Les incidents signalés au Tunnel des facultés (Alger) ont amené des manifestants à s'organiser. Hier, un groupe d'activistes a lancé une initiative pour sécuriser les marches à Alger. Endossant des gilets orange sur lesquels est inscrit le mot fétiche «Silmiya» (Pacifique), les citoyens s'étaient installés sur les sites sensibles du centre de la capitale pour éviter d'éventuels accrochages entre les marcheurs et des CRS. «La semaine dernière, j'étais au niveau du tunnel et j'ai vu les gens gazés. Le lendemain, j'ai parlé à des amis pour lancer une initiative qui permettra de protéger les manifestations et éviter des frictions avec la police», signale, dans une déclaration à El Watan, Toufik Amrane, activiste sur les réseaux sociaux et initiateur de l'opération des «gilets orange». Une quête a permis d'acheter 200 gilets, les gens approchés par l'activiste ayant accepté d'aider de bonne grâce à la réussite de l'opération. Le bouche-à-oreille a fait le reste. «Toufik Amrane, l'initiateur de l'idée, a contacté des amis à lui, dont moi-même. Beaucoup ont exprimé leur soutien. Certain ont appelé des amis à eux…», signale Chawki Amine Smati, génial journaliste et animateur de télévision à l'avant-garde du hirak. Des étudiants, des journalistes, des médecins et d'autres citoyens lambda, ayant eu vent de l'opération via les réseaux sociaux, étaient nombreux à se joindre aux initiateurs. «Les bénévoles sont venus spontanément. Ils étaient parfois munis de médicaments…», se réjouit Amrane. Les gilets orange s'étaient d'abord rassemblés au quartier Meissonier (actuellement Ferhat Boussaad) avant de se diriger vers le Tunnel des facultés. Sur le chemin, la procession a été ralentie par des gens ou des habitants des immeubles et quartiers alentours de Didouche Mourad qui pensaient que le groupe voulait manifester seul, en se démarquant du reste des marcheurs, relève Smati. Formé de près d'une cinquantaine de bénévoles, le cortège se dirigea vers la place Maurice Audin où le dispositif de CRS avait bloqué le passage du tunnel. Formant une chaîne humaine, les jeunes bénévoles, identifiables à la couleur de leurs gilets, s'étaient mis entre les manifestants, dont le nombre grossissait à vue d'œil à mesure que le temps passait, et les forces de l'ordre. «Au début les gens ne comprenaient pas, mais avec patience et beaucoup de dialogue, ils ont fini par adhérer à la démarche. Certains ont commencé à se joindre à la chaîne humaine. Et les organisateurs demandaient à chaque fois les coordonnées des bénévoles supplémentaires. Les gens déclinaient leurs identités, car convaincus du but et de la non-politisation de l'action», précise Smati, qui a accompagné les bénévoles une partie de l'après-midi. Quelle réaction a eu la police ? «Au début, ils ont commencé par me poser des questions sur l'initiative. Ils ont accepté… La démarche les sert eux aussi», fait remarquer Toufik Amrane. Une partie des gilets orange, ayant occupé les deux bouts du tunnel, s'était installée sur le boulevard Mohammed V, dont l'entrée donnant sur la place Audin a été libérée par les forces antiémeute. Des casseurs, décidés à en découdre avec les policiers positionnés en haut de ce tronçon, ont tenté de remonter ce boulevard. Les gilets orange s'étaient interposés. La démarche lancée par Toufik Amrane, aidé de nombreuses personnes de bonne volonté, a eu un excellent résultat : aucun incident majeur n'a été heureusement signalé.