Les Algériens le savaient depuis longtemps, mais pas dans les proportions que le révèle la multitude d'affaires en attente d'être traitées par la justice. Des affaires, bien sûr, traitant de la corruption, de la dilapidation de deniers publics et d'autres crimes portant atteinte à la collectivité. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, dans la perspective du renforcement du système législatif de lutte contre la corruption et toutes les formes de criminalité, propose donc d'abroger les dispositions qu'il estime ayant eu un impact négatif sur la mise en mouvement de l'action publique, et celles constituant des entraves à l'action de la police judiciaire, plus particulièrement dans les affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics, c'est-à-dire des affaires du genre qui ont fait bouger la justice dans tous les sens ces derniers mois, indépendamment, bien sûr, de celles visant des activistes et militants du Hirak. A première vue, en dehors des concernés entre avocats et autres dirigeants d'entreprises, c'est un amendement qui semble avoir suscité moins la controverse que les deux lois adoptées quelques jours plus tard par le gouvernement ; la loi sur les hydrocarbures et la loi de finances 2020. Mais, si l'on doit se fier à quelques voix, dans le milieu des avocats notamment, l'accueil qui sera réservé à cet amendement de l'ordonnance 66-155 du 8 juin 1966 portant code de procédure pénale risque de soulever des vagues du fait que ce qui est proposé «va à l'encontre de la Constitution». Toute investigation doit être ouverte après une plainte pour ,qu'ensuite, la justice saisisse un des corps des services de sécurité habilités pour engager une enquête. C'est ce que dictait la procédure jusque-là. Au travers de l'amendement proposé, donc, selon la lecture d'un avocat du barreau de Tizi-Ouzou, désormais le parquet délègue une partie de son pouvoir à la police judiciaire qui, ainsi, aura toute latitude d'ouvrir des enquêtes sur la corruption et de procéder à des arrestations sans qu'elle soit saisie par le procureur ou le juge d'instruction. «De quoi ouvrir grand la porte à l'abus», redoute-t-on ouvertement chez plusieurs autres avocats consultés, qui disent également, pour certains, craindre que du fait de ce que propose l'amendement du code de procédure pénale, les organes sociaux des entreprises publiques, par exemple, ne jouiront pas de façon exclusive du droit de déposer plainte dans le cas d'un soupçon de corruption ou autre crime. Des interrogations qui, estiment-ils, mettent à mal l'Etat de droit, d'une part, revendiqué par les Algériens et, d'autre part, ce dont se prévalent les dirigeants du pays, notamment de l'ère Bouteflika. Azzeddine Maktour