Qui l'eut cru ? Néophyte sur la scène internationale, le Kosovo défie aujourd'hui l'Angleterre dans la peau d'un postulant à la qualification pour l'Euro-2020, deuxième du groupe A après des victoires en Bulgarie et sur la République tchèque. Taxi à Pristina, Agim Neziri s'enflamme après ce succès (2-1) sur les Tchèques, qui avaient pourtant ouvert le score samedi : «Notre équipe est le Brésil des Balkans !» Petit pays pauvre de quelque 2 millions d'habitants du sud-est européen, le Kosovo est un nouveau venu sur la scène internationale. Déclarée en 2008, l'indépendance de cet ex-territoire yougoslave majoritairement peuplé d'Albanais, n'est toujours pas reconnue par la Serbie parvenue jusqu'en 2016 à lui fermer les portes de l'UEFA et de la Fifa. Première campagne de son histoire, les qualifications pour le Mondial russe furent un chemin de croix: un nul, neuf défaites, trois buts marqués, 24 encaissés. Mais l'arrivée de l'entraîneur suisse Bernard Challandes début 2019, a stabilisé l'équipe. Pour le principal quotidien du pays, Koha Ditore, il est l'homme «derrière (cette) extraordinaire émergence». Les Kosovars se présentent au stade St Mary's de Southampton fort d'une série de quatorze matches sans défaite, entamée par la première victoire de leur histoire contre Madagascar en mars 2018 (1-0). Leurs adversaires n'ont pas été des faire-valoir. L'équipe de Challandes a tenu en échec le Danemark en amical (2-2) et remporté son groupe en Ligue des Nations pour gagner sa promotion. La diaspora Elle a surtout réussi deux coups de maître en qualifications de l'Euro, à Sofia en arrachant la victoire dans les ultimes secondes (3-2), puis en renversant les Tchèques devant le public chaud bouillant du stade Fadil-Vokrri (2-1). Une victoire obtenue sans deux piliers, blessés, le milieu Arber Zeneli (Reims/L1 française) et l'attaquant Milot Rashica (Werder Breme/D1 allemande). Face aux Bulgares comme aux Tchèques, le buteur de Fenerbahçe Vedat Muriqi, a marqué. Avec le milieu de Swansea (Premier League) Bersant Celina, il sera un des atouts de son équipe en Angleterre. Cette équipe ressemble au Kosovo : elle est composée de joueurs issus d'une diaspora nombreuse, poussée hors du Kosovo par le joug imposé par le régime de Slobodan Milosevic dans les années 1990, puis par la guerre d'indépendance contre les forces serbes (1998-99) et enfin par une économie fragile. Une diaspora présente en Suisse, en Allemagne, en Autriche ou encore en Scandinavie. Dans la formation actuelle, quatorze championnats sont représentés. Aucun des joueurs qui ont triomphé samedi n'évolue au Kosovo, beaucoup n'y sont même pas nés. La formation est aussi très jeune : contre les Tchèques, elle affichait 23 ans de moyenne d'âge. «Pas de panique !» Ces joueurs ne se fixent pas de limites : «Unis, avec l'aide de nos supporteurs, le Kosovo peut réussir de grandes choses», assure le capitaine Amir Rrahmani, défenseur transféré cette saison au Hellas Vérone (Serie A) après quatre saisons en Croatie. «Notre victoire contre la République tchèque a été très importante dans l'optique d'une participation inédite à l'Euro (...) Maintenant au tour de l'Angleterre!», prévient Bersant Celina. «Cela va être difficile», tempère le milieu Besar Halimi, qui joue en D2 en Allemagne, son pays de naissance. «L'Angleterre a une équipe extraordinaire avec des joueurs qui disputent la Ligue des Champions tous les ans. Il faut le prendre comme une expérience, donner le meilleur et espérer prendre des points.» Avant de s'envoler pour Southampton, Challandes n'avait qu'un message, cité dans la presse locale : «Avant le match contre les Tchèques, j'ai dit qu'on devait se battre comme des dingues (...) Pour battre l'Angleterre, nous devrons nous battre comme des dingues complets». Agim le taxi croit à un nouveau miracle de ses «Brésiliens des Balkans» : «L'Angleterre est forte, elle peut nous battre. Mais pas de panique ! Le Brésil est parfois battu, mais rarement. Et reste le Brésil quoi qu'il arrive !».