveur d'un café se situant sur la Place Maurice-Audin, non loin de la Fac centrale, ils ont, eux aussi, décidé de travailler le vendredi pour des raisons similaires. Par ailleurs, selon toute vraisemblance et non sans surprise, les jeunes commerçants, depuis déjà 27 semaines, maîtrisent de mieux en mieux les bases rudimentaires du marketing stratégique. En effet, pour celui qui s'attarderait à observer leur façon d'opérer, il lui serait vite dévoilé que ces jeunes vendeurs mettent parfaitement en pratique les trois fameux concepts marketing nécessaires à la réussite de tout projet de vente : la segmentation, le ciblage et le positionnement. D'une certaine façon, lesdits jeunes vendeurs ont commencé par segmenter le marché en groupes d'acheteurs, ils ont ensuite ciblé les consommateurs qui se rassemblent lors de la marche, selon leurs besoins, puis, ils ont positionné leurs produits, en leur donnant un sens, tels les drapeaux algériens et autres dérivés du symbole national, dans un contexte de révolution qui, en terme d'image et de positionnement, à déjà fait le travail. Les bénévoles du domaine médical, trousse de secours à la main, sont aussi au rendez-vous. Les secouristes vêtus de gilets de couleur orange et les bénévoles du Croissant-Rouge algérien vêtus, quant à eux, de gilets rouges, se répartissent équitablement, en équipes, sur plusieurs zones d'Alger centre, dont la Place de la Grande Poste, La Place Maurice-Audin et la rue Didouche-Mourad. «Aider le peuple, c'est notre façon de faire le Hirak» nous explique un secouriste. «Nous apportons notre aide gratuitement aux manifestants de tout âge. Généralement, il est question de malaises causés par des déshydratations et des insolations. La présence de personnes qui souffrent de maladies chroniques est également importante», nous ajoute-t-il. «Nous nous devons de soigner les gens de façon neutre. Tant que je porte ce gilet, j'ai le devoir de soigner tout le monde, même ceux en désaccord avec ma vision. Personnellement, si je veux donner mon opinion, j'enlève d'abord mon gilet puis je m'exprime en tant que citoyen algérien», nous confie un bénévole du Croissant-rouge algérien. Il fait, apparemment, bon vivre dans ces manifestations du vendredi où chaque citoyen apporte son grain ; une communauté 2.0 dont chaque élément, dans son aspect individualiste, participe au bien de tous. G. B.